Dernière diligence pour Kansas City

Comédie Western pour 5F/3H

Que feriez-vous si vous voyagiez avec une criminelle notoire ?

Accordez-nous moins d’une heure vingt de lecture et plongez votre public dans une comédie western explosive, pleine d’humour et de rebondissements (même si vous avez peu de moyens).

Un huis-clos entre rire et suspense.



Avant de vous en dire plus, on a 3 questions rapides à vous poser :

🆘 Vous en avez assez de jouer uniquement des comédies et des vaudevilles ?
🆘 Vous fuyez les histoires dont les personnages ne sont que des fantoches ?
🆘 Vous refusez de monter un texte qui ne donne pas à réfléchir ?

Si vous avez répondu oui à au moins deux questions, alors lisez vite ce qui suit !

Voici le résumé de Dernière Diligence pour Kansas City :
Le shérif Jim Patch escorte Josie Whip Chapman, une truande aussi redoutée que charismatique, vers son bureau de Silent Valley. Mais une halte imprévue dans le saloon délabré de Scorpion Post bouleverse leurs plans. Des voyageurs au passé trouble, une tempête de neige et des secrets enfouis transforment ce périple en un affrontement explosif. Entre humour, tension dramatique et révélations, cette comédie western revisite avec brio les clichés du Far West.

En accédant au texte intégral de Dernière Diligence pour Kansas City, vous obtiendrez un fichier PDF de 85 pages pour un poids ultra-réduit de 581 Ko, téléchargeable sur votre ordinateur, votre tablette, votre téléphone, et imprimable sur n’importe quel support. La mise en page vous permettra de porter sur le texte toutes les indications et notes de régie que vous jugerez utiles.

Avec Dernière Diligence pour Kansas City, vous découvrirez :

✅ Un mélange parfait entre le suspense, la comédie et le western, qui surprendra le public.
✅ Des personnages variés et charismatiques qui fourniront à vos interprètes une matière riche à jouer.
✅ Un décor immersif mais simple : un saloon rustique qui évoque l’essence du Far West, facile à monter et à transporter.
✅ Une intrigue captivante : des tensions et des révélations qui tiendront le public en haleine jusqu’à la fin.
✅ Une représentation de la Conquête de l’Ouest qui donnera à réfléchir à votre public.

La pièce a été jouée ces dernières années par la Compagnie Côté Jardin, Île-et-Vilaine, 2024.

Intéressé(e) ?

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et laissez votre public savourer une aventure où l’humour et le suspense se chevauchent à toute allure !

Attention : déconseillé aux compagnies qui ne veulent des intrigues passant par des lieux multiples.


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Questions fréquentes sur Dernière diligence pour Kansas City 

Quel est le ton de Dernière Diligence pour Kansas City ?

C’est une comédie western pleine d’humour, de tension et de rebondissements. On y retrouve à la fois le rythme du vaudeville, la profondeur du drame et le souffle des grands espaces américains.

Combien de comédiens faut-il pour la jouer ?

La distribution comporte 5 femmes et deux hommes : une galerie de personnages hauts en couleur : shérif, truande, voyageurs, patrons de saloon… Idéal pour une troupe aimant les rôles typés et les confrontations verbales.

Faut-il beaucoup de moyens techniques ?

L’action se déroule dans un décor unique : un saloon rustique, facile à monter et à transporter. La force de la pièce repose sur le jeu des acteurs et la tension dramatique, pas sur les accessoires.

À qui s’adresse cette comédie ?

Aux troupes qui veulent surprendre leur public, s’éloigner des simples comédies contemporaines et offrir un spectacle qui mêle humour, suspense et réflexion.

Extrait de Dernière diligence pour Kansas City

Personnages

Abigail.

Jim.

Josie.

Nana.

Lisa.

Taureau-Ailé.

Miller.

Rose.

Le décor

Décembre 1877, le Cactus Saloon de Scorpion Post. Comptoir poisseux, tables poussiéreuses, chaises douteuses : un bouge infâme.

Seule dans le saloon, Abigail se sert une tasse de café. Jim, Josie et Nana entrent en trombe. Nana traîne un sac de voyage.

Jimtrottant, menotté à Josie. Dépêchons !

Nana. À boire !

Josieballotée par l’allure de Jim. Oh Jim, enfin, doucement ! 

Jim. Navré Josie, il faut que j’aille aux… aux…

Josie, ironique. Et je vous accompagne ?

Nana, à Abigail. Une chopine bien fraîche !

Jim, à Josie. Pas de bêtises ?

Josie. Comment oserais-je ? Votre seul regard me donne des sueurs froides…

Jim libère Josie puis s’éclipse.

Abigail, à Nana. Plaît-il ?

Nana. Une chopine, j’ai dit ! 

Abigail. Vous faîtes erreur. 

Josieregardant autour d’elle, ravie. Je ne suis pas mécontente de faire une pause. Le faux confort de ces voyages en diligence, je me sens barbouillée.

Abigail, à Nana. Je suis une simple cliente.

Josie, avec une pointe de sarcasme. Un crachoir ? N’ayons pas peur des mots : ici on nage dans le luxe.

Nana, à Abigail. Il n’y a personne ? 

Abigail. Il y a du café.

Josiepoursuivant son observation et commençant à déchanter. Évidemment, c’est un peu rustique.

Nana, déçue. Nouveau monde, qu’ils disaient…

Josie, se reprenant. Les chevaux ont besoin de repos, prenons les choses de manière un peu plus…

Le regard de Josie croise celui d’Abigail. Josie, soufflée par cette rencontre, s’interrompt.

Josie, à part. Elle ? Ici ? 

Abigail, à part. Elle m’a reconnue.

Josie, à part. Il faut partir et vite. 

Abigail, à part. Elle paraît contrariée.

Josie, à part. Restons naturelle et décontractée. (Haut, à Nana .) Mon enfant, ne tirez pas cette mine de castor en cage.

Nana. Ma gorge est plus sèche que la vallée des rocs à midi.

Josie. Nous allons trouver comment assurer votre agrément.

Nana. Si vous n’étiez pas vêtue comme un pistolero, je vous aurais prise pour une comtesse de Louisiane.

Josie. Braquer des banques n’interdit pas d’avoir une once de savoir-vivre. Même recherchée par tous les shérifs de l’ouest, j’ai toujours tenu à youp ! (Elle est prise d’un hoquet.) J’ai chaque jour mis un youp ! un point d’honneur à rester dans les youp ! règles que suivent les femmes de la youp ! bonne société. Moi aussi, je crois que j’ai besoin de youp ! de boire un peu. (Elle se saisit du premier pot, le vide d’un trait, puis attend un peu.) Voilà, c’est passé. (Attendant encore.) Youp ! Et crotte…

Nana, criant. Hou !

Josie. Ah ! (Après quelques instants.) Ça a marché, vous m’avez guérie ! Si je ne bois pas à heures fixes, voilà le résultat… Sur ma table de nuit j’ai toujours un verre d’eau, La Sainte Bible, et mon Colt Baby Dragoon. Que disais-je ? Ah oui, le raffinement, chez moi, c’est une seconde nature. Un jour, ma tête venait d’être mise à prix, je tombe nez à nez avec un U.S. Marshall. En un éclair, je vois l’envie transformer son regard. Et je le comprends tellement : (Se désignant .) comment ne pas se sentir un peu gueux face à un tel élixir d’élégance, de classe et de distinction ? Ce malaise semblait tant le torturer, j’ai préféré l’abattre immédiatement. Quant à la cuisine, je l’aime élaborée, sophistiquée même. On a beau être une criminelle, on sait apprécier le raffinement. (Tapant sur le comptoir.) Et un steak-haricot, un !

Nana. Le bain sifflera trois fois.

Josie. Je vous demande pardon ? 

Nana. La phrase de mon père, quand il mangeait son steak-haricot avant de plonger dans sa baignoire.

Josies’impatientant. Et alors quoi ?

Abigail, à Josie. Navrée, madame, le tenancier est sorti. 

Josiecontrariée par cette adresse. Oh ! (Elle s’éloigne d’Abigail.)

Entre Lisa.

Lisaenlevant un grand manteau. Cette neige, je ne vois pas comment poursuivre. 

Jim, réapparaissant. Quand pourrons-nous repartir ?

Lisa. —Désolée Shérif, on est bloqués ici jusqu’à nouvel ordre. Ça tombe bien : les chevaux étaient épuisés. Heureusement, ces grands gaillards sont en train de casser la graine.

Nana. Et nous, on peut se dessécher comme le Grand Canyon ? 

Lisa. Madame, la compagnie ne fournit pas le manger, ni le boire. 

Nana. Alors vous mentez !

Lisa. Je mens ?

Nana. J’invente rien. (Lisant un papier .) « Diligences Bent Wargo and Co, voyagez tout confort de Sacramento à Kansas City ».

Lisa. C’est votre jour de chance : (Se présentant .) Lisa, la conductrice la plus douce de la compagnie, et la plus consciencieuse. Avec moi, vous avez voyagé tout confort, on peut le dire.

Nana. Tout confort ? Je me suis demandée si on était dans une diligence ou un boulier de bingo. 

Lisa. Vous avez à vous plaindre de ma conduite ? 

Nana. J’ai pas à m’en plaindre, j’ai à m’en indigner. Un cochon ferait mieux. 

Lisa. Répète un peu, pour voir ?

Nana. À ta place, ce serait une truie, elle soignerait mieux nos fesses !

Lisa. Je vais te crever, espèce de mijaurée !

Jim, revenu sur ces derniers mots et s’interposant. Allons, mesdames. (Il tangue un peu .) Ces disputes, j’ai le palpitant qui s’emballe… (Désignant Lisa .) Madame fait de son mieux, j’en suis sûr. Si nous voyagions seuls, nous serions à la merci de tous les dangers publics : Jesse James, Sweet Martha, Billy The Kid, brrr…

Josie. Et Josie Whip Chapman.

Jim. Plus maintenant, Josie.

Josie. Je faisais de l’esprit, Jim. Votre force inflexible m’a remise sur le droit chemin. Je vous suivrai sans mot dire dans votre bureau de Silent Valley, la bien nommée.

Nana. Et vous resterez enfermée là-bas ?

Jim, apeuré. Vous n’y pensez pas ? Les Fédéraux viendront l’emmèneront dès que possible. (Ce disant, il repasse les menottes à Josie.)

Josie. Est-ce vraiment nécessaire ?

Lisa. Josie Whip Chapman ?

Josie. Elle-même. 

Lisa. La truande la plus classe de l’ouest ?

Josie, flattée mais faussement modeste. Je ne connais pas tous mes surnoms.

Lisa. Il y a une récompense sur votre tête.

Josie, fière. 500 000 dollars.

Lisa, dont le regard s’allume. C’est une somme. 

Josie. Parlez-en à Jim.

Lisa. Ça pourrait faire des envieux.

Jim, paniquant à la vue de la mine gourmande de Lisa et s’éventant. Il fait chaud, non ?

Nana. Dis plutôt qu’il fait soif. 

Jim. Où est le tenancier ?

Lisa. C’est vrai ça, où est Big Peat ?

Nana. À boire, à boire, à boire !

Abigail. Il s’est absenté. (Se présentant .) Abigail Lawson, je suis la passagère qui vous rejoint ici.

Lisa. Billet, s’il vous plaît. 

Abigail, alors que Lisa examine son billet. Tout est en ordre, je l’espère. D’ici la semaine prochaine, vous êtes la dernière diligence pour Kansas City. 

Lisa, rendant son billet à Abigail. Yeap. Vous avez vu Big Peat ?

Abigail. Il a dû partir. Il m’a confié le saloon. On laisse l’argent des consommations sur le comptoir.

Jim. Il est peut-être allé chercher quelque chose chez un voisin ?

Lisa. Vous avez regardé Scorpion Post ? À part le Cactus Saloon, c’est rochers, glaces et neige. Un dernier passager doit monter ici. Avec lui, nous serons au complet : sept. 

Abigail, comptant rapidement les autres. Sept ?

Lisa. Un peau-rouge voyage aussi avec nous.

Abigail. Un peau-rouge ?

Lisa. Je ne voulais pas le prendre.

Nana. Chut, le voilà.

Entre Taureau-Ailé.

Jim, aux autres. C’est un Lakhota. Je parle un peu leur langue. (À Taureau-Ailé, avec force gestes .) Toi avoir froid ? Dehors brrr, dehors neige, dehors vent.

Taureau-Ailé. En effet shérif, j’eusse aimé plus de clémence de la part du ciel. Las, ce ne furent que bourrasques glacées et flocons cristallins, acérés comme sont les flèches de nos guerriers. Je souhaitais partager quelques pensées avec mes ancêtres, comme il se devait, au milieu des esprits qui habitent les rochers de ce pic mal aimé. Le ciel le veut, je visiterai mon ascendance auprès de vous.

Jim, accompagnant ses mots d’une gestuelle explicative. Moi comprendre toi, moi dire oui, moi dire pas de problème, toi pouvoir prier mais dans un coin là-bas en silence merci.

Taureau-Ailé s’agenouille dans un coin du saloon. Il déroule soigneusement un petit tapis qu’il dispose au sol. Puis il sort d’une bourse un splendide saphir qu’il dépose avec respect au milieu du tapis. Il se met alors à prononcer des paroles inintelligibles en accomplissant des gestes rituels, sous le regard ahuri des autres.

 Jim, effrayé. Ces croyances sont d’un pittoresque…

Josie. Vous êtes aussi convaincant qu’un abolitionniste essayant de se faire passer pour un sudiste. 

Nana. Vous venez de l’Est, madame Josie ?

Josie. Josie tout court. Je suis née à Boston. L’appel de l’Ouest a été plus fort. J’ai toujours aimé tracer ma route par moi-même, conquérir de nouveaux territoires. Mon petit côté Christophe Colomb ?

Lisa. Voilà ! Christophe Colomb ! Je cherchais qui vous me rappeliez, c’est lui. Mon institutrice nous avait montré une gravure qui le représentait.

Josie, flattée. Ah oui ? Laquelle ?

Lisa. Celle où on le voit pieds et poings liés après une castagne à Valladolid. (Déception de Josie.)

Abigail. Voilà ce qui nous perdra. 

Lisa. La castagne ?

Abigail. Cette bougeotte incessante.

Jim. C’est notre destin.

Abigail, sentencieuse. Notre destin est d’accomplir notre destinée. 

Josie, ironique. Jusqu’ici je comprends.

Abigail. Nous avons tous un rôle ici-bas.  

Josie. « Le monde entier est une scène et tous les Hommes ne sont que des acteurs ».

Jim. Dickens ?

Josie. Shakespeare. 

Abigail. On n’imagine pas un comédien changer de personnage au cours de la pièce parce que son rôle ne lui convient plus. Même chose dans la vie. 

Josie. « On n’est jamais mieux trompé sur terre que par soi-même ». 

Jim. Shakespeare ?

Josie. Dickens. 

Abigail. Mouvements incessants, déménagements, longs voyages, campements…

Nana. Vous en avez gros sur le cœur. 

Abigail, avec intention. On croit connaître les gens et un matin on se réveille seule, avec une lettre d’adieu.

Nana. On vous a quitté ?

Abigail. Ça oui ! Ma m… (Elle semble sortir d’un rêve et regarde les autres.) euh … mes employeurs. Je suis gouvernante. Ils sont partis s’installer sur la Côte Ouest. J’ai dû trouver de nouveaux patrons. Quelqu’un connaît-il Minneapolis ?

Nana. Il y a tant de choses à prendre, à l’Ouest. 

Abigail. Ça n’avance à rien d’aller toujours plus à l’Ouest. Ça recule.

Nana. Ça recule ?

Abigail. J’ai étudié la question sous l’angle géographique. Si je pousse sans cesse à l’ouest, la Terre est ronde, je finirai par arriver à l’est et revenir, in fine, à mon point de départ. (À Josie .) Qu’en pensez-vous madame ?

Josie, sèche. Madame, je vous saurais gré de ne pas m’adresser la parole.

Étonnement général après cette répartie. 

Jim, à Abigail. Veuillez excuser Josie. Les menottes la rendent nerveuses. 

Abigail. Ce n’est rien, Shérif. (Pincée, elle sort un mouchoir de son sac, duquel tombent plusieurs billets. Sans y prendre garde, elle tousse deux ou trois fois dans le mouchoir puis le range. Elle aperçoit alors les billets qui jonchent le sol. Elle les ramasse prestement, les fourre dans son sac et le ferme à double tour.)

Josie, à part. Ces bouts de papier vert. Ils peuvent faire le silence, comme ils peuvent faire les cris. (Soudain, elle se rend compte que Lisa est en train de fouiller dans une de ses propres poches. À Lisa .) Non mais dites donc ? Ne vous gênez pas !

Lisa, retirant sa main illico. Oh pardon !

Josie. Pardon ? Pardon ! Oh Jim, enlevez-moi ces menottes !

Jim. Vous serez raisonnable ? 

Josie. Comment faire autrement, face à une terreur telle que vous ? (Alors que Jim la détache, à Lisa .) Vous vous êtes trompée de poche ?

Lisa, approuvant. Voilà.

Josie. Pas à moi ! On ne vous paye pas assez, à la Bent Wargo and Co ?

Lisa. C’est une erreur, je vous fais toutes mes excuses.

Taureau-Ailé, qui a fini sa prière depuis quelque temps. Cette femme prend toujours les chemins sinueux. Elle est pareil au Pin Tordu, on en voit sur les sommets rocheux. Elle croît dans le désordre.

Josie, à Lisa. Syndiquez-vous et réclamez une augmentation.

Abigail, à Lisa. Ne vous syndiquez pas, vous serez renvoyée. 

Josie, à Lisa. Oui j’ai braqué une cinquantaine de banques, oui j’ai tué aussi, parfois, le moins possible. Mais les convenances, mais les bienséances, mais la courtoisie, mais la dignité, je ne les ai jamais oubliées. Quand j’ai fait sauter le caisson d’un représentant de la Loi, à chaque fois j’ai envoyé des fleurs à sa femme. 

Jim, s’épongeant le front. Merci pour elle.

Josie, à Lisa. Conductrice de diligence. Métier inhabituel, pour une femme.

Lisa. J’ai besoin d’aventure, de grands espaces. 

Josie. Des grands espaces, il n’y a que ça aux États-Unis d’Amérique.

Lisa. Pas partout. Pas à Trenton. Pas dans le foyer de mes parents. Une petite chambre de simples fonctionnaires de mairie.

Josie. Fonctionnaires ? Mon rêve ! Si seulement j’avais fait des études.

Lisa. Josie Whip Chapman se rêve en fonctionnaire ?

Josie, le regard plein d’étoiles. Recevoir son traitement à date fixe, ne plus courir après l’argent. La course à l’argent, vous ne savez pas ce que c’est.

Lisa. Moi c’est la course de chevaux.

Josie. Elle est plus noble. La course à l’argent, c’est une guerre. Plans, stockage de munitions, batailles, corps à corps, défense, retraite. La course à l’argent, au bout d’un temps, ça fatigue.

Lisa. C’est vrai. (Se rendant compte de son faux pas et rectifiant .) Enfin, j’imagine.

Josie. Une femme telle que vous, quoi qu’il en soit, ne peut se permettre d’être médiocre. Regardez-vous, vous êtes toute avachie ! De la tenue. (Elle fait ce qu’elle dit .) On se redresse, on marche, port altier, main sur la hanche, petits pas. (Après un virage, son dos se met en vrac.) Oh ! (À part .) Ces journées à cheval ont eu raison de moi. (Haut, avec un grand sourire .)Vous avec compris l’esprit ?

Lisa, le regard soudain happé par un détail. Oh !

Josie. Que se passe-t-il ?

Lisa, fixant la bouche de Josie. C’est une dent en or que vous avez là ?

Josie. Une petite folie. Je la dois à notre attaque de la mine de Bannack.

Nana. On va rester coincés longtemps dans ce trou ?

Lisa. La neige n’a pas l’air de vouloir s’arrêter.

Nana. Nouveau monde, qu’ils disaient… (Jetant un regard au groupe.) Tu parles d’une compagnie. (S’adressant à un interlocuteur invisible .) Bonsoir monsieur. Je me présente : Anna Drumond. Mais appelez-moi « Nana » !

Lisa, aux autres. Qu’est-ce qu’elle fait ?

Nana, s’adressant toujours à un personnage invisible. À qui ai-je l’honneur ? Le Comte de Villepreux ? diantre !

Lisa, aux autres. À qui parle-t-elle ?

Nana, idem. C’est certain, en effet, Scorpion Post ne ressemble guère au Mississippi.

Josie, aux autres. Vous connaissez le principe de l’ami imaginaire ?

Nana, idem. Mais avec grand plaisir, j’aime la valse.

Josie, aux autres. Certains enfants s’inventent un ami imaginaire pour peupler leur solitude. 

Nana, valsant avec son cavalier imaginaire. Oumpapa, oumpapa, oumpapa…

Josie, aux autres. Certains adultes aussi.

Nana, s’arrêtant au comptoir. Oh comte ! Arrêtons, je vous prie, j’ai la tête qui tourne. 

Taureau-Ailé. L’homme blanc, je l’ai remarqué, parle souvent aux absents au milieu des présents.

Nana, poursuivant son dialogue avec ce personnage invisible. Un verre de vin de Champagne ? Voilà une riche idée, comte : je meurs littéralement de soif. (Apercevant un pot .) Oh purée y a un pot encore plein ! (Elle le vide intégralement, avec force borborygmes.) Ça fait du bien par où que ça passe ! 

Abigail, observant Nana. Joli pendentif. 

Nana, comme sortant d’un rêve. Oh… merci.

Abigail. Et jolie bague. 

Nana. Ah… oui… vous êtes bien aimable.

Abigail. C’est de l’or ?

Cette question jette un froid. Nana a un temps d’arrêt, puis rit.

Abigail. Eh bien ?

Nana. Eh bien ?

Abigail. C’est de l’or ?

Nana. De ?

Abigail. De l’or.

Nana. Où ça ?

Abigail. Vos bijoux.

Nana. Mes… Ah ça ? De l’or ? (Elle rit.) Si seulement…

Abigail. Alors c’est quoi ?

Nana. Oh ça… Une imitation, sûrement.

Abigail. C’est très bien imité.

Lisa. Ah oui.

Josie. C’est vrai.

Nana, mal à l’aise. Oui, eh bien moi, je vais les retirer, ces bijoux. J’ai les doigts gonflés. 

Abigail. C’est peut-être plus prudent. Même faux, cela pourrait attiser la convoitise. On voit de telles choses, lors de ces voyages en diligence. C’est la première fois ?

Nana. En effet. 

Abigail. D’où venez-vous ?

Nana. Des Collines Noires…

Lisa, vivement intéressée par ce détail. Des Collines Noires ?

Abigail, avec intention. Le pays des chercheurs d’or.

Lisa. Certains y ont fait fortune. 

Abigail. Vous en étiez ?

Nana. De ?

Abigail. Des chercheurs d’or.

Nana, éludant. Dans les Collines Noires, tout le monde est un peu chercheur d’or.

Abigail, pressante. Et alors ?

Nana. Alors ?

Lisa, animée. Vous en avez trouvé ?

Nana, impressionnée par cette attention. J’y serais restée. Pourquoi prendre la diligence pour Kansas City ? 

Lisa. C’est vrai, pourquoi ? 

Nana. Je vais passer la Noël avec ma mère. Elle est à Fort Dakota. (Sortant un papier de son sac .) Du campement, je voyais toute la vallée devant moi. Je l’ai peinte pour ma mère. (Elle tend le papier à Josie qui, sans le vouloir, lui fait faire un quart de tour.)

Josie, regardant.Ma parole, vous avez un don, on s’y croirait, c’est absolument magnifique. (Voyant que la peinture est dans le mauvais sens, Nana la retourne.) Merci.

Nana. Vous aimez ?

Josiene voulant pas froisser Nana.Splendide.

Nana. Je vais faire votre portrait.

Josie.Vous me gênez.

Nana. Ça me fait plaisir.

Josie.Ici ? Dans ce saloon ? 

Nana. Ce sera vite fait. (Sur une feuille, Nana trace au fusain un grand cercle pour la tête de Josie, deux points entourés de deux cercles plus petits pour les yeux, quelques frisotis pour les cheveux, un trait pour le nez, un trait pour la bouche et hop-là terminé. Elle donne le dessin à Josie qui tente de faire bonne figure.)

Josie.C’est très ressemblant. 

Jim.C’est vous tout craché.

Lisa, se retenant de rire. C’est une blague ? Ma petite nièce de huit ans ferait mieux. 

Nana, piquée. Votre petite nièce ne devait peut-être pas gagner sa vie dans les Collines noires.

Lisa, riant. Si elle avait essayé de gagner sa vie en vendant ce genre de gribouillis elle serait morte depuis longtemps. 

Nana. Vous êtes toujours aussi blessante ?

Lisa. Avec les personnes qui se fichent de moi, toujours.

Nana. Moi ?

Lisa. Vous. 

Nana. Je ne comprends pas.

Lisa. Cette peinture, ce dessin : des trucs pour détourner notre attention. 

Nana. Je préfère ne pas répondre.

Lisa. Après tout peu m’importe : vous avez le droit d’être chercheuse d’or.

Nana. Je ne suis pas chercheuse d’or.

Lisa. —Et si vous arrêtiez de nous prendre pour des idiots ?

Nana. Je vous le répète : Je ne suis pas chercheuse d’or ! (Ce disant, elle fait un mouvement brusque et ouvre ma mégarde une bourse qui laisse échapper des pépites d’or.) Oh !

Lisa, se précipitant. Attendez, je vais vous aider.

Nana, apeurée. Non merci.

Josie, se précipitant à son tour. Vous n’allez pas tout ramasser toute seule.

Nana, s’énervant. Mais si.

Abigail, même jeu. On ira plus vite à plusieurs. 

Nana, criant. Oh non.

Lisa, ramassant ce qu’elle peut. Oh si.

Nana, sortant un pistolet. Maintenant tout le monde m’écoute : reculez !

Jim, à la vue du pistolet. Mais c’est un… c’est un… (Il s’évanouit.)

Josie, le secourant. Jim !

Nana. Je vous préviens : je me battrai jusqu’au bout pour ce que j’ai arraché à la rivière à la force de mes poignets. Je suis prête à donner l’assaut et me lancer dans la bataille. Je suis une armée à moi toute seule : général, canonnier, fantassin. Petit conseil : restez où vous êtes. (Continuant à tenir en joue les autres, elle ramasse ses pépites dans une atmosphère qui s’est considérablement épaissie. Ensuite, elle range son pistolet)

Josie, ayant ranimé Jim. Comment vous sentez vous ?

Jim. Elle a toujours son ?…

Josie. Elle l’a rangé. L’incident est clos. (À Nana .) Petit conseil d’actrice : c’est votre surjeu qui vous a perdu. La prochaine fois, soyez plus sobre. 

Nana. Vous croyez que je joue ?

Josie. Comme tout le monde. Observez ce qui vient de se passer. La vie dans l’Ouest est un spectacle : il faut bien apprendre son rôle et être crédible. Pourtant il y a une différence avec le théâtre, mon enfant, et vous venez de l’illustrer : si le public se met à siffler, on peut lui coller une balle.

Nana, s’échauffant par degrés. Je joue mal ? C’est ce que vous voulez dire ? Je joue mal ?

Entre Miller : manteau, canne et uniforme de cavalerie.

Miller. Salut la compagnie. Je cherche le cocher de la Bent Wargo & Co.

Lisa. C’est moi.

Miller, à part. Une femme ? Décidément, ce Nouveau Monde a besoin qu’on le mette au pas. (Haut, tendant un papier .)Capitaine Miller. Je vais jusqu’à Kansas City.

Lisa. Capitaine, nous sommes à l’arrêt jusqu’à nouvel ordre. 

Miller. Avec cette neige, je m’en serai douté. (Il jette un coup d’œil circulaire et s’arrête sur Taureau-Ailé. À Lisa .) Le peau-rouge est du voyage ?

Lisa. Oui, Capitaine.

Miller. À côté de vous ?

Lisa. Hélas. 

Miller. Où voudriez-vous le mettre ? Dans le compartiment ?

Lisa. Non, bien-sûr.

Miller. Vous avez été bien bonne de l’accepter.

Lisa. Un client est un client.

Jim, à Miller. Mes respects, Capitaine. Jim Patch : j’ai fait prisonnière Josie Whip Chapman et je l’emmène à mon bureau de Silent Valley.

Josie, faisant la révérence. Mes respects, Capitaine.

Miller. Vous n’avez pas de menottes ?

Josie. L’autorité du Shérif Patch est telle que toute contrainte physique est inutile.

Miller, à Jim. Bravo Shérif. Chapman est recherchée depuis longtemps. (À Josie .) Je ne pense pas me tromper : vous avez été élue 5e criminelle la plus élégante de l’Ouest.

Josie, offusquée. Feriez-vous cette réflexion à un homme ? Changeons de sujet. Je suis connue pour bien d’autres choses.

Miller. C’est vrai : niveau stratégie, il paraît que vous êtes une vraie brèle. Vous confirmez ?

Josie, opérant un virage à 180° degrés. Je suis très heureuse d’avoir été élue 5e criminelle la plus élégante de l’Ouest. Pour être la terreur des banques, je n’en suis pas moins femme.

Miller, à Nana. Bonjour madame.

Nana, sur la défensive. Assez.

Miller, n’ayant pas compris. Mes hommages.

Nana, élevant la voix. Arrêtez, c’est insupportable.

Miller, ironique. Au plaisir.

Nana, très nerveuse. Je vous préviens, je suis armée et je sais tirer. 

Miller, empoignant Nana. Petite madame, je vous prierai de respecter un officier de cavalerie. 

Nana, pleurnichant. Ne me faites pas de mal, je vous en prie, je vous en prie… (Se saisissant soudain de la canne de Miller et la levant sur lui .) Gardez vos distances ou je vous bats à mort !

Miller sort son pistolet et tire en l’air. Tout le monde est effrayé. Jim s’évanouit.

 Miller. Quelle mouche vous a piquée ? (Voyant Jim ramper .) Shérif, reprenez-vous.

Jim, émergeant des limbes. La fatigue… la traque de Chapman… elle m’a donné du fil à retordre. Je ne suis pas un lion comme vous, capitaine. (Aux autres .) Le capitaine est un héros de la bataille de Slim Buttes. 

Miller, montrant une médaille à son revers. J’y ai gagné la distinction que vous voyez. 

Lisa. Impressionnant. 

Taureau-Ailé. Cet homme recherche la lumière. Il me fait penser aux Sapins Géants, ils poussent dans mes forêts natales : comme eux il veut sans cesse aller plus haut. Au risque de rencontrer le tonnerre et de finir en poudre.

Abigail. Slim Buttes ? Un beau massacre de Sioux. Amercian Horse y périt.

Josie, acerbe. Belle victoire : la cavalerie était armée et deux fois plus nombreuse que les Sioux.

Miller. Nous voulions simplement les reconduire dans leur réserve. (Avec une certaine emphase .) Je m’en souviens avec grande précision. Nous arrivâmes dans les Collines Noires par le sud…

Taureau-Ailé, avec calme. Par le nord.

Miller. Laissez-moi parler : par le sud… par le sud du nord du Bighorn. Nous perdions espoir, quand le ciel nous envoya un signe et fit apparaître le soleil.

Taureau-Ailé. Il pleuvait à verse.

Miller, tentant de garder la face. Il fit apparaître le soleil, qui… qui… qui se cacha immédiatement sous d’épais nuages. Nous recherchâmes notre nourriture dans les bois, les fourrés…

Taureau-Ailé. Vous voliez des vivres dans les villes minières.

Miller, poursuivant comme si de rien n’était. Quand de sympathiques mineurs nous proposèrent du maïs grillé. 

Taureau-Ailé. Sous la contrainte de vos armes. 

Miller, rongeant son frein. J’aime pas trop les peaux-rouges, ni les fils de pute. 

Taureau-Ailé, conservant un calme minéral. Le train de ta méchanceté roule sur les rails de mon mépris.

Abigail, à part. Cet homme est la douceur incarnée. Sa voix est si suave, quand il parle, je me gifle intérieurement pour rester réveillée. 

Miller, à Taureau-Ailé. Voilà pourquoi on a gagné la guerre contre toi et tes semblables. Vous, les Sioux, vous êtes trop calmes. Tu ressembles à un vieux rocher sec et ennuyant. 

Taureau-Ailé. Le vieux rocher sec et ennuyant reste insensible aux postillons des petits crapauds huileux.

Miller. Voilà encore une autre raison de votre défaite : vos métaphores alambiquées. Dans la cavalerie, on est plus directs.

Taureau-Ailé. Ne fais pas passer votre brutalité pour de la clarté.

Jim, à Miller. C’est un Lakhota. Je parle un peu leur langue. (À Taureau-Ailé, avec de grands gestes .) Toi faire doucement. Toi parler bien au Capitaine Miller. Capitaine Miller, grand guerrier. Capitaine Miller très fort. Boum-boum, pan-pan.

Taureau-Ailé. Shérif, si vous voulez rendre vos fadaises crédibles, je vous recommande d’y adjoindre des verbes conjugués.  

Miller, observant Taureau-Ailé de pied en cap. Attends une minute. Mais oui… C’est bien toi. « Taille moyenne, cheveux noirs, veste et souliers de peau… »

Jim. Vous vous connaissez ? 

Miller. Un peu que je le connais. Tu te nommes Taureau-Ailé.

Jim, à Taureau-Ailé. Est-ce vrai, peau-rouge ?

Taureau-Ailé. C’est le nom que notre chef me donna, notre tribu venait de traverser une rizière.

Miller, dont l’œil s’allume. Sa tête a été mise à prix par la cavalerie. Pour meurtre. 

Cette nouvelle glace l’assistance.

Nana, avec une nuance de peur. C’est… c’est un criminel ? 

Miller. Oui madame. Ce Sioux a tué plusieurs de nos valeureux soldats, plusieurs de nos camarades. 

Nana. Il s’était bien gardé de nous le dire !

Miller, menaçant. Qu’il ne s’en vente pas devant moi.

Taureau-Ailé. Pour l’Homme Blanc, tous les peaux-rouges se ressemblent.

Nana. Que viens-tu faire parmi nous ?

Taureau-Ailé. Je suis bien connu du Bureau des Affaires Indiennes. (Montrant un papier .) J’ai ici un courrier me demandant de rejoindre mon cousin dans la Grande Réserve Sioux.

Jim, lisant le papier. Tout semble en règle.

Josie. Lui, un criminel ? Il paraît si paisible. 

Miller. Méfiez-vous de l’eau qui dort.

Josie. Ce calme, Taureau-Ailé, tu masques tes sentiments profonds ? 

Taureau-Ailé. —Si tu sais écouter la nature, le chant des oiseaux, le murmure de la rivière, le souffle de la brise, tu apprendras la grâce, la paix, le bien-être intérieur et tu seras prêt à massacrer la chair et les os de ceux qui veulent ta perte, avant de boire leur sang et d’accomplir la lente mastication de leurs chairs encore tièdes.

Josie, feignant la légèreté. C’est un calme avec quelques nuances de haine, tout de même.

Miller. Nous aurons gagné la guerre lorsque tous les individus dans son genre pendront au bout d’une corde.

Nana. La guerre ? Mais je croyais qu’elle était finie ?

Miller. Batailles, offensives, contre-offensives, retraites, les guerres ne finissent jamais, sauf si l’on veut croire à ce que racontent les livres d’Histoire.

Taureau-Ailé. —Une seule guerre ne finit jamais : celle que tu mènes contre toi-même. Tu es ton seul ennemi.

Miller. 50 000 dollars. Voilà ce que gagnera celui qui supprimera ce peau-rouge de la surface de la Terre. Ce n’est rien face à l’honneur de débarrasser le monde d’un ennemi de notre patrie.

Jim. Vous… vous n’allez pas le tuer ? Hein ?

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