Les Sept péchés capitaux

Comédie à sketchs modulable sur les excès du genre humain

Et si vos spectateurs se reconnaissaient… dans leurs propres travers ? Accordez-nous moins de deux heures de lecture et offrez à votre public une comédie à 7 sketchs, chacun consacré à un péché capital  (même si vous avez peu de moyens et beaucoup d’acteurs à faire jouer).

Rires, émotion et explosions, tout y est !



On a 3 questions rapides à vous poser : 

🆘 Vous en avez assez des pièces de théâtre comiques où tous les personnages se ressemblent et manquent de relief ?

🆘 Vous fuyez les comédies qui étirent la même histoire sur deux heures ?

🆘 Vous redoutez les comédies qui exigent des décors coûteux ou impossibles à transporter ?

Si vous avez répondu oui à au moins deux questions, alors lisez vite ce qui suit !

Orgueil, Avarice, Luxure, Colère, Envie, Gourmandise, Paresse : sept saynètes comiques, chacune consacrée à un Péché Capital.
Jouables ensemble pour un grand spectacle, ou séparément pour des soirées à thème, ces sketchs offrent un humour universel et des situations où chacun se reconnaîtra… parfois à son corps défendant.

En accédant au texte intégral de Les Sept Péchés Capitaux, vous obtiendrez un fichier PDF d’à peine 1,1 Mo, téléchargeable sur votre ordinateur, votre tablette ou votre téléphone, et imprimable sur n’importe quel support.
La mise en page vous permettra de noter sur le texte toutes les indications et notes de régie utiles à votre mise en scène.

Avec Les Sept péchés capitaux, vous aurez : 

✅ Une variété comique garantie : sept univers, sept intrigues, sept occasions de faire rire et réfléchir votre public.


✅ Une distribution ultra-flexible : de 6 à 37 interprètes (de 4F/2H à 24F/13H), selon vos besoins.


✅ Des durées adaptables : jouez tous les sketchs ou seulement quelques-uns.


✅ Des décors simples : chaque sketch se joue avec un minimum d’éléments, idéal pour les tournées ou les petits budget.


✅ Un humour intemporel : les défauts humains sont éternels, et le public adore les voir caricaturés sur scène.

🎭 Intéressé(e) ?

Téléchargez gratuitement le texte intégral de Les Sept Péchés Capitaux 

et offrez à votre public une galerie de travers aussi drôles que savoureux.

Attention : déconseillé aux troupes qui veulent proposer une et une seule histoire.


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La demande d’autorisation se fait en ligne, directement via la SACD  :
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Questions fréquentes sur les Sept péchés capitaux

Cette comédie à sketchs convient-elle à une grande troupe ou à une distribution variable ?

Oui, c’est même sa vocation. Les Sept Péchés Capitaux peut réunir de 6 à 37 comédiens, avec une répartition modulable entre femmes et hommes. Chaque sketch est autonome, ce qui permet d’adapter la durée et la distribution selon ta troupe ou le format de représentation.

Peut-on jouer les saynètes séparément ?

Tout à fait. Les sept sketchs peuvent être joués ensemble pour une grande soirée à thème, ou individuellement lors d’événements plus courts. Chaque saynète fonctionne seule, avec sa propre intrigue et sa chute comique, tout en gardant une unité de ton et d’esprit.

Faut-il un décor complexe pour monter Les Sept Péchés Capitaux ?

Non. Chaque sketch repose sur un décor minimaliste, facilement transportable : quelques accessoires suffisent à évoquer chaque situation. C’est une pièce idéale pour les troupes itinérantes, les festivals ou les salles polyvalentes, même avec peu de moyens techniques.

Quel est le ton général de la pièce ?

C’est une comédie mordante et universelle : chaque Péché Capital devient un miroir de nos travers quotidiens. L’humour naît du décalage et de la reconnaissance : on rit des autres… puis de soi. Une satire légère, sans cynisme, mais pleine d’autodérision et d’énergie collective.


Extrait des Sept péchés capitaux

Personnages

Mme Bronchu, concierge.

Léa, assistante d’Arthur.

Arthur, Directeur de la galerie Fluffinett.

Melbridge, mécène de la galerie.

Grabovski, mécène de la galerie.

Delsart, mécène de la galerie.

Le Bureau directorial de la Galerie Fluffinett. Sur le bureau lui-même sont posées plusieurs œuvres d’art contemporain. Mme Bronchu et Léa sont en scène.

Mme Bronchu, remettant un colis. Voilà, M’ame Léa.

Léa, prenant le colis, sans comprendre. On n’attend rien, enfin je crois.

Mme Bronchu. Ça, je peux pas vous en dire plus, M’ame Léa. (Elle se met à renifler.)

Léa, posant le colis sur le bureau. Ça pèse son poids.

Mme Bronchu. Ça sent bizarre, non ?

Léa, reniflant à son tour. Oui, c’est curieux. (Elle ouvre le colis, en sort un paquet de lessive.) De la lessive ? (Elle en sort un autre paquet.) Je comprends pourquoi c’était si lourd. (Elle sort un objet du colis.) Qu’est-ce que c’est ?

Mme Bronchu, prenant l’objet. Faites voir ? (L’observant sous toutes les coutures.) C’est un mini-doseur. Cadeau de la marque. Regardez, c’est dit ici. (Elle montre un paquet.)

Léa, lisant ce qu’il y a sur le paquet tandis que Mme Bronchu pose le mini-doseur sur le bureau. Ah oui. Mais pourquoi on reçoit ça ?

Mme Bronchu, examinant le colis. Ils se sont trompés, Mme Léa. Regardez : l’adresse, c’est bien ici : 100, rue des Pénitents. Mais il y a une erreur de nom.

Léa, lisant. « Galeries Farfouillettes ». (À Mme Bronchu.) Farfouillettes-Fluffinett, Fluffinett-Farfouillettes, ça peut se confondre, c’est vrai, même si une quincaillerie et une galerie d’art n’ont pas grand-chose en commun. Inutile d’en parler à M. Fluffinett, c’est exactement le genre de confusion qui serait susceptible de le…

Soudain, Arthur entre en trombe.

Arthur, à Léa. Vous avez osé ? !

Léa fait un signe discret à Mme Bronchu, qui remet les paquets dans le colis et s’éclipse à pas de loup.

Arthur. Déplacer le Himmelfarb ! Vous vous croyez chez vous, ma fille ?

Léa. Non, bien sûr, M. Fluffinett. 

Arthur. Une œuvre d’une telle portée, malicieusement intitulée Piano aqueux, en deux mots. L’adjectif aqueux, du latin aqua, signifie « gorgé d’eau ».

Léa. Je le sais, M. Fluffinett. 

Arthur. Ah vous le savez ? Vous avez donc aussi saisi le lien entre cette signification, et le fait que le clavier de l’instrument semble dégouliner comme de la cire fondue ? 

Léa. Bien entendu, M. Fluffinett. 

Arthur. Mais ce que vous semblez ignorer, c’est pourquoi j’avais mis l’œuvre dans l’atrium et nulle part ailleurs. Cet emplacement avait été choisi par moi, car l’œuvre côtoyait ainsi celle de mon ami Tomaso Darni, La Fontaine aux nuages. De la sorte, les deux œuvres se répondaient et formaient un merveilleux diptyque sur la liquidité !

Léa. Mais, M. Fluffinett, c’était pour améliorer la perspective. Piano aqueux bénéficie maintenant d’une très belle orientation qui met en valeur les reflets de l’acier peint. 

Arthur. Il suffit ! Vous avez outrepassé vos prérogatives. Tout changement doit être soumis à mon approbation, non a posteriorimais a priori.

Léa, à part. Ça, les aprioris, c’est votre truc. 

Arthur. Combien de fois devrai-je encore le répéter ? Je compose l’espace de mes expositions comme de véritables œuvres d’art. Elles sont vouées à la mise en lumière des artistes que la Galerie Fluffinett montre au public. Et si jamais je… (Il se met à renifler.) Qu’est-ce que ça sent, ici ? (Léa renifle aussi et semble enfin reconnaître l’odeur.) Vous sentez ?

Léa. Non, je ne sens rien.

Arthur. Mais enfin, ça prend à la gorge ! C’est une infection ! (Il se laisse guider par son odorat.) Attendez… attendez… (Désignant un paquet fait au papier d’aluminium.) Ça vient de là… (Il l’ouvre : c’est un sandwich au Camembert.) Ah ! Quelle horreur ! Ça empeste ! Qui m’a ramené ça ici ?

Léa, après un silence. Je… c’est moi… M. Fluffinett. Je n’ai pas encore eu le temps de déjeuner. On a été un peu bousculés depuis…

Arthur, la coupant. Vous êtes folle ? Vous allez m’empuantir toute la galerie ! Sortez-moi ça !

Léa. Oui, M. Fluffinett. 

Léa prend le sandwich et sort avec.

Arthur. Je m’échine à créer une atmosphère de raffinement, de sophistication. Les personnes qui viennent ici cherchent à entrer en contact avec l’art contemporain, la sublimation la plus haute et la plus actuelle de nos préoccupations. Il est hors de question qu’elles s’étouffent dans une abjection d’orteils macérés au jus de chaussette ! (À Léa, qui revient.) Ne me refaites plus jamais ça. Et laissez la porte ouverte, ça fera courant d’air… Où est la liste des invités pour le vernissage de samedi ?

Léa, lui donnant un papier. Justement, M. Fluffinett, je voulais vous en parler…

Arthur, lisant. Quoi, encore ?

Léa. Il me semblait que quelques ajustements étaient nécessaires…

Arthur, au bord de l’évanouissement. Vous avez touché à ma liste d’invités ?  

Léa. Certains noms me paraissaient un peu sortis du circuit. Je pensais donner un petit coup de jeune à l’événement…

Arthur, la coupant. Cette liste est le fruit de nombreuses années de travail ! Mais qu’est-ce que vous avez dans la tête, ma fille ? Vous avez fait des études d’Histoire de l’Art ?

Léa. En effet, M. Fluffinett.

Arthur. J’en viens à me demander si vous avez seulement réussi votre Brevet des Collèges. Écoutez-moi bien : l’expert, ici, c’est moi. J’ai ouvert cette galerie quand vous n’étiez même pas encore dans le ventre de votre mère. J’ai une profonde connaissance du monde de l’art contemporain. Quand il s’agit de reconnaître un chef d’œuvre et de le mettre en valeur, je ne me trompe jamais. Aussi je vous prierais désormais d’appliquer les consignes que je vous donnerai, rien de plus. C’est clair ? (Un silence.) C’est clair ?

Léa. Oui, M. Fluffinett.

Arthur. Où sont les projets de nouvelles acquisitions ?

Léa. Parmi toutes les œuvres qui avaient attirées notre attention, J’ai fait une sélection resserrée. (Elle montre le bureau.) Elle est devant vous, M. Fluffinett. 

Arthur, jetant un rapide coup d’œil au bureau. Comme je vous l’avais demandé, vous avez retiré les machines absurdes de ce jeune artiste, son « régulateur de tension émotionnelle » et je ne sais plus quoi ?

Léa. Oui, M. Fluffinett. 

Arthur. Parfait. Eh bien, ce sera rapide. Il y a sur ce bureau une authentique œuvre d’art. La voici. (Il s’empare du doseur.)Regardez ces formes et cette matière… (S’échauffant par degrés.) Quelle audace ! Quelle profondeur ! L’oxymore du profane et du sacré, le détournement d’un l’objet quotidien pour dresser un manifeste impitoyable contre la société de consommation !

Léa, gênée. Euh… Ça, M. Fluffinett, c’est un doseur de lessive. Un cadeau publicitaire présent dans un colis arrivé par erreur à la galerie.

Arthur, dont le rouge monte au front. Bien entendu… je… je le savais… Que croyez-vous ? C’était un test… je voulais voir où était votre sens de l’esthétique…

Léa. Mais alors, quelle œuvre choisissons-nous ?

Arthur, regardant les œuvres et en désignant une. Celle-ci, évidemment. 

Léa, notant. Ce sera donc Monolithe liquide de Isao Ferrandis. 

Arthur. Je voulais vous parler d’un sujet grave. Nous avons un problème. (Sortant son téléphone.) Vous avez lu la dernière critique du Clairon des Mauges ? « Arthur Fluffinett n’épate plus la galerie ». (Acide.) J’espère que vous avez goûté le jeu de mots. « Vous voulez du ringard et du mauvais-goût ? Courez voir la dernière exposition que nous a concoctée la Galerie Fluffinett. C’est un panorama de tout ce que l’art contemporain a de plus affligeant. Mention spéciale pour le pathétique Piano Aqueux de Greta Himmelfarb et pour l’escroquerie monumentale de Tomaso Darni, La Fontaine aux nuages. Peut-on témoigner d’un plus grand mépris pour le public ? Arthur Fluffinett se complaît à exposer des artistes qui se regardent le nombril, et s’imagine que le public appréciera de contempler ce narcissisme d’un autre temps. Si Monsieur Fluffinett nous prend pour des quilles, cette fois-ci il a fait un strike et nous a tous couchés. »

Léa. C’est ce qui s’appelle une exécution en règle.

Arthur. Je vous en prie ! Je ne vais pas laisser ainsi traîner mon nom dans la boue. Il est impératif de redorer le blason de la galerie, et le mien, par la même occasion. Nous allons mettre sur pied une nouvelle exposition, et en quatrième vitesse. (Revenant vers le bureau.) Monolithe liquide sera le cœur nucléaire de cette nouvelle expo. Je veux des œuvres pures et dures, voire austères. Laissons le divertissement au web et aux plateformes. Nous sommes ici pour élever les esprits, non pour les rendre disponibles à la réception de messages publicitaires. Nous allons promouvoir une constellation d’œuvres qui ne tirent leur valeur que de leur propre substance et Monolithe liquide en sera l’astre et le centre orbital. 

Léa. Et si, au lieu de présenter des œuvres d’art closes sur elles-mêmes, on allait chercher du côté des héritiers du Pop-Art ? On viendrait ainsi mordre sur le quotidien du public pour mieux le transfigurer. Ça peut capter leur attention, les bousculer dans leurs perceptions et provoquer leur intérêt. Je pense en particulier à Maya Oltrev ou Léandre Kross, qui détournent des objets du quotidien.

Arthur. Il n’en est pas question. Cette Galerie n’est pas un bazar où l’on présente les derniers gadgets à la mode. Si j’avais voulu ouvrir un parc d’attraction, j’aurais acheté un champ de 2000 hectares, pas un hôtel particulier du XVIIIe siècle. 

Léa. Mais c’est parfois ce que recherchent les gens : l’attraction d’une œuvre qui parle un tant soit peu d’eux, et par-là : une émotion différente, un décalage.

Arthur. Eh bien ils chercheront ça ailleurs. Vous vous souvenez de ce qu’il y a au-dessus de l’entrée ? Mon nom, gravé en lettres d’or. C’est moi qui fixe la direction artistique de ce lieu. Concentrez-vous sur la logistique. De mon côté, je vais reprendre mon bâton de pèlerin et sillonner le monde à la recherche des perles rares. Convoquez nos mécènes. 

Quelques jours passent. Sur le bureau ne se trouve plus qu’un tissu cachant manifestement divers objets. Léa, seule, s’affaire en-dessous du tissu, on ne peut pas voir ce qu’elle fait.

Arthur entre.

Arthur. Ils sont arrivés !

Léa. Les donateurs ? Vous voulez que j’aille les chercher ?

Arthur. Vous plaisantez ? C’est moi le maître de maison, ici !

Arthur sort.

Léa s’affaire de nouveau sous le tissu.

Melbridge, Grabovski et Delsart entrent, suivis d’Arthur. Léa émerge du tissu.

Arthur. Entrez mes amis, vous êtes ici… chez moi ! Certes vous avez tant fait pour cette belle maison qu’elle vous appartient quand même un peu. Melbridge, Grabovski et Delsart, vous représentez à vous trois le rayonnement international de la galerie Fluffinett !

Melbridge. Arthur, vous nous accueillez toujours d’une façon divine. 

Grabovski. Vous savez trouver les mots pour nous toucher.

Delsart. C’est à chaque fois un immense plaisir de vous voir. 

Arthur, à Léa. Eh bien, qu’attendez-vous ? Servez nos amis !

Léa sert du champagne à Melbridge, Grabovski et Delsart et leur propose des petits-fours. Ces derniers répondent par des « Il ne fallait pas » « vous nous gâtez », « vous vous êtes mis en frais pour nous », ad libitum, tout en avalant les petits-fours à pleine bouche.

Arthur, une flûte à la main. Eh bien, mes amis, je vous propose de porter un toast… à moi. À ma clairvoyance, à ma sensibilité, et au talent que j’ai d’en trouver chez les autres. À moi ! (Ils boivent.) Si je vous ai fait venir aujourd’hui, ce n’est pas seulement pour le bonheur de votre présence. Je monte une nouvelle exposition qui fera date. Son thème ? L’art sans concession, l’art dans toute sa pureté, l’art ne tirant d’autres ressources que de lui-même. Naturellement, je vais faire appel à votre générosité. 

Delsart, avec une certaine gêne, regardant les autres. Arthur, nous craignons de ne pas être aussi généreux qu’à l’accoutumée.

Arthur, quittant son sourire. Mais que se passe-t-il ?

Melbridge. Ces derniers temps, les expositions de la Galerie ont pu dérouter, à en juger par certaines critiques.

Grabovski. Sans parler de l’organisation : on dit que des œuvres sont déplacées d’un jour à l’autre… Ce n’est pas très professionnel.

Arthur. Vous avez tout à fait raison. Ce déplacement était une initiative malheureuse de Léa, qui a encore beaucoup à apprendre à mon contact. Et j’espère que votre judicieuse remarque lui fera comprendre que j’avais raison de la sermonner à ce sujet. Mes amis, quand vous aurez vu un aperçu de ma prochaine exposition, cela effacera toutes vos appréhensions. 

Arthur fait un signe à Léa. Elle enlève alors le tissu, qui révèle ce qu’il cachait. On peut alors voir « Monolithe liquide » devant lequel est placé un carton sur lequel est écrit « Monolithe liquide (2025), Isao Ferrandis ». À côté de l’œuvre, Léa a placé le mini-doseur de lessive et a placé un carton sur lequel on peut lire « Pureté en trois dimension (2023), Artiste inconnu ».

Arthur. Et voilà ! Vous avez ici un échantillon des découvertes magistrales que nous allons présenter au public. (Apercevant le mini-doseur.) Mais… mais qu’est-ce que ça fait là, ça ?

Grabovski, d’un air entendu, à Arthur, mais aussi aux autres. Que se passe-t-il, Arthur ? Auriez-vous, encore une fois, un problème d’organisation ? (Melbridge et Delsart étouffent quelques rires.)

Arthur, après être resté bouche bée quelques instants. Mais non… absolument pas… tout a été parfaitement organisé… Bien… donc… (Montrant « Monolithe liquide ».) ici, se trouve une pièce majeure d’Isao Ferrandis… et je dois dire…

Delsart, qui, comme les autres, n’a d’yeux que pour le mini-doseur. Arthur, parlez-nous donc de cette oeuvre-ci, je vous prie.

Arthur. Ça ?

Melbridge, se rapprochant du mini-doseur, tandis que tous font cercle autour de l’objet. Fascinant minimalisme… De quoi s’agit-il ?

Arthur. Eh bien il s’agit de… euh… (Lisant le carton.) « Pureté en trois dimensions »… une œuvre de… de 2023… d’un artiste inconnu… donc… là-dessus, je ne peux vous en dire plus…

Grabovski. Mais pourquoi l’avoir choisie ?

Arthur. Tout simplement pour… à cause de… en raison de… de… de son fascinant minimalisme, comme vous le souligniez si justement… et puis…vous savez, chers amis, l’art contemporain a cette incroyable capacité à transcender les objets du quotidien, à leur donner un sens nouveau, une vie insoupçonnée. Regardez ce… cette pièce. À première vue, il ne s’agit que d’un simple doseur de lessive. (Tout le monde approuve. Arthur reprend confiance. Léa se retient de rire.) Un outil fonctionnel, banal, presque invisible dans la grisaille de nos routines modernes. Mais c’est précisément là que réside sa puissance. Ce n’est pas un objet. C’est un symbole. (Il s’approche du doseur.) Le plastique translucide évoque la fragilité de notre époque, une époque où la transparence est sans cesse revendiquée, mais rarement atteinte. Les graduations imprimées – ces lignes modestes, presque anonymes – rappellent notre obsession pour le contrôle, pour la mesure précise de tout ce que nous consommons. Mais regardez plus attentivement la courbure de cet objet, ses proportions délicates… Ne voyez-vous pas sa perfection géométrique, son harmonie presque platonicienne ? Ce doseur n’est pas un simple contenant. C’est une métaphore. Il contient nos espoirs, nos désirs, notre capacité à purifier notre propre souillure. Et que dire de l’idée même de « dose » ? Chaque dose, mes amis, est un acte. Un choix. Une invitation à réfléchir à notre rapport au monde, à nos excès, à nos besoins. Ce doseur est, en vérité, une critique subtile de la société de consommation. Il nous pousse à nous demander : « Quelle quantité m’est vraiment nécessaire ? » Ce doseur de lessive incarne le paradoxe de l’utilitaire transformé en miroir tendu à nous-mêmes. Et c’est là, mes amis, que réside toute la magie de l’art contemporain : prendre le banal, le quotidien, et le révéler dans sa valeur universelle.

Les trois mécènes sont subjugués par cette analyse et l’accueillent avec des « Magistral ! » « C’est d’une puissance ! » « Quelle force signifiante ! », ad libitum. Léa, tout en se retenant de rire, regarde pourtant Arthur avec une certaine admiration.

Melbridge. Cher Arthur, vous m’avez totalement convaincu-e, vous pouvez compter sur mon total soutien. 

Grabovski. Le mien aussi !

Delsart. Le mien également !

Arthur. Merci mes amis !

Tous les quatre trinquent et se mettent à discuter ensemble, tandis que Mme Bronchu rentre.

Léa. Que pouvons-nous faire pour vous, Mme Bronchu ?

Mme Bronchu. Eh bien à vrai dire, je… (Apercevant le mini-doseur.) Ah ! Le v’là  ! J’étais sûre qu’il était ici. 

Léa, prenant peur. Non, attendez !

Mme Bronchu se dirige vers le mini-doseur et le prend. Cela cause la stupéfaction de tout le monde.

Arthur, au bord de l’apoplexie. Mais enfin, Mme Bronchu, que faites-vous ?

Mme Bronchu, montrant le mini-doseur. Excusez, M’sieu Fluffinett, c’est les caleçons de M’sieu Bronchu, faut vraiment que je fasse une machine. À la revoyure, m’sieu-dames !

Elle sort. Delsart, Grabovski et Melbridge se tournent alors vers Arthur. Ce dernier est totalement décontenancé. Il cherche ses mots, bégaye, mais c’est finalement Léa qui prend la parole.

Lea. Quod erat demonstrandum. L’art contemporain ne se limite pas à un objet. Il s’inscrit dans l’interaction, dans le geste, dans le lien entre l’humain et la matière. Ce doseur, qui semblait être une simple sculpture, se transforme maintenant en acteur principal d’une mise en scène improvisée. Mme Bronchu vient d’exemplifier le lien inextricable entre l’art et la vie quotidienne. Elle nous montre que l’art n’est pas réservé à l’élite. Non mes amis, l’art est partout, même dans les gestes les plus ordinaires.

Cette dernière sortie est accueillie par Delsart, Grabovski et Melbridge par des « C’est tout simplement génial ! » « Cette exposition sera un triomphe ! » « C’est inouï ! »

Melbridge. Cher Arthur, j’appelle ma banque, mon virement sera fait dans la journée !

Grabovski. Moi aussi !

Delsart. Le mien également !

D’humeur fort joyeuse, Melbridge, Grabovski et Delsart sortent. Arthur se laisse alors tomber sur une chaise, comme épuisé.

Léa, après un temps. Désolée, M. Fluffinett. J’ai voulu vous jouer un tour et j’ai manqué…

Arthur. Vous apprenez vite. Il est vrai que je suis un bon maître. (Il se lève, donne une flûte à Léa et lève son verre.) Portons un toast.

Léa et Arthur, ensemble. À moi !

***

FIN 

de 

L’Orgueil – Épater la galerie

Personnages

Jeanne, filleule de Berthe.

Berthe, femme solitaire.

Lachaud, voisine de Berthe.

Saint-André, voisine de Berthe.

Bricourt, voisin de Berthe.

Jean-Guy, président des Cœurs Ouverts.

Le salon modeste de Berthe. Elle est en train de compter des billets, sourire aux lèvres. Après avoir compté, elle les place avec précaution dans un coffret. Elle referme ensuite ce coffret à clé, met la clé dans son corsage. Elle va ensuite à un vase, en tire une autre clé, et grâce à cette clé ouvre l’horloge qui se trouve dans le salon. Dans un compartiment secret, elle cache alors le coffret et referme le compartiment. Elle remet la clé de l’horloge dans le vase. Elle se met alors à plier des vêtements. Jeanne entre, un dossier sous le bras.

Jeanne. Bonjour marraine. 

Berthe, l’embrassant. Jeanne, comment vas-tu ? 

Jeanne, voyant les vêtements. Je vous dérange ?

Berthe. Pas le moins du monde. J’étais en train de ranger ces affaires.

Jeanne. Vous partez ?

Berthe. Moi ? Non ! J’ai collecté tout cela ces derniers jours. Je vais aller porter ce butin à l’association. Avec l’hiver qui arrive, ces pulls bien chauds pourront aider des gens dans le besoin.

Jeanne. Vous voici telle que je vous ai toujours connue : la générosité même.

Berthe, riant. N’exagérons rien ! Cependant, je prends garde à ne manquer de rien. Aussi, j’estime qu’il est de mon devoir de porter secours aux personnes plus modestes. Mais assieds-toi.

Jeanne, s’asseyant. Merci.

Berthe, lui donnant une tasse. Tu prendras bien un peu de thé ?

Jeanne. Avec plaisir.

Berthe, la servant. Ah… la théière est presque vide…

Jeanne. Ce n’est pas grave…

Berthe, versant dans la tasse de Jeanne le contenu de sa propre tasse. Je n’y ai pas touché.

Jeanne. Mais, et vous ?

Berthe. Je n’ai guère envie de thé, finalement…

Jeanne. Les autres d’abord, et vous ensuite, comme à chaque fois…

Berthe. Que veux-tu ? On ne se refait pas… Mais qu’est-ce qui t’amène ?

Jeanne. Euh… Eh bien… voilà… Vous savez que je viens de terminer mon école… 

Berthe. Mais c’est vrai ! Et je ne t’ai toujours pas donné ton cadeau…

Jeanne. Ça n’a pas d’importance… Si je viens vous voir aujourd’hui… c’est parce que… parce que j’aimerais ouvrir ma propre boutique.

Berthe. Quel merveilleux projet !

Jeanne. Oh pas une grande boutique… ça non… une petite boutique qui me ressemblerait… et dans laquelle je pourrais vendre mes créations…

Berthe. Je serai ta première cliente !

Jeanne. Ce sera une joie ! Mais avant cela, il faut que j’arrive à l’ouvrir…

Berthe. Tu y arriveras. Je connais ta détermination.

Jeanne. Ça ne fait pas tout… Pour commencer, il me faut de l’argent.

Berthe. De la quoi ?

Jeanne. De l’argent. 

Berthe. Il faut prendre rendez-vous avec ton banquier.

Jeanne. Marraine, vous le savez bien, on ne prête qu’aux riches.

Berthe. J’ai peur de comprendre. Tu me considères comme une personne riche ?

Jeanne. Non, mais moi je suis pauvre ! J’ai trop peu de revenus pour faire un emprunt. C’est pourquoi je me tourne vers vous.

Berthe. Je t’arrête tout de suite : je ne suis pas une banque. 

Jeanne. Si vous me prêtiez ne serait-ce qu’un peu, cela me serait d’une grande aide. 

Berthe. Si je le pouvais, je t’aiderais avec grand plaisir ! Mais moi non plus, je ne suis pas riche. Je me suis encore laissé prendre par les sentiments, regarde : (Elle montre plusieurs courriers.) la protection des chiens errants, le fonds pour la reforestation, le parrainage d’enfants défavorisés…

Jeanne. Votre bon cœur vous perdra !

Berthe. C’est ce que me répétait sans cesse ma mère… (Donnant un livre à Jeanne.) Et puis, tu sais, on mange trop.

Jeanne, lisant la couverture du livre. « Maîtriser sa bouche, libérer son être, le régime miracle du Docteur Balmont ». 

Berthe. Idéal quand on prévoit des repas maigres.

Jeanne. Bon eh bien merci marraine. Bonne fin de journée. (Elle embrasse Berthe.)

Berthe. Bonne fin de journée ma chérie. 

Jeanne sort. Puis elle réapparaît : elle a oublié son dossier.

Berthe, reprenant les vêtements qu’elle pliait, sans voir Jeanne, qui se tient en retrait.  Ça, c’est bien, je garde, ça, c’est troué, je donne à l’association. Ça, c’est mignon, je garde, ça, c’est abîmé, je donne à l’assaut. (Elle prend en main les courriers dont elle parlait.) La protection des chiens errants, désolée les toutous, mais vous continuerez à errer (Elle déchire le courrier et le jette dans la corbeille.) ; la reforestation, de toute façon, c’est trop tard (Même jeu que précédemment.) ; le parrainage d’enfants défavorisés, j’ai bien assez de filleules comme ça ! Et qui viennent me taper, en plus… (Même jeu que précédemment. Puis, lisant un autre courrier.) « Madame de Villeray, 47 rue des Pénitents, chère madame, nous avons le plaisir de vous confirmer l’ouverture de votre Super Livret. Votre dépôt initial de 783 254 euros et 91 cents a bien été pris en compte. » Ça, par contre, je garde. (Elle se retourne et voit Jeanne. Poussant un cri.) Ah ! Ça fait longtemps que tu es là ? (Elle dissimule le courrier de la banque.)

Jeanne. J’ai oublié mon dossier. 

Berthe. Le voici, prends-le. Excuse-moi, mais il faut que je règle mes derniers préparatifs.

Jeanne. Qu’est-ce que vous préparez ?

Berthe, montrant les vêtements qu’elle pliait. Une collecte pour Les Cœurs Ouverts

Jeanne. Les Cœurs Ouverts ?

Berthe. L’association caritative dont je fais partie. En plus de rassembler des vêtements à donner, je suis chargée de convaincre des personnes de faire des dons à l’association. Nous avons identifié trois personnes dont le patrimoine important laisse à penser qu’elles pourraient faire des donations très intéressantes… Je me suis dévouée pour les recevoir.

Jeanne, moqueuse, sans que Berthe ne comprenne le sous-entendu. Oh marraine, quelle abnégation !

Berthe. Je sais, mais ce n’est pas à mon âge que je vais changer. Tu m’excuseras, mais j’ai fort à faire…

Jeanne, après un temps léger. Je vais vous aider.

Berthe. Tu veux ? 

Jeanne. Ça me fait plaisir. Et en plus, c’est pour la bonne cause. 

Berthe. Aider son prochain selon ses moyens, voilà ce qui devrait tous nous guider ici-bas. On va refaire du thé. Je vais chercher l’eau. Il y a du jus de fruit et des verres.

Jeanne. Je m’en occupe. (Prenant la bouteille, la regardant.) Il y a des choses en suspension, on dirait…

Berthe, off. C’est la pulpe, il faut bien secouer…

Jeanne, secouant. D’accord… (Observant la bouteille.) Mais… la date de péremption est dépassée !

Berthe, revenant. Oh tu sais, c’est purement indicatif… il peut encore se boire après six ou sept ans.

Jeanne, une boîte à la main. Pour le thé, je prends ça ?

Berthe. Non ! C’est un thé de Chine introuvable ici… Prends plutôt l’Express Tea, il fera très bien l’affaire…

Jeanne. D’accord…

Berthe, joignant le geste à la parole. Les tasses, le sucrier. (Ouvrant l’objet.) Il n’y a plus de sucre. Tant pis, de toute façon ce n’est pas très bon pour la santé. 

Jeanne, prenant une tasse. Vous avez vu, cette tasse est ébréchée. 

Berthe. Ah oui, c’est vrai. Mais regarde, si je la tourne de ce côté, personne ne s’apercevra de rien. (La bonne humeur la gagne.) Avec un peu d’ingéniosité, on trouve une solution à tout. Voilà les petits gâteaux. « Biscuits Émile & Suzon, les biscuits des gens de goût. »

Jeanne. Oh ! J’ai toujours rêvé d’en goûter !

Berthe, magnanime. Sers-toi, ma chérie. 

Jeanne, en prenant un et déchantant. C’est tout mou…

Berthe. C’est possible… C’était un lot entamé que j’avais trouvé dans un coin de la salle d’attente de mon généraliste… Mais bon, de toute façon, ils sont faits pour être trempés dans le thé, alors…

On sonne.

Berthe. Ce sont eux ! (Allant à la porte.) Restent les cuillers et les serviettes. (Off.) Chers amis, bonjour ! (On lui répond ad libitum.) Je vous en prie, entrez !

Bricourt, entrant. Merci de nous recevoir, très chère !

Saint-André, idem. Oui, c’est positivement adorable !

Lachaud, idem. Donner ainsi de votre temps, c’est très généreux.

Berthe. Je vous présente ma nièce Jeanne. (On lui dit bonjour ad libitum.)

Bricourt, regardant autour de lui, quelque peu refroidi. Ainsi, nous voilà chez vous…

Saint-André, également refroidie. L’ancien… ça a vraiment du caractère…

Lachaud, idem. Oui, un caractère… un caractère… euh…

Jeanne. Vraiment ancien ?

Lachaud, heureuse d’être désembourbée. Exactement !

Berthe. Depuis que je suis ici, j’ai mis un point d’honneur à ne rien changer. Tout est d’époque !

Bricourt. Ah oui, on sent bien que tout est dans son jus…

Berthe. Mais asseyez-vous, je vous en prie. Thé ou jus d’orange ?

Lachaud. Je veux bien du jus d’orange.

Berthe. Bien sûr ! (Elle sert Lachaud.) Qui prendra du thé ? (Jeanne sert le thé. Après avoir avalé une gorgée de jus d’orange, Lachaud fait une drôle de tête.)

Bricourt, après avoir avalé du thé. Oh ! 

Berthe. Que se passe-t-il ?

Bricourt. Ce thé… ce thé m’a surpris… 

Berthe. Oui, il est tonique.

Bricourt. Tonique, c’est le terme… 

Jeanne. Prenez des petits gâteaux.

Saint-André. Merci. (À peine l’a-t-elle mis dans sa bouche qu’elle le recrache.) Pouah ! 

Berthe. Ça ne va pas ? 

Saint-André. Je… j’ai une mauvaise toux en ce moment… 

Berthe. Boire chaud est très bon contre la toux. Chers amis, je suis ravie de vous accueillir chez moi. Cependant ce qui nous réunit ici est une noble cause : la pauvreté. Comme vous le savez, depuis plusieurs années notre ville connaît une situation qui se dégrade de plus en plus : fermeture d’usines, difficultés à trouver un travail, à se loger, à se nourrir… L’association Les Cœurs Ouverts, dont j’ai l’honneur de faire partie, s’applique à venir en aide aux nécessiteux, en leur prodiguant des hébergements d’urgence ou des vivres. C’est pourquoi nous serions honorés si vous vouliez bien nous aider. 

Bricourt. Évidemment, ma chère. Aider son prochain, quand on le peut, c’est un devoir. (Il donne une liasse de billets à Berthe, qui se met à la contempler de manière un peu trop fébrile.)

Berthe. Merci…

Bricourt, à part.  Et puis c’est déductible des impôts…

Saint-André, tendant également une liasse. La misère est une honte, vous accomplissez une sainte œuvre. 

Berthe, récupérant la liasse. Vous êtes trop aimable…

Lachaud, tendant également une liasse. Si tout le monde était comme vous, les inégalités seraient réduites en un clin d’œil…

Berthe, récupérant la liasse. Je ne mérite pas tant d’éloges… (Regardant l’argent, avec une respiration rapide.) Eh bien je m’en vais porter tout cela au coffre de l’association. (Elle plonge les billets dans une de ses poches. Elle exprime alors une certaine volupté.) L’association vous remercie hautement de votre générosité… Reprendrez-vous un peu de thé ? (Tout le monde proteste avec vigueur.) Des petits gâteaux ? (Protestations encore plus vives.)

Lachaud, à Jeanne. Vous faites également partie de l’association ?

Jeanne. Hélas, je n’en ai pas le temps. Je cherche à me mettre à mon compte. Je voudrais ouvrir ma boutique de modiste, mais aucune banque ne veut me prêter. Vous parliez de difficulté à trouver du travail. Ce n’est pas faute de vouloir, mais force est de constater que nous, les jeunes, on nous trompe : on nous dit « entreprenez » et quand on saute le pas, qui est là pour nous faire confiance ? Personne. J’ai cru en ce monde, mais y a-t-il quelqu’un pour croire en moi ?

Ce discours a profondément ému l’assistance.

Lachaud. Vous avez raison, Jeanne. Nous, les anciennes, les anciens, nous donnons souvent des leçons aux jeunes. Mais la première qu’on devrait leur prodiguer, et par l’exemple, c’est une leçon d’entraide. (Elle sort une liasse de billets qu’elle tend à Jeanne.)

Jeanne. Madame, je ne faisais pas ce discours dans le but de…

Lachaud. Je le sais. J’ai confiance en vous. Votre marraine a toujours loué votre sérieux. C’est un prêt et je suis convaincue que vous rembourserez le jour venu. Prenez. 

Jeanne, émue, prenant les billets. Merci, Madame, merci du fond du cœur…

Bricourt, sortant une liasse de billets plus importante encore, la montrant ostensiblement, pas peu fier de son effet.  Tenez Jeanne, moi aussi j’aime mettre le pied à l’étrier aux jeunes talents. Par ailleurs, mettez-moi sur la liste des invités pour l’inauguration de votre boutique, je veux être aux premières loges. 

Saint-André, sortant une liasse plus importante encore, dans une rivalité ouverte avec Bricourt. Ma petite Jeanne, je souhaite aussi contribuer. C’est un honneur pour moi de vous aider dans la fondation de votre commerce. (Sortant son chéquier ainsi qu’un stylo.) Et voici également un chèque de 5000 pour une commande de marchandises. J’ai cru comprendre que vous faisiez dans le chapeau. Cela tombe à pic, je voulais renouveler ma garde-robe. Voyez ce que vous pouvez me faire pour ce prix. 

Jeanne, pleurant. Votre sollicitude me touche à un point…

Lachaud, lui donnant un mouchoir. Ne pleurez pas Jeanne. Notre plus belle récompense sera l’ouverture de votre boutique.

Jeanne. Merci du fond du cœur.

Tous les regards se tournent maintenant vers Berthe.

Berthe, à contre-cœur. Moi aussi je vais te donner un coup de pouce, ma chérie, c’est normal d’aider ainsi la jeunesse… tout à fait normal… (Agacée, soudain, devant l’insistance des regards.) Oui, ben une minute ! Oh… Par contre, je vais vous demander de fermer les yeux.

Saint-André. Fermer les yeux, mais pourquoi ? 

Berthe, gênée. C’est juste le temps que je…

Bricourt. Mais enfin, Berthe, c’est ridicule !

Berthe, hurlant. Vous allez les fermer, oui ? ! 

Tout le monde, épouvanté par cette sortie, ferme les yeux.

Berthe, autoritaire. Mains sur les yeux !

Tout le monde se cache les yeux avec ses mains. Berthe, avec précaution va au vase où elle avait précédemment caché une clé, l’en tire ouvre son horloge. L’un des convives essaie de regarder.

Berthe, qui l’a vu. C’est fini, oui ! (La personne se cache de nouveau les yeux. Berthe sort son coffret, tire avec peine la deuxième clé de son corsage, l’ouvre son coffret, mais le fait tomber.) Oh non ! (Tout le monde rouvre les yeux, tandis que Berthe ramasse le coffret et rassemble les billets. En tendant un à Jeanne.) Tiens, ma chérie, pour ta boutique. 

Jeanne, prenant le billet. Merci marraine. 

Berthe va refermer le coffret, mais voit les regards indignés des autres. Elle donne alors un autre billet à Jeanne. Cela ne semble pas adoucir l’assistance. Elle en donne alors un autre, puis encore un autre.

Jeanne. Non, marraine, c’est trop.

Berthe, s’emportant et lui jetant le reste des billets. Prends tout je te dis !

Bricourt, comme ayant assisté à une scène d’une rare obscénité. Il ne nous reste plus qu’à prendre congé. (À Berthe, d’un ton quelque peu suspicieux.) Nous comptons sur vous pour remettre nos dons entre de bonnes mains.

Berthe. Mais évidemment !

Bricourt. Au revoir. (À Jeanne.) Au plaisir !

Bricourt, Saint-André et Lachaud sortent.

Jeanne, ne sachant sur quel pied danser. Au revoir, marraine. 

Berthe, sombre. Au revoir.

Jeanne sort. Berthe prend son coffret vide et commence à pleurer. Ses pleurs se transforment en sanglot. Puis, en cherchant un mouchoir, elle sort les liasses de billet et commence à rire, d’un rire qui, d’abord timide, devient énorme.

Jean-Guy, surgissant. Bonsoir Berthe ! C’est l’argent que vous avez récolté ?

Berthe, cueillie. Euh… oui…

Jean-Guy, lui prenant tout d’un coup. Merci beaucoup ! En tant que président des Cœurs Ouverts, c’est au nom de toute l’association que je vous exprime ma gratitude ! (Répondant au téléphone.) Oui ma chérie ? J’arrive ! (Regardant les billets.)Au fait : je t’invite au restaurant, amour ! Mets ta plus belle robe. Oui !

Il sort en gloussant tandis que Berthe reste prostrée.

***

FIN de 

L’Avarice – Un Cœur sous clef

Personnages

Victor, homme politique.

Claire, directrice de cabinet de Victor

Justine, journaliste.

Pablo, technicien.

Lou, femme de Victor.

Une chambre d’hôtel. Victor est en peignoir, détendu. Claire, jean et veste, est nerveuse.

Claire. Est-ce que tu vas arrêter tes conneries ?

Victor. Je peux avoir une vie privée ?

Claire. Ah non, sûrement pas. 

On toque à la porte. Claire regarde sa montre.

Victor. Pardon ?

Claire. Tu me demandes si tu peux avoir une vie privée ? La réponse est non. Tu annonces aujourd’hui ta candidature à l’élection présidentielle. 

Victor. Claire, je sais parfaitement ce que ça veut dire de…

Claire. Dès que tu vas te déclarer, tu vas être traqué, suivi, tes moindres faits et gestes vont être passés à la loupe, décortiqués, interprétés… Tu étais déjà un personnage public, tu appartiendras corps et âme aux médias. Alors je te le demande : est-ce que tu vas arrêter tes conneries ?

Victor, commençant à enfiler un costume. C’est bon… elle est partie…

Claire. Oui elle est partie. Et elle a laissé ça ! (Elle brandit un string rouge, le tenant entre le pouce et l’index.) Jeté sur tes 110 propositions pour une Nouvelle République Humaniste. 

Victor. Elle va prendre froid. (Il prend vivement le string.)

Claire, après avoir jeté un regard noir à Victor.  Le hall est bourré de journalistes. Si une femme de chambre tombe dessus et le prend en photo… Tu veux que ta candidature soit placée sous le signe d’un string ?

Victor, moqueur. J’ai besoin de tendresse pour me connecter à la France d’en bas.

Claire, sèche. Et tu te connectes avec elle par le bas ?

Victor, plus grave. J’ai besoin de ça, Claire. Sinon je perds l’élan. Je deviens sec. C’est vital. 

Claire. C’est une addiction. Et si ça sort, tu es fini. Et moi aussi.

***

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