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Et si une simple soirée « entre ami·e·s » révélait qui nous sommes vraiment ?
Accordez-nous moins d’une heure de lecture et plongez votre public dans une comédie de salon au couteau, où me déroulement de la soirée fait exploser les masques… ou les met à nu.
Avant de vous en dire plus, on a 3 questions rapides à vous poser :
🆘 Vous en avez assez de ces comédies qui ne cherchent qu’à faire rire sans susciter la réflexion du public ?
🆘 Votre budget décors est serré et vous refusez les changements de plateau interminables ?
🆘 Marre des comédies « qui bavardent » sans enjeu ni rebondissements ?
Si vous avez répondu oui à au moins deux questions, alors lisez vite ce qui suit !
Voici le résumé d’Une Soirée avec quelques ami·e·s
Denis organise une soirée avec quelques ami·e·s pour faire davantage connaissance avec Irène, pour qui il a eu un coup de cœur. C’était sans compter David, éternel séducteur, et Zita, une vague connaissance d’Irène. Au fil de la soirée, les jeux de dupes se mettent en place et les maques tombent.
En accédant au texte intégral d’Une Soirée avec quelques ami·e·s
Vous obtiendrez un fichier PDF de 608 ko, téléchargeable (ordinateur, tablette, téléphone) et imprimable. La mise en page permet d’annoter facilement vos indications et notes de régie.
Ce que la pièce apporte concrètement à votre troupe et à votre public
✅ 4 rôles qui valorisent chaque interprète (2F/2H)
Chacun a des scènes « pivot » et de véritables enjeux à défendre.
✅ Mise en scène ultra-simple et réaliste
Un seul décor (salon) + quelques accessoires (TV, verres, grilles de loto) : coûts réduits, montage simple.
✅ Un rythme qui tient la salle
Plusieurs twists qui déclenchent des rires et une gêne délicieuse
✅ Un thème universel, immédiatement parlant
Argent, désir, loyauté, hypocrisie sociale : le public se reconnaît et rit… Il se pourrait même qu’il discute de la pièce à la sortie.
✅ Un terrain de jeu exigeant mais accessible
Travail du sous-texte, de l’écoute et de la manipulation douce (séduction intéressée, rivalité Denis/David, test de Zita). Parfait pour débutants ou interprètes chevronnés.
🎭 Intéressé(e) ? Téléchargez gratuitement le texte intégral d’Une Soirée avec quelques ami·e·s et offrez à votre public une comédie féroce et jubilatoire où l’argent (supposé) met à nu les cœurs… et les intérêts.
Bonne nouvelle : la lecture, le téléchargement et l’impression d’Une Soirée avec quelques ami·e·s sont totalement gratuits !
Attention : déconseillé aux compagnies qui veulent des pièces où les scènes s’enchaînent sans prendre le temps d’approfondir les situations.
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Texte intégral d’Une Soirée avec quelques ami·e·s à lire ou à imprimer
Denis.
David.
Irène.
Zita.
Le décor
Chez Denis. Une porte donnant vers l’entrée, une autre vers la cuisine, ces deux pièces étant invisibles pour le public. Un canapé, une table basse, un bureau rempli de papiers, un ordinateur, une télévision. Les murs sont remplis de livres. On distingue un portrait de Stéphane Mallarmé.
Denis, jean et chemise, est assis au bureau, devant son ordinateur. Il écrit sur son clavier en regardant la télé, qui est allumée. On entend : « Les troupes de singes sont organisées selon une hiérarchie. Le rang social influence l’accès à la nourriture, aux partenaires sexuels, au soutien du groupe, au contrôle du stress. » On sonne. « Les facteurs qui régissent cette hiérarchie sont nombreux. » Denis coupe le son avec la télécommande, se lève et sort par l’entrée. Ouverture de la porte d’entrée.
Denis, off. Toujours pile à l’heure !
David, off. Déformation professionnelle.
Fermeture de la porte d’entrée. David paraît, paquet à la main, chemise, veste et chaussures de ville, suivi de Denis.
David. Je suis le premier ?
Denis. Et le seul, j’en ai bien peur.
David. C’est un tête-à-tête ?
Denis. Pas tout à fait… Je vais t’expliquer. (Voyant le paquet.) Qu’est-ce que tu nous as apporté ?
David, donnant son paquet à Denis. Saint-Honoré.
Denis. Très bien. (Regardant l’heure.) On va pouvoir mettre la table.
David. Ah, parce que rien n’est prêt ?
Denis, débarrassant la table basse. Je n’ai pas vu le temps passer.
David, jetant un œil au téléviseur, toujours allumé. Ça, quand on regarde la télé…
Denis, s’affairant. Je bossais.
David, s’affairant également. Sur la télé ?
Denis. Exactement.
David. Tu la laisses allumée ?
Denis. Je vais l’éteindre. Je prépare un nouveau bouquin.
David. S’il doit aussi bien marcher que le précédent… C’était quoi déjà ?
Denis. « Le silence des voyelles. Essai sur l’évanescence du sens dans la poésie contemporaine ». Je ne t’en avais pas donné un exemplaire ?
David, pris en défaut. Si, si…
Denis. Le contrat que j’avais passé avait pourtant l’air intéressant : j’achetais les dix mille premiers exemplaires et je commençais à être rémunéré à partir de la dix mille et unième vente.
David. T’en as vendu combien ?
Denis. Trois.
David. Évidemment…
Denis. Trois exemplaires vendus. Le premier a été acheté par ma mère. Il trône en bonne place dans sa bibliothèque. Le deuxième a été acheté par ma mère. Aussi. Elle l’a offert à sa copine Huguette. Et le troisième a été acheté par erreur. La maison d’édition l’a remboursé au client.
David. En même temps, c’est un sujet de niche…
Denis. Toute la journée, j’essaye d’enseigner à des élèves qui s’en foutent, entouré de collègues qui ont la vivacité d’esprit d’un ficus… Et maintenant, cerise sur le gâteau, j’ai dépensé toutes mes économies dans l’achat des exemplaires de mon propre livre, que personne n’a envie de lire.
David, désignant son paquet. Je mets ça où ?
Denis. Sur mon bureau.
David, prenant une grille de loto dans la main. Tu joues au loto ?
Denis. Je suis désespéré ! Je suis à sec. Totalement. C’est pour ça que je t’ai demandé de venir.
David, désabusé. Ah d’accord…
Denis, essayant de rattraper le coup. Attends, ça me faisait plaisir de te voir, aussi…
David, ironique. Bien entendu…
Denis. Quand on était mômes, plus d’une fois je t’ai rendu de fiers services.
David. Ah oui ?
Denis. Toutes ces interros où je t’ai filé discrètement les réponses…
David. C’est sûr que de nous deux, c’était toi, l’intello.
Denis. Et j’en profitais pour t’aider.
David. Ou pour te foutre de moi.
Denis. Moi ?
David. J’étais votre cible.
Denis. « Votre » ?
David. Toi et ton petit groupe de premiers de la classe. Vous ne ratiez jamais une occasion de vous moquer du cancre que j’étais.
Denis. Tu t’es bien rattrapé depuis.
David. Je n’ai pas à me plaindre.
Denis. Banquier chez Westmore Capital, qui oserait se plaindre ?
David. C’est un bon job, je ne vais pas te dire le contraire.
Denis. Je voulais justement te parler argent.
David, que cette dernière réplique renfrogne. J’avais bien compris…
Denis. David, si tu pouvais me prêter ne serait-ce que 30 000, je te serais…
David, le coupant. Tu as bien une banque ? C’est à elle qu’il faut t’adresser.
Denis. Je m’adresse à toi en tant qu’ami.
David. Si je n’étais pas banquier, tu me tiendrais le même discours ?
Denis, après un silence. Quasiment…
David. Denis, je ne te prêterai pas cet argent.
Denis, désespéré. Mais pourquoi ?
David. Il ne faut jamais mélanger l’amitié et les affaires.
Denis. Je ne ferai pas de mélange, je te le promets.
David. De toute façon, je n’ai pas cet argent.
Denis. Quoi ?
David. J’ai un excellent salaire, c’est vrai. Mais je dépense tout. Le weekend j’en profite pour filer au soleil ou sous la neige… Je compte sur mon prochain bonus pour épargner un peu… Voilà. Bon bah, je peux repartir, maintenant.
Denis. Qu’est-ce que tu racontes ?
David. Tu avais une question à me poser, je t’ai répondu.
Denis. Arrête ! Ça me fait très plaisir de te voir !
David. Vraiment ?
Denis. Vraiment ! En plus ça tombe bien.
David, dont le visage se rebrunit. C’est-à-dire ?
Denis. David, si je t’ai fait venir, c’est bien entendu parce que ça me fait très plaisir de te voir. (Un temps. Il se demande comment poursuivre.)
David, poursuit à sa place. « Mais »…
Denis. Eh non, raté ! (Il réfléchit encore un instant.) Cependant… (Nouvelle pause.) J’ai flashé sur une femme.
David, soudain davantage intéressé. Ah ?
Denis. Elle s’appelle Irène et elle tient une galerie d’art dans la vieille ville, « L’Intervalle Invisible ». Josy, ma collègue d’art-pla, avait une invitation pour son dernier vernissage, « Ce qui disparaît en nous ».
David, prosaïque. Il y a quelque chose qui n’arrête pas de disparaître en moi, ce sont mes clés de voiture. À chaque fois, je crois qu’elles sont dans mes poches, et puis non !
Denis, avec une pointe de condescendance. En l’occurrence, l’artiste exposé, Amaury Klein, travaille sur la lente dégradation des objets du quotidien, savon, fruits, pain. Il part du principe que l’oubli est notre matière première.
David, toujours prosaïque. Ça, c’est bien vrai. Par exemple, j’arrive jamais à me souvenir du nom du petit traiteur italien chez qui je prends mes linguines à l’encre de seiche.
Denis, avec une ironie imperceptible. Tu vois ! Josy ne pouvait pas aller au vernissage, alors elle m’a donné l’invitation. Pour tout te dire, j’ai à peine regardé l’expo.
David. Tu avais autre chose dans la tête ?
Denis. Voilà ! On aurait dit que tous les V.I.P. s’étaient donné rendez-vous à cette soirée. La directrice du Musée des Beaux-Arts, le Directeur du théâtre Saint-Paul et même Barthélémy Gardeuil !
David. Barth et qui ?
Denis. Barthélémy Gardeuil, tu ne connais pas ?
David. Ah… une seconde… ce sont deux frères qui font de la magie, c’est ça ?
Denis, cachant à peine son mépris. Mais non ! Barthélémy Gardeuil est un des plus grands spécialistes de philosophie sociale et d’anthropologie de la performativité. J’ai dévoré son essai phare, « Ontologie de la feinte : pour une grammaire des liens simulés ». Il développe notamment l’idée que toute interaction sociale est un « théâtre de crédibilité réciproque » où chacun « feint d’être sincère pour préserver la structure de l’échange ».
David, perdu. Hein ?
Denis. C’est te dire si j’ai flashé sur Irène.
David, sans que Denis ne perçoive l’ironie. Ah oui, on sent tout de suite que lors de ce vernissage, tu n’as vu qu’elle.
Denis. On est allés prendre un café à côté de chez elle, mais je voulais mieux la connaître, alors je l’ai invitée ce soir.
David. Tu n’y vas pas par quatre chemins.
Denis. Justement, je ne voulais pas l’effrayer avec un dîner seul à seule, alors je lui ai dit que je faisais une soirée avec quelques amis, à la bonne franquette, chacun amène quelque chose…
David. C’est le bon truc, comme ça, toi, tu n’as rien à faire, et tu passes pour un hôte sympa.
Denis. C’est plus l’idée de partage, qui est intéressante.
David. L’idée de partage ? Moi, j’amène un saint-honoré. Irène, qu’est-ce qu’elle ramène ?
Denis. Euh… une salade de pâtes, je crois.
David. Et toi ?
Denis. Quoi, moi ?
David. Qu’est-ce que tu ramènes, toi ?
Denis. Je ramène rien : c’est moi qui invite.
David. Et voilà.
Denis, froissé. Je ne sais pas ce que tu sous-entends, David…
David, avec un petit sourire. Rien, rien…
Denis, essayant de rattraper le coup. J’ai quand même ramené des… des… euh… des gobelets et aussi des… des serviettes en papier.
David, avec ironie. Bravo.
Denis. J’avais demandé à Marc et Sophie de venir, mais ils ont annulé.
David. Peu importe, on a suffisamment à manger.
Denis. David ! Je n’invite pas les gens pour me nourrir. J’invite les gens parce que ça me fait plaisir de les voir.
David, n’en croyant pas un mot. Mais bien-sûr !
Denis. Il vient d’où, ton saint-honoré ?
David. De chez Zambault.
Denis. Je sens que je vais me régaler… Donc, je compte sur toi ?
David. Pour ?
Denis. Pour Irène.
David. Quoi « pour Irène » ?
Denis. C’est une femme que j’ai en vue. Donc merci de ne pas lui faire ton habituel numéro de charme.
David, presque outré. Évidemment, pour qui tu me prends !
Denis. Pour ce que tu es. De toute façon tu n’es pas son type.
David. Ah bon ?
Denis, comme une évidence. David… Tu es banquier. Elle est galériste.
David. Et alors ?
Denis, essayant de lui faire comprendre à demi-mots. Tu es banquier, elle est galériste… Elle est galériste, tu es banquier… bref ! Si tu peux éviter de te mettre sur mon chemin… tu t’éviteras et tu m’éviteras une perte de temps. D’accord ?
David. D’accord ?
Denis, tendant la main. Tu promets ?
David, tendant la main et serrant celle de Denis. Je promets.
Denis, prenant son téléphone. Excuse-moi. (Il lit un message.) Et merde !
David. Un problème ?
Denis. C’est Irène.
David. Elle ne vient pas ?
Denis. Si, mais avec Zita.
David. C’est qui ?
Denis. Une de ses voisines, Irène la prend sous son aile, par pitié, sans doute. Zita, si tu veux… elle a pas inventé l’eau tiède… c’est une shampouineuse… elle a pas le moral, apparemment…
David. Tu la connais, cette euh…
Denis. Zita ? Elle était au café quand j’ai retrouvé Irène l’autre fois… (Un temps.) Mais tu sais que vous iriez bien ensemble ?
David. Moi et Zita ?
Denis. Oui !
David, vexé. Tu viens de me dire qu’elle n’a pas inventé l’eau tiède !
Denis. Non mais c’est une façon de parler ! Elle est brave… elle est bien brave…
On sonne.
Denis. Ça doit être elles.
David, attaquant, mais à fleuret moucheté. Laisse, j’y vais.
Denis, contre-attaquant dans le même registre. Merci David, je m’en charge.
Denis sort par l’entrée, tandis que David, de mauvaise grâce, essaie de s’occuper. Bruit de porte qui s’ouvre.
Irène, off. Ça ne vous dérange pas ?
Denis, off. Pas le moins du monde.
Zita, off, avec des sanglots dans la voix. Merci, Denis, c’est très chouette de votre part…
Denis, off. Ça me fait plaisir.
Bruit de porte qui se referme. Paraît Irène, un plat à la main, Zita, qui se mouche, puis Denis.
Irène, saluant David. Irène.
David, la saluant également. David. On se fait la bise ?
Irène, un peu surprise. Euh… oui…
Denis, mettant fin à cette embrassade. Salade de pâtes ?
Irène, donnant le plat à Denis. C’est ça.
Zita, allant à David pour lui faire la bise. Moi, c’est Zita.
David, lui serrant la main. Enchanté. (Il la laisse en plan.)
Denis, pour paraître aimable. Zita, ce soir, vous allez vous changer les idées. Comment va Minouche ?
David. Minouche ?
Zita. Justement…
Denis, à David. C’est sa perruche.
Zita. Elle vient de se faire manger par Voldemort ! (Elle éclate en sanglots.)
Denis. Voldemort ?
Irène. Le chien du concierge.
Denis, à Zita. Bien entendu, ce n’est pas drôle, mais vous allez vous en remettre.
Zita. Hein ? Mais Minouche c’était comme ma sœur ! La seule personne qui ne m’a jamais laissée tomber…
Denis, à part. Qui se ressemble s’assemble…
Zita. Qu’est-ce que vous dites ?
Denis. Zita, je vous fais une proposition : ne parlons plus de cela et décidons ensemble de passer une bonne soirée. Voulez-vous ?
Zita. Oui. Oui mais à condition qu’on se dise tu.
Denis. Si vous voulez.
Zita. Tu ne veux pas ? Euh… Vous ne voulez pas ?
Denis. Si, je viens de vous le dire !
Irene. Non, vous lui avez dit vous.
David. Dis-lui tu.
Irene. Mais oui, dites-lui tu.
Denis. En ce cas, vous me dites tu aussi ?
Irene. Disons-nous tout ! euh…
David. Disons-nous tu !
Denis. Eh bien en ce cas, Zita, tu peux poser ton sac par-là.
Zita, souriant. Merci.
David disparaît par le couloir.
Irene, presque contrariée. La télé est allumée ?
Denis. Ah oui, il faut l’éteindre.
Irene, avec une pointe d’inquiétude. Vous regardez la télé ? Euh… Tu regardes la télé ?
Denis. Jamais ! Mais en ce moment, je travaille sur mon prochain livre, qui traitera de la rhétorique médiatique.
Irene. Sur la télé ? Ce n’est pas un média un peu dépassé ?
Denis. Certes, c’est un des médias historiques, mais il peut encore avoir beaucoup d’impact. (Comme cherchant quelque chose.) Zut… je n’ai pas pensé aux boissons…
Zita. À propos : je commence à avoir soif. Y a du coca ?
Denis, esquissant un sourire en coin. Ah non, désolé, pas de ça ici…
David revient du couloir avec une boîte et une bouteille.
David. Regardez ce que j’ai trouvé !
Denis, ennuyé mais n’en laissant rien paraître. Ah mais oui, David, quelle bonne idée ! J’avais ça dans le frigo, il y a un pot au collège la semaine prochaine. (À Irène.) Radis, concombres, carottes ?
Irène. Avec plaisir, j’adore les crudités.
Zita. Minouche aussi adorait les crudités. (Elle fond en larmes.) Je lui en donnais tous les jours !
Denis, lui donnant un mouchoir, se voulant compatissant. Zita, ça va passer.
Zita, séchant ses larmes. Oui…
Denis, à Irène, plus caressant. Tes yeux ont vraiment une couleur particulière, un éclat, une vivacité, on dirait…, on dirait…
Zita, les yeux grands ouverts. On dirait Minouche ! (Elle fond en larmes.) Ma Minouche… elle me fixait comme ça tous les matins…
Denis, donnant à Zita un autre mouchoir. Zita, ça va passer…
Zita, séchant ses larmes. Oui…
Denis, à Irène. Où en étions-nous ?
Irène, coopérative. À l’éclat de mon regard…
Denis. Merci ! Ce que je voulais dire, c’est que face à cet éclat, on ne peut qu’avoir envie de… de…
Zita. De lui jeter des graines ! (Elle fond en larmes.) Ma Minouche, tous les matins, elle picorait avec tant de joie…
Denis, lançant un nouveau mouchoir à Zita, plus sec. Zita, ça va passer.
Zita, séchant ses larmes. Oui…
Denis, à Irène. Qu’est-ce que je disais ?
Irène. Je crois qu’on parlait de graines.
Denis, prenant peur. Ah non ! Chut !
Zita, fondant en larmes. Des graines ! … Qu’est-ce que je vais en faire, moi, maintenant, des sacs de graines de ma Minouche ?
Denis, balançant un nouveau mouchoir à Zita, énervé. Zita, ça va passer !
Zita, séchant ses larmes. Oui…
Denis, confus. Bon… euh… je ne sais plus… on…
Irène, charmeuse. Il me semble que tu parlais de moi…
Denis. Oui, oui, bien sûr… euh… c’est dur à définir… une grâce, une douceur, quand tu tournes la tête, comme…
Zita, fondant ses larmes. Comme ma Minouche quand elle se grattait derrière l’aile !
Denis, jetant force mouchoirs à Zita, excédé. Zita, ça va passer !
Zita, fondant ses larmes. Oui. (Récupérant les autres mouchoirs que Denis continue à lui jeter de manière presque automatique.) Ça va peut-être aller, là ?
Denis, avec un sourire un peu crispé. Tu es sûre ?
Zita, séchant ses larmes. Sûre.
Denis. Sûre, sûre ?
Zita, avec volontarisme. Sûre, sûre !
David, qui a tout observé d’un œil amusé. Zita, ça t’aiderait peut-être si on ne parlait plus de Minouche ?
Zita, fondant en larmes. Ma Minouche !
Denis et Irène. Oh !
Dans un mouvement d’humeur, Denis lance la boîte de mouchoirs à Zita.
Zita, recevant la boîte. Ah !
Denis. Désolé, pur réflexe…
Zita. Je comprends que ce soit agaçant. Maintenant j’arrête avec… avec…
Denis, voulant l’aider. Avec celle dont il ne faut pas prononcer le nom.
Zita, souriant. Voilà !
Denis, à Irène. Je me demandais, au sujet du vernissage…
Zita, le coupant, gaie. Ah ce vernissage ! Merci, Irène, de m’avoir invitée. C’était la première fois que j’en faisais un.
Denis, à Irène. J’ai vu l’adjoint à la culture près du buffet. Il est resté longtemps ?
Zita. L’adjoint ?
Irène. Le grand qui te faisait compliments sur compliments.
Zita, en verve. En tout cas, il n’a pas fait des compliments sur les petites cuillers : selon lui, elles étaient trop petites pour les verrines de betteraves. Il y allait carrément au quignon de pain. Alors, j’ai eu envie de m’amuser : comme il m’avait dit qu’il était végétarien, je lui ai fait croire que les verrines étaient relevées au bouillon de bœuf ! J’ai cru qu’il allait faire une jaunisse !
Denis, à Irène. Et la blonde en robe argentée, c’était bien la critique littéraire du Courrier du Val ?
Zita, rigolarde. Celle-là, elle a passé dix minutes à chercher une prise pour son téléphone. Et elle a fini par en trouver une dans le placard à balais !
Denis, à Irène. Tu as pu parler au préfet ?
Zita. Avec moi, il s’est pas gêné. Il m’a demandé la marque des bretzels.
Denis, avec crispation. Évidemment…
Zita, sourire poli. Oh pardon, tu t’attendais à ce qu’il me cite du Platon ?
Denis, presque sec. En tout cas, je ne m’attendais pas à un flash info betteraves bretzels. (À Irène.) Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé la proposition artistique d’Amaury extrêmement intéressante. Sa grande installation m’a rappelé Boltanski, période « inventaire ».
Irène, souriant. Oui… mais avec une touche d’On Kawara dans la gestion du temps.
Denis. Exactement !
Zita, enthousiaste. Moi aussi, ça m’a rappelé quelque chose : le grenier de ma grand-mère, quand on avait trié toutes ses vieilles boîtes de biscuits rouillées !
Irène, après une pause polie. Ah… oui… enfin, en l’occurrence, on parle davantage de mémoire collective que de rangement personnel.
Denis. On pourrait peut-être aller voir la rétrospective Dan Flavin vendredi ?
Irène. Bonne idée.
Zita. Ah bah moi je peux pas, j’ai rendez-vous pour mes allocations…
Denis. Alors c’est noté pour vendredi.
Irène. D’accord !
Zita, amère. D’accord…
Denis. Ce que j’aime, chez Flavin, c’est cette ouverture infinie des possibles. J’ai moi-même publié « Le Silence des Voyelles », un essai sur l’évanescence du sens dans la poésie contemporaine.
David, se décidant à passer plus franchement à l’attaque. On ne le croirait pas, mais on écrit beaucoup, aussi, dans la banque. Ainsi, mon rapport annuel sur la conjoncture économique pour Westmore Capital a été téléchargé quinze mille fois la semaine dernière.
Zita, pas mécontente de cette petite défaite infligée à Denis. Ah oui… C’est très lu… bravo…
David, à Denis. Rappelle-moi combien d’exemplaires tu as vendus de ton livre ?
Denis. Euh… je… la pub n’a pas vraiment été à la hauteur…
David. Combien ?
Denis. Eh bien… c’est… ohfff… je ne sais plus…
David. Cherche.
Denis. Alors… hum… ah oui ! hinhin… (Très bas.) Trois.
David. Combien ?
Denis, plus fort mais toujours chuchoté. Trois.
David. J’ai pas entendu.
Denis, agacé. Trois !
David, après un silence. Trois, c’est pas mal. Pas mal pour une publication si ardue.
Denis. Cela dit, mon livre a eu un compte-rendu dans la revue « Lettres et Horizons ».
David. Et mon rapport un compte-rendu dans Global Finance Weekly. Tirage mondial. (Zita écrase un rire.)
Denis. Le « Cercle des Amis de la Poésie Contemporaine » m’a invité la semaine prochaine à donner une conférence à la Maison des associations, annexe 2bis, studio 3, en contrebas des locaux techniques.
David. Cette année, j’anime un panel au forum économique de Davos.
Irène, sincèrement impressionnée. Ce doit être une belle audience…
Denis. Pour ma part, je préfère un public plus choisi…
Zita. Ça, trois personnes, y a eu du tri…
David. La semaine prochaine, je suis invité à dire un mot au dîner annuel de la Chambre de Commerce. Ça se passera au Royal Coconut Grill Club.
Zita. Ah les grillades, j’adore ! Mon cousin Brian, il en fait tout le temps au camping de la Grande-Motte !
David, avec condescendance. Ça n’est pas tout à fait le même standing… (À Irène.) Ça te tente ?
Irène. Pourquoi pas ?
David. En tout cas, Denis m’a parlé de cette exposition sur… Amaury Klein, si je ne me trompe ?
Irène. C’est bien ça.
Denis, à David, avec une pointe de fiel. Tu t’intéresses à l’art contemporain, maintenant ?
David. Je m’intéresse à tout… (À Irène.) Ce que m’en a dit Denis m’a semblé remarquable.
Denis, plein de sous-entendus. Remarquable, oui. C’est un compliment purement professionnel, n’est-ce pas ?
David, regardant Denis avec un petit sourire. Naturellement, purement professionnel.
Zita, les regardant. C’est la première fois que j’ai l’impression que le mot « professionnel » est en train de transpirer…
Denis, à Irène et Zita. Voilà pourquoi j’apprécie David : c’est non seulement un ami, mais aussi un grand professionnel. Quand ces deux dimensions sont réunies chez un seul et même homme, vous obtenez quelqu’un d’une grande loyauté. (À David, espérant qu’il comprenne le sous-entendu.) C’est important, la loyauté, savoir respecter ses engagements…
Irène. Ses engagements ?
David, conservant son sourire. Rien de grave. De simples accords… entre gentlemen…
Denis, soutenant le regard de David. Oui. Des accords qui impliquent de ne pas franchir certaines lignes.
Zita. Attendez… j’ai pas suivi… on parle foot ?
David, à Irène. J’aimerais beaucoup voir ta prochaine sélection. Peut-être même en avant-première ?
Denis, plus sèchement. Je ne crois pas que ce sera nécessaire. D’autres ont la priorité.
David, plus incisif. D’autres ? Peux-tu nous éclairer ? De qui parles-tu ? De toi ?
Denis. J’ai pour principe d’honorer ma parole. J’attends des autres qu’ils fassent de même.
Irène, voulant couper court à la tension. Voulez-vous goûter ma salade de pâtes ?
Denis, faisant un mouvement. Avec plaisir.
Irène. Laisse. La cuisine est par-là ?
Denis. Oui mais…
Irène. Non, non, j’insiste…
Zita. Attends, je t’accompagne !
Zita et Irène s’éclipsent par le couloir.
Denis, bas. Qu’est-ce que tu fais ?
David. Quoi ?
Denis. Ne fais pas l’imbécile, s’il te plaît.
David. Mais quoi ?
Denis. On n’avait pas un accord, tous les deux ?
David. Si.
Denis. Tu te souviens de ce que tu m’as promis ?
David. Bien sûr.
Denis. Et tu penses que ton comportement correspond à cette promesse ?
David. J’ai discuté avec elle, point.
Denis, éclatant malgré lui. Tu la dragues !
David. Si tu appelles ça draguer, tu as peut-être un problème.
Denis. Lui demander une visite privée pour sa prochaine expo, ce n’est pas la draguer ?
David. C’est montrer de l’intérêt pour son travail. Tu voudrais qu’elle pense que ton entourage la snobe ?
Denis, à part. Comme si tu avais les moyens de la snober !
David. Comment ?
Denis. Je ne veux pas qu’elle pense que tu la dragues !
David. Et si je te disais que je voulais tester ses réactions ? Voir si elle en pince vraiment pour toi ?
Denis. Bien sûr ! Le banquier philanthrope, toujours prêt à sacrifier son temps pour la vie sentimentale d’autrui !
David. C’est dans l’intérêt de l’expérience que tu restes euh… disons… concentré sur ton objectif. Si elle peut être troublée par quelqu’un d’autre que toi, mieux vaut le savoir maintenant, non ?
Denis. Elle ? Troublée par toi ? (Il rit.) Ça n’arrivera pas.
David. Ah non ?
Denis. Non. Comment te dire, David… Irène et moi, nous sommes du même monde, tu vois. Un autre monde que celui de la banque.
David. C’est ce qu’on va voir.
Irène et Zita reviennent de la cuisine avec assiettes et couverts.
Irène. Et voilà !
David. Denis, tu aurais pu nous proposer autre chose que des assiettes ébréchées…
Denis. Elles sont ébréchées, c’est vrai… Mais je n’arrive pas à m’en séparer : ce sont les assiettes que j’ai achetées avec mon premier salaire. (À Irène.) On parle souvent de « neuf » ou de « vieux », mais jamais de la valeur réelle des choses.
Irène, acquiesce. Et ce n’est pas seulement une question d’argent.
Denis. Hannah Arendt disait que la valeur vient de l’usage et de la permanence dans le temps.
David, plus sec. Ou, plus simplement : de ce qu’un acheteur est prêt à payer, ici et maintenant.
Zita. Comme les melons : un euro en septembre, quatre en mai.
Denis, à David. Le prix fluctue, mais la permanence distingue l’œuvre de l’objet banal.
David. La rareté, même artificielle, distingue ce qui se vend de ce qui prend la poussière en vitrine.
Irène, piquante. Donc, pour toi, tout se résume à des chiffres ?
David. Pas tout. Mais les chiffres parlent plus vite que les discours.
Zita. Comme les étiquettes rouges en promo : pas besoin de lire.
Denis. Voici une vision bien simpliste…
David. C’est une vision mesurable. Les sentiments, eux, ne se mesurent pas.
Denis. Heureusement !
David. Dommage. On saurait qui ment.
Bref silence. Irène a pris le portrait de Mallarmé.
Irène, prenant le portrait dans ses mains. Mallarmé ?
Denis. J’aime ce portrait. Mallarmé y paraît tout à la fois détendu, presque nonchalant, et en même temps tenu par une idée. Une idée puissante.
David, observant Irène. C’est curieux. (Un temps.) Toi, quand tu tiens un objet, on dirait que tu lui donnes un poids qui ne lui appartient pas. (Un temps encore.) Comme si c’était toi qui lui fixais sa valeur.
Irène fixe David, touchée. Denis se raidit.
Irène. Et la dernière chose à laquelle tu as donné ce… ce poids ?
David. Une lettre manuscrite. Sans signature. Laissée sur ma table de nuit. Ça valait… tout ce qu’on m’avait donné jusqu’alors.
Irène hoche doucement la tête, Denis détourne les yeux.
Zita. Moi aussi j’en ai eu une ! Mais pas sur ma table de nuit. Non, glissée sous ma porte. Pour m’avertir que si je remettais Michel Sardou à fond à 1 heure du matin, j’allais finir au fond des lacs du Connemara. Pas de signature non plus.
Denis, sourire en coin. Un chef d’œuvre de correspondance interurbaine.
Irène, amusée. Et toi, Denis, quel est l’objet qui t’a le plus bouleversé ?
Denis. Tu sais… Mallarmé affirmait qu’un objet n’existe vraiment que dans la lumière qu’on lui donne. Si c’est vrai… alors je comprends enfin pourquoi certaines œuvres me bouleversent quand tu es là.
Silence bref. Irène le regarde, quelque peu déstabilisée.
Irène. Tu cites souvent Mallarmé pour séduire les femmes ?
Denis. J’essaie surtout de m’expliquer pourquoi je suis déjà séduit.
Irène semble réellement touchée par cette phrase.
David. Ah Mallarmé !… splendide… On sent chez lui toute l’influence de Verlaine…
Irène, sèche. C’est plutôt l’inverse.
Denis, très prof. Et puis, David, on ne « sent » pas Mallarmé. On le déchiffre. C’est plus long…
Zita. Comme les notices de micro-ondes. On comprend la moitié et on espère que ça va marcher.
Denis, agacé. On parle poésie, là. Pas de ton électro-ménager !
Irène. Et en musique, quel est ton absolu ?
Denis. Bach, bien sûr, ce bon vieux Bach. La charpente invisible.
David, voulant à tout prix participer à la conversation. Ah Bach ! Quelle harmonisation !
Denis, rectifiant. On dira plutôt harmonie, David. L’harmonisation, c’est ce que les banques font entre elles, pour éviter de trop se concurrencer sur les frais de tenue de compte et mieux plumer leurs clients, par exemple.
Zita, rit. Touché !
David. Irène, je crois que toi et moi nous sommes partis sur de mauvaise bases. On pourrait dîner ensemble cette semaine.
Irène. Non merci, David.
Zita. Justement, moi je peux vous recommander un petit resto pas cher, c’est…
David, la coupant. Zita, c’est une conversation de grandes personnes, merci.
Zita, piquée. Non mais dis tout de suite que je suis un bébé !
David, à Irène, plus confidentiel. Tu dis ça parce que Denis est là, mais entre nous, tu es trop intelligente pour…
Denis, le coupant. Pour savoir ce qu’elle veut ?
Zita, essayant de détendre l’atmosphère. Ah mais moi aussi je sais ce que je veux. Et…
Denis, la coupant. Sans doute, mais personne ne te l’a demandé, je crois.
Zita, vexée. Oh !
Elle sort par le couloir.
David, à Irène. Irène, je me permets de…
Denis. Non. Tu insistes alors qu’elle vient de te dire non. On appelle ça comment dans ta banque ? Une offre agressive ?
Irène, regard vers Denis, sourire discret. Il a raison.
David, essayant de garder bonne figure. Très bien, j’ai compris.
Il sort par le couloir.
Denis. Sacré David ! Au lycée, il passait plus de temps à copier mes dissertations qu’à les lire.
David revient sans être vu de Denis ni d’Irène.
Denis. Il n’a pas un mauvais fond, même si son inculture ne cesse de me surprendre. Il essaie de compenser en faisant bander ses muscles de banquier… Pathétique. Autant essayer de mettre de la poésie dans un tableur Excel.
David blêmit, prend son téléphone et ressort sur la pointe des pieds.
Denis. Tu sais… ce soir, rien n’était censé te perturber.
Irène. Ah oui ? C’est-à-dire ?
Denis, avec un petit sourire. Parce que… parce que j’avais organisé les choses…
Irène. Organisé ?
Denis. J’ai proposé un accord à David : il devait me laisser le champ libre avec toi…
Irène, riant. Je vois !
Denis. Pour ce qui est de mes affaires, je ne suis pas pour la concurrence libre et non faussée…
Irène, taquine, mais sa voix est plus basse. Et je fais partie de tes affaires ?
Denis, souriant, presque sérieux. Non… tu es la seule exception qui justifie toutes mes affaires.
Silence. Irène le regarde et pose lentement son verre.
Irène. Et si je te disais que je n’aime pas qu’on me « réserve » ?
Denis. Alors je dirais que ce n’était pas une réservation. C’était… un pari. Et j’ai rarement eu autant envie de gagner.
Ils restent immobiles, se regardant, plus proches que jamais. L’air semble plus dense. Un léger sourire naît chez Irène.
Irène. Le pari semble gagné.
Denis, lui prenant la main. Et la victoire, partagée. On pourrait peut-être se voir rien que toi et moi ?
Irène. Avec plaisir. On aura davantage le temps d’échanger.
Zita revient, sans être vue ni d’Irène ni de Denis.
Irène. Parfois, Zita fatigue un peu…
Denis, souriant méchamment. Un peu ? Disons que c’est une conversation à haut risque de digression ménagère.
Irène. Oui, entre Mallarmé et l’état de son aspirateur, il n’y a qu’un pas.
Denis. Et elle le franchit allègrement à chaque fois !
Elle et il rient. Zita, dans son coin, semble blessée.
Denis. Je voulais te demander… Barthélémy Gardeuil, tu le connais bien ?
Cette question semble attirer l’intérêt de Zita, qui observe Denis avec attention.
Irène. Pas vraiment… il n’était jamais venu auparavant. C’est Christian, l’adjoint à la Culture, qui l’a amené…
Denis. Tu crois que tu pourrais me le présenter ?
Irène, souriant. Je rappelle Christian, et ça devrait pouvoir se faire…
Zita, par mégarde fait alors tomber un livre.
Zita. Oh désolée… je ne voulais pas interrompre…
Denis, sourire poli, mais faux. Tu ne nous interromps jamais, Zita. Tu changes simplement de registre.
Irène, complice. Et c’est souvent un registre inattendu…
Zita, se forçant à rire. Toujours prête à surprendre !
Denis. Comme une pub au milieu d’un documentaire sur Picasso.
Zita feint de ne pas comprendre la pique. David revient.
David, l’air calme, le téléphone en main. Je dérange ?
Irène. Pas plus que d’habitude.
Zita regarde attentivement ce qui se trouve sur le bureau de Denis.
David, à Irène, avec un sourire de façade. Je prends ça pour un compliment.
Denis. C’est bien la preuve que tu n’es pas rancunier.
David, avec un air de défi. J’ai appris à encaisser. Et à revenir par d’autres chemins.
Zita a pris en main une des grilles de loto qui se trouvent sur le bureau de Denis.
Irène. Comme le banquier qui essaie de vous refourguer le même prêt sous un autre nom ?
Le regard de Zita est maintenant attiré par la télévision.
David. Ou comme quelqu’un qui croit encore aux secondes chances.
Le regard de Zita fait des allers-retours entre la télé et la grille qu’elle a dans la main.
Denis, plus sec. Attention à ne pas passer pour insistant… On connaît la suite.
David, faussement ingénu La suite ?
Denis. Les frais cachés.
L’atmosphère, quoique sous contrôle, se tend légèrement.
Zita, la grille de loto à la main. Oh ! On peut monter le son de la télé ?
Denis. Merci Zita, charmant. Tu t’ennuies ?
Zita. Mais non ! Ce matin j’ai joué au loto et les résultats passent maintenant !
Irène. On passe de Barthélémy Gardeuil à « Cochez, c’est gagné ! »
Denis, avec ironie. La transition culturelle est vertigineuse…
Irène. Zita ! Ces jeux sont un bon moyen de plumer les esprits paresseux en misant sur l’appât du gain !
Zita, piquée. Eh bien oui, moi je préfère peut-être rêver d’un jackpot plutôt que de parler en utilisant des… des…
Denis. Des mots de plus de trois syllabes ?
Irène. Ne sois pas injuste, Denis, « Jackpot » en fait déjà deux.
Zita, malicieuse. Moquez-vous ! En tout cas, si je gagne, je sais qui je n’inviterai pas en croisière.
David. Oh ce serait drôle si… si d’autres ici avaient aussi joué, non ?
Denis, sèchement. D’autres ? Quelle idée…
David, faussement candide. Il me semblait que toi, justement…
Denis. David !
Irène, dévisageant Denis. Tu as joué, Denis ?
Denis, mal à l’aise. Ce n’est pas… c’est-à-dire… je ne l’avais jamais fait avant…
David, amusé. C’était peut-être au même bureau de tabac que Zita !
Denis, devant le regard plein de réprobation d’Irène. C’était par pure curiosité statistique !
Zita, moqueuse. Eh bien ! Viens donc assouvir ta curiosité devant la télé ! (Zita se positionne devant l’écran.) Comment on monte le son ?
Denis, s’empare de la télécommande. Là.
David, s’installant devant la télé également. Voyons si la fortune a une saveur plus relevée que la culture !
David et Denis se rapprochent de l’écran. Denis appuie sur un bouton et un jingle criard retentit.
Voix off. Bonsoir à toutes et à tous, et bienvenue pour le tirage du Super Loto de ce soir. Le jackpot atteint la somme exceptionnelle de 30 millions d’euros. Avez-vous entre vos mains le ticket qui changera votre vie ? Bonne chance à toutes et à tous.
Irene. Si ce matin, on m’avait dit que je regarderai le tirage de du Super Loto…
David. Ça fait partie de la culture populaire.
Irène. On ne doit pas avoir la même définition du mot « culture »…
Voix off. Premier numéro, le 12.
Sans être vue des autres, Zita griffonne sa grille très rapidement, puis se met à sourire.
Denis, regarde sa grille et sourit. Ça commence bien…
Voix off. Deuxième numéro, le 28.
Zita recommence son petit jeu, ce qui attire l’attention de David.
Denis, même jeu que précédemment. La chance serait-elle avec moi ?
David, à Zita. Tu sembles satisfaite ?
Zita. J’aime les chiffres pairs !
Voix off. Troisième numéro, le 35.
Denis reste figé, cherche sur sa grille, son sourire s’efface.
Denis, déçu. Ah.
Zita a poursuivi son manège et soupire d’aise, ce que remarque Irène.
Irène. Tu as l’air très investie dans les résultats de ce tirage, Zita…
Zita. Cette lumière, cette musique, ils savent faire monter la pression…
Voix off. Quatrième numéro, le 49.
Denis baisse les yeux, ne dit rien, semble abattu. Zita, sans être vue des autres, coche sur sa grille, puis inspire profondément et pose brièvement la main sur sa poitrine.
David. Aurait-on une gagnante ?
Zita le regarde et se met à rire. Denis se met à regarder Zita.
Voix off. Cinquième numéro, le 6.
Denis détourne le regard de l’écran. Zita continue à cocher sans que les autres ne la voient, ferme les yeux une seconde, esquisse un petit mouvement d’épaules comme pour contenir une excitation. David et Irène se tournent vers elle.
Irène. Il se passe quoi, là ?
Zita, le regard sur l’écran. Suspense…
Voix off. Et maintenant, les étoiles…
Denis. Allez, ça peut encore donner quelque chose.
Voix off. Première étoile… le 3.
Zita coche de nouveau en douce.
Denis, agacé. Quand ça ne veut pas…
Zita se met à trembler, sa respiration semble plus rapide.
David, voulant voir la grille de Zita. Zita, ne me dis pas que…
Zita, retirant sa grille pour la cacher à David. Chut !
Voix off. Seconde étoile… le 8.
Zita a encore coché discrètement sa grille à l’insu des autres.
Zita, bondissant, cri strident. J’ai gagné, j’ai gagné trente millions ! !
Voix off. Bravo à nos gagnants et à nos gagnantes de ce soir ! On se retrouve tout à l’heure pour découvrir en direct…
Denis a coupé le son et se met à regarder Zita. David a pris la grille et la regarde.
Irène, comme sonnée. Est-ce que je viens d’assister à un big bang ?
David, rendant sa grille à Zita. Félicitations Zita, te voilà riche ! (Avec un bref regard malicieux à Denis.) Et tous ceux qui perdent te remercient…
Denis, se forçant à sourire. Eh bien… Zita… toutes mes félicitations. Trente millions… c’est… remarquable.
Zita, rayonnante. Je n’arrive pas à y croire !
David. Champagne ! (Zita saute de joie, mais Denis le regarde, comme hébété. À Denis.) Tu as du champagne ?
Denis. Il doit me rester une vieille bouteille de cidre, entamée…
David. Eh bien va la chercher !
Denis sort par le couloir.
Irene, froide. Bravo, Zita. Avec une telle somme, il va y avoir du changement !
Zita, avec un double sens que personne ne perçoit. Oh oui, il va y avoir du changement…
Denis revient avec une bouteille de cidre. Son expression a changé.
Denis, servant des verres. Allez ! Buvons à Zita et à la chance qui lui a souri !
Zita, survoltée. Oui !
Denis. « La chance sourit aux audacieux », on le dit.
Irène, à part. On dit aussi que les imbéciles ont la chance des débutants.
Denis, levant son verre, ce qui fait lever leurs verres aux autres. À Zita !
David et Irène, le premier, de bonne grâce, la seconde en marmonnant. À Zita !
Zita. Merci vous êtes trop chou !
Ils boivent, mais tous font la grimace, excepté Denis.
Irène, parlant du cidre. Il est un peu passé, non ?
Denis. De toute façon, je préfère quand il n’a pas trop de bulles…
David. Eh bien tu es servi… Zita, désormais, tu pourras t’offrir de meilleures bouteilles que celle-là.
Irène, tranchante. Ce ne sera pas bien difficile…
Denis, vexé. Merci !
Zita, voulant être gentille. C’est l’intention qui compte !
Denis. Je n’avais pas l’intention, mais alors pas du tout l’intention de vous faire boire cette bouteille…
David, prenant Zita bras-dessus bras-dessous. Quel destin extraordinaire, Zita ! Avec une telle somme, les projets… les perspectives… tout s’ouvre à toi.
Voyant cela, Denis se crispe et pose à son tour une main « amicale » sur l’épaule de Zita.
Denis, d’un ton détaché. Oui… et puis… une telle fortune… il faut aussi savoir la protéger. Choisir des conseillers avisés… des amis fidèles.
Irène, comprenant ce qui se passe, à part. C’est drôle… tout à l’heure, elle n’était qu’un sujet de plaisanterie… et maintenant, on lui accorde autant d’attention qu’à un chèque signé sans ordre.
Zita, à Irène. Qu’est-ce que tu dis ?
Irène, pincée. Je disais que la dernière fois que j’avais vu un tel attroupement autour d’une femme, c’était pour la Joconde.
Zita, jouant la colère. Eh ! La Joconde n’a pas trente millions !
Irène. Elle les vaut largement.
Zita. Mais elle ne peut pas les dépenser !
David, avec une certaine chaleur. Tu sais… si tu as besoin d’aide pour gérer cette somme… je pourrais…
Denis, le coupant. Il est banquier, certes, il pourrait t’aider… mais paradoxalement, moins que moi !
Zita éclate de rire, décontenançant les deux hommes.
Irène. C’est pathétique. Vous voilà deux coqs de basse-cour autour d’une poule aux œufs d’or… Vous oubliez qu’il y a des gens ici qui n’ont pas besoin d’un chiffre sur un compte en banque pour exister.
Zita est visiblement amusée par cette sortie remplie de jalousie. Elle semble changer physiquement, et affiche maintenant une sorte de grâce, un port altier. Elle s’installe dans le canapé, comme une reine. Denis et David sont debout, légèrement penchés vers elle. Irène, à l’écart les observe.
Zita. Trente millions… c’est lourd à porter, c’est vrai. Je me demande bien à qui je pourrais en confier une partie… histoire d’en faire quelque chose d’intelligent.
Irène, à part. Il est vrai que si elle compte sur ses ressources propres pour en faire quelque chose d’intelligent…
Denis. Eh bien… tu le sais, j’ai une grande expérience pour ce qui est de l’analyse, de la prévoyance… Les lettres forment l’esprit… et un esprit bien formé, c’est un esprit prudent.
David. Tu peux aussi choisir quelqu’un dont c’est vraiment le métier de faire fructifier un capital. Quelqu’un qui ne se contente pas de publier des essais vendus à trois exemplaires.
Denis se fige mais garde un sourire crispé.
Denis. Ou quelqu’un qui ne voit pas l’argent simplement comme une suite de chiffres dans un tableur Excel mais plutôt comme une responsabilité morale.
David. Ah la morale… cette excuse des perdants…
Zita, ravie, a suivi cet échange comme on regarde un match de tennis.
Irene. Non mais vous vous entendez ? Deux prédateurs qui se disputent un os !
Zita, moqueuse. Ce n’est pas un os, Irène… c’est un lingot !
Ensemble |
Denis. Zita, sincèrement, je crois qu’il…
David. Est-ce qu’on pourrait sérieusement…
Zita lève la main pour les faire pour les faire taire.
Zita, avec autorité. Messieurs, je vais réfléchir. Et vous savez quoi ? Peut-être que je choisirai le plus drôle.
Elle les regarde tour à tour avec un sourire qui les met mal à l’aise. Denis et David échangent un regard plein de défiance.
Denis. Bien reçu, Zita, pas un mot de plus.
David. Pas un mot. Absolument.
Une demi-seconde de silence.
Denis, se tournant vers Zita. C’est vrai qu’il est rare de rencontrer quelqu’un qui ait… qui ait cette lumière dans le regard.
David, enchaînant, sans prêter attention à Denis. Oui… et cette capacité… unique… à illuminer une pièce, juste en y entrant.
Irène, sèche. Si vous pouviez m’épargner cette poésie de supermarché.
Denis, sec, à son tour. Irène… tu n’es pas obligée de tout commenter.
David, avec un sourire pincé. Oui et puis… certaines choses ne s’expliquent pas.
Zita, soupirant, faussement gênée. Oh, arrêtez… vous me faites rougir.
Denis. C’est qu’il y a en toi, Zita, plus qu’une simple femme, en réalité…
David, le coupant. N’ayons pas peur des mots, Zita, il y a en toi un destin.
Irène, amère. Un destin avec un compte en banque, surtout.
Denis. Irène, enfin, quelle vulgarité !
David, à Zita. Ne l’écoute pas. Elle ne comprend pas cette alchimie rare.
Zita, prenant un air faussement sérieux. Bon… puisqu’apparemment je suis un destin, une lumière et je ne sais quoi d’autre… Essayons d’y voir plus clair.
Denis, au garde-à-vous. Je t’écoute.
David, vif comme l’éclair. Nous t’écoutons.
Zita, prenant son temps. Eh bien voilà… Imaginez qu’avec mes nouveaux millions, je me paye le luxe de m’offrir une île déserte sur laquelle je me ferai construire une magnifique villa. Mais attention, pas le genre de villa dans laquelle on donnerait des fêtes avec des centaines de convives, ça non, trop agité… Une villa très confortable, très agréable, mais faite juste pour moi et une seule autre personne. Lequel de vous deux me serait le plus indispensable ?
Denis. Moi, Évidemment ! Je pourrais te réciter de la poésie pendant des heures… et te tenir compagnie avec des conversations intelligentes.
David. Parfait pour mourir d’ennui au bout de deux jours ! Avec moi, ton séjour sera paradisiaque. Je saurai gérer les approvisionnements, mener les négociations avec les fournisseurs, les prestataires, le personnel, assurer ta sécurité et optimiser ton confort.
Denis. « Optimiser ton confort » ? Zita a besoin d’un compagnon, d’une épaule, pas d’un gérant de village vacances.
David. Et toi ? Tu crois que c’est avec un recueil de poèmes que tu vas filtrer l’eau de la piscine ?
Irène. Non, mais avec des égos si épais, on pourrait assécher toute la nappe phréatique !
Denis, sans la regarder. Irène…
Zita. Chut ! Laissez-moi savourez ce moment !
David. Avec moi, tu aurais tout ce que tu veux sans même lever le petit doigt !
Denis. Avec moi, tu aurais tout ce que tu n’aurais jamais su pouvoir aimer !
Zita, les regardant tour à tour, les yeux pleins d’étoiles. Mmmh… Décidément… ça va être très compliqué de choisir.
David, soudain sérieux. Zita… si tu veux vraiment « réfléchir », comme tu disais, tu devrais voir tout de suite comment sécuriser cet argent.
Zita, faisant mine de s’inquiéter. Oh… tu crois qu’il y a un risque ?
David, l’attirant à lui, baissant la voix. Il y a toujours un risque, surtout avec trente millions. Je peux t’expliquer les options, te montrer comment placer ça intelligemment… Cinq minutes, pas plus, sur le balcon, à l’air frais.
Denis. Cinq minutes, et vingt-cinq ans d’hypothèques derrière, j’imagine.
David, avec détachement. Ou bien je ne t’explique rien et on laisse les vautours se frotter les mains.
Zita, regardant David, amusé. Bon… allez, montre-moi. Mais je préviens : je n’y connais rien.
David, l’entraînant vers le couloir. C’est encore mieux. Je pars d’une feuille blanche.
Denis. Pour aboutir à un compte vide ?
Zita. Ne bouge pas Denis, j’arrive !
Zita et David sortent par le couloir. Denis et Irène sont maintenant seuls. Irène reste debout, droite comme une cariatide. Denis tente un sourire maladroit, encore agacé par la sortie de Zita et David.
Irène, tranchante. Alors c’est donc ça, Denis ? J’ai connu un professeur de Lettres, un amoureux des mots… et je retrouve un pique-assiette de vernissage prêt à vendre ses principes pour un ticket de loto gagnant !
Denis. Tu exagères… J’avais mal jugé Zita. C’est une personne fascinante.
Irène, acide. Bien entendu ! (Elle ricane.) Zita est fascinante ! Tout à l’heure, tu la regardais encore comme une faute de goût, une tache sur une robe de grand couturier !
Denis, souriant légèrement. Fascinante, oui. Parce que ce soir, j’ai découvert autre chose qu’une « faute de goût », comme tu dis. J’ai vu une vivacité brute… une spontanéité qu’aucun vernissage compassé ne saurait produire.
Irène. Ou alors une promesse de trente millions qui rend soudain les défauts charmants.
Denis. Et toi ? Tu n’étais pas la dernière à critiquer chaque syllabe qu’elle prononçait… Tu as le mépris social chevillé au corps !
Irène. Je ne méprise pas. J’analyse. Je distingue.
Denis. Comme on distingue un canapé designé par Bertone d’un tabouret de cuisine acheté en promotion chez But. Sauf que parfois, le tabouret a plus de valeur qu’on ne le croit.
Irène. Bravo, tu trouves de magnifiques excuses à ton hypocrisie. Il y a dix minutes, tu faisais des traits d’esprit à ses dépens. Maintenant, tu feins d’admirer la médiocrité la plus crasse. Mais tu feins mal.
Denis. Feindre ? Non. Constater. Ce que tu appelles « médiocrité » est peut-être la chose la plus authentique de cet appartement. Et j’avoue… oui, ça me séduit.
Irène. Ça te séduit, ou ça t’arrange pour mieux masquer ta cupidité ?
Denis. Tu trouves ton attitude plus reluisante ? Rappeler à chaque phrase que tu es « au-dessus », comme si l’art t’avait donné un titre de noblesse héréditaire ?
Irène, froide. Je n’ai pas besoin de trente millions pour exister.
Zita revient.
Zita. David a finalement trouvé une bouteille de champagne dans la cuisine !
Denis. Tiens, où ça ?
Zita. Dans le frigo !
Denis, feignant de s’en rappeler. Ah oui, c’est là que je l’avais rangée !
Zita. Par contre, on ne trouve pas de coupes.
Denis, soudain empressé. Je m’en occupe.
Il sort.
Irène, sans préambule. Zita, tu te rends compte de ce qui se passe ? Denis et David te tournent autour comme deux mouches sur une confiture oubliée au soleil de midi.
Zita, tentant de sourire. Puisque tu m’en parles…
Irène, la coupant. Et toi tu les laisses faire. Pire, tu sembles t’en amuser.
Zita. Mais je voulais justement te dire que…
Irène, haussant la voix, implacable. Ce ne sont pas des hommages, Zita, ce sont des calculs. Tu crois vraiment qu’un professeur de Lettres et un banquier se découvrent en un instant une passion pour une fille qui… qui… (Elle cherche ses mots pour ne pas blesser Zita.) qui n’est pas de leur monde ?
Zita. Je sais tout ça, et…
Irène, continuant tel un rouleau compresseur. Si tu n’avais pas gagné ce jackpot, ils seraient encore en train de te lancer des piques, et toi tu serais à la cuisine en train de chercher des cacahuètes !
Zita. Toi aussi tu serais en train de me lancer des piques.
Irène, surprise par cette attaque. Sans doute… (Se reprenant.) Pour eux, tu n’es plus une femme à séduire, tu es un coffre-fort à vider. Et moi, on me met sur la touche.
Zita. Tu comprends ce que j’ai vécu en début de soirée.
Irène, lui accordant ce point. Certes… en tout cas, je ne vais pas supporter ça sans rien dire. Je m’en vais. (Elle rassemble ses affaires.)
Zita, à voix basse. Attends, Irène, j’ai à te parler. Ce que je vais te dire, tu es la seule à pouvoir l’entendre.
Irène. Quoi ?
Zita, avec timidité. Je n’ai pas gagné au loto. Pas un centime. C’est un mensonge.
Irène, après un temps. Pardon ?
Zita, plus assurée. J’ai inventé tout ça pour observer, pour tester. Savoir si Denis venait vers toi pour toi… ou pour ton carnet d’adresses. Et savoir ce que David avait vraiment en tête.
Irène, éclatant franchement de rire. Mais c’est brillant, Zita. Complètement brillant ! (Se rapprochant de Zita, à voix plus basse.)Tu sais quoi ? Je retire tout ce que j’ai dit sur toi ce soir. Jamais je n’aurais eu la finesse ni le culot de jouer un tel jeu.
Zita, amusée. Et toi, tu changes d’avis bien plus vite que je ne l’aurais imaginé…
Irène, avec un sourire complice. Puisque tu m’as confié ton secret, je vais te rendre la pareille. Denis et David avaient… une sorte de pacte.
Zita. Un pacte ?
Irène. Oui. Denis devait avoir le champ libre avec moi, et David s’engageait à ne pas me courtiser.
Zita, d’abord abasourdie puis, souriant. Et dire qu’ils se croient subtils…
Irène, riant. Eh bien, on va les laisser le croire. Et on va voir jusqu’où Denis est prêt à s’enfoncer dans ses grandes déclarations.
Zita, avec les yeux pétillants. Tu comptes m’aider à alimenter le moulin ?
Irène, légère mais déterminée. Mieux que ça : je vais t’offrir de quoi le faire tourner à plein régime.
Denis et David font une entrée triomphale : David en tête, bouteille à la main, devant Denis avec quatre flûtes.
David, d’un ton victorieux. Mesdames, voici la pièce maîtresse de la soirée. Un Krug 2000.
Irène, jouant la surprise. Tiens donc ! Denis, tu avais oublié que tu avais ça en magasin ?
Denis, gêné. Pas oublié… j’attendais l’occasion idéale…
David, trop heureux de cette perche. Et l’occasion idéale, apparemment ce n’était pas ce soir !…
Denis, s’embrouillant. Non, ce n’est pas ce que je voulais dire…
Zita, regardant la bouteille. C’est splendide !
Irène, souriant. Splendide comme celles qui savent se faire désirer…
Denis, se rapprochant de Zita. Une bouteille d’exception pour une personne d’exception.
David, ne cédant aucun pouce de terrain. Et servie par quelqu’un qui connaît la vraie valeur des choses.
Irène, jouant l’innocence. Oh, mais il me semble que Zita attire toujours ceux qui « connaissent la vraie valeur des choses », n’est-ce pas ?
Zita, sourire complice à Irène. On dirait bien.
Denis, se rapprochant de Zita. Je suis sûr que ce millésime sublimera encore davantage son éclat.
David. Encore faut-il que la main qui verse sache rester délicate.
Irène. Ah la délicatesse ! C’est tout un art. Peu d’hommes savent vraiment la manier.
Denis, main sur la bouteille de champagne. Je m’en occupe, David.
David, même jeu. Ne t’inquiète pas, je maîtrise.
Zita. Je devrais peut-être servir moi-même ?
Irène, malicieuse. Oh non, regarde-les… ils sont en train de se battre pour l’honneur. Ce serait dommage de briser leur élan.
Les deux hommes, pris au piège, se forcent à sourire tout en s’acharnant à tenir la bouteille. L’un la tire à lui, l’autre la retient.
Zita, riant. Je crois qu’on va couper cette bouteille en deux.
Irene. Deux hommes pour une bouteille et une seule reine. Quelle belle image.
Zita. Attention, une bouteille secouée, ça peut faire des dégâts !
David. Comme le cœur d’un homme troublé par ses sentiments…
Denis, qui a réussi à reprendre la bouteille. Mesdames, voici le grand cru qui met fin au règne tragique du cidre anémique.
David, reprenant à son tour la bouteille. Grand Cru que j’ai déniché, soit dit en passant. Parce que certains oublient les vrais trésors au fond de leur placard.
Denis. Dans mon placard, David. Placard auquel je vous ai généreusement laissé accès, pour que tu puisses t’y égarer.
David fait sauter le bouchon avec fracas.
Denis et David veulent tous les deux servir Zita en même temps. Leurs mains se cognent, le goulot claque contre le verre. Une goutte atterrit sur le poignet de Zita.
Irene. Doucement ! À ce rythme, vous allez la baptiser, elle qui n’est pas croyante…
Zita, souriant. Je vais peut-être le devenir… Et puis c’est agréable, c’est frais.
Finalement, après une sorte de cohue, tout le monde finit par avoir un verre.
David, levant son verre. À notre resplendissante gagnante, dont l’éclat surpasse celui de ce millésime.
Denis, levant son verre. À notre muse éblouissante, dont la conversation est plus légère et raffinée que les bulles de toutes les caves de Reims réunies.
David, à Zita. Samedi soir, j’ai un gala caritatif. Ça te dirait de m’accompagner ? Robe longue, projecteurs, champagne à flot…
Denis, à Zita. Samedi soir, j’ai un dîner littéraire organisé par le Cercle du Livre. On évoquera Victor Hugo, on récitera Verlaine et Rimbaud, on refera le monde.
Zita. Oh je…
David. Dimanche, sortie en mer. Un voilier, le soleil, un jus de fruits frais, rien que nous deux.
Denis. Dimanche, expo privée au Musée des manuscrits Anciens. Je te présente le conservateur, un homme délicieux et discret.
Irene, amusée. Allez au musée en bateau et faites boire des jus sans conservateurs au conservateur.
Denis et David se rapprochent encore, l’un de chaque côté de Zita, formant littéralement un étau.
Zita, d’une voix étranglée. Messieurs…
Denis. Lundi, lecture privée chez mon éditeur. Juste toi et moi… et les voyelles silencieuses.
David. Lundi, déjeuner au Club des Investisseurs. Rien que toi et moi… et des investissements pour faire fructifier ton capital.
Denis. Au Club des Investisseurs ? Ce n’est pas pour elle ! Zita est poésie pure, c’est une allée de tilleuls au printemps !
Zita. Voilà une image très parfumée…
Irène. Et très années 1890.
David. Moi, je préfère imaginer Zita sous les palmiers d’Ibiza. Cocktails, yacht privé, lever de soleil…
Denis. Plutôt un dîner à la chandelle, au calme, dans un endroit raffiné, loin du commun, avec quelques sonnets en guise d’entremets.
Zita, riant. Et le dessert ?
Denis. Forcément sucré, comme toi…
Irène, mordante. Après le parfum, la glycémie !
David, tentant de reprendre la main. Zita, je peux t’ouvrir toutes les portes. Où veux-tu aller ? New York ? Rio ? Tahiti ? Soirées privées ? Carré VIP ? Rooftops ? Vues imprenables ?
Denis. Ou bien les elfes, les fées, les princesses, les dragons, la ccour du Roi Soleil, les jeunes romantiques, les gentlemen cambrioleurs, les passions incandescentes ou encore les garçonnes des années 1930, enfermées dans les pages d’une bibliothèque fermée au public. Choisis le siècle !
Zita, jouant le jeu. Ça dépend du guide…
Irène. Tu as l’embarras du choix : l’un marche au kérozène, l’autre à la littérature !
David, se penchant légèrement vers Zita. Imagine… un brunch sur la Cinquième Avenue. Caviar, champagne, jazz live…
Denis. Ou un après-midi au Jardin du Luxembourg, assis à refaire le monde en écoutant un quatuor à cordes.
Zita. Et si on mélangeait ? Caviar au Luxembourg ?
Irène. Ça s’appelle un mariage mixte !
Zita, Denis et Irène rient.
Denis, plus bas, à Zita. Tu sais… Il y a des rencontres qui effacent toutes les autres…
Il lui tend son verre, leurs mains se frôlent. Zita le regarde un instant, puis pose sa main sur son avant-bras.
Zita, malicieuse. Tu sais… il y a des phrases qui mériteraient d’être gravées… juste pour voir si elles tiendront jusqu’au lendemain.
Irène. Quelqu’un aurait-il un marteau et un burin ? Que je fixe dans le marbre cette citation ô combien mémorable ?
David paraît abattu. Denis, ravi, trinque avec Zita. Puis soudain, David s’empare de la télécommande.
David. Regardez ! Ils vont faire un focus sur la grande gagnante du Super Loto du jour !
Zita et Irène se regardent soudain.
Zita. Oh non, c’est pas la peine, vraiment…
Denis. Si, au contraire ! On te met en valeur !
Irène. Puisque Zita n’a pas envie…
David, montant le son. Voilà… Chut !…
Voix off. Comme promis, nous revenons vers vous avec le portrait de la grande gagnante de notre dernier tirage exceptionnel.
Denis et David sont happés par l’écran de télévision. Zita marque une gêne, tandis qu’Irène sourit.
Voix off. Il s’agit d’une femme de soixante-huit ans…
David et Denis tiquent : Zita est plus jeune. Léger flottement.
Voix off. Ancienne poissonnière, aujourd’hui retraitée…
Denis se crispe, David paraît tomber des nues. Irène se cale dans son fauteuil, avec le sourire qui s’agrandit.
Voix off. Elle consacre ses loisirs aux concours de tricot contre la montre.
Denis et David, éberlués, regardent Zita.
Voix off. Elle demeure à Pissefontaine, au cœur de la Haute-Cagouille.
Denis et David se regardent.
Voix off. Notre grande gagnante : Ginette Bronchu ! Bravo Ginette ! Et à la semaine prochaine pour notre prochain tirage ! (Jingle criard.)
Silence complet. Personne ne bouge. On entend juste le fond sonore du générique de l’émission. Une, deux, trois secondes passent.
Denis, médusé. Ginette… qui ?
David, abasourdi. Non mais… Y a une erreur…
Denis. C’est évident… ! Une inversion de noms. Ça arrive !
Zita, calme, presque amusée. Ah non, il n’y a pas d’erreur. C’est pas moi, la gagnante.
Denis. Pardon ?
Zita. Ben non. J’ai menti. Je n’ai pas gagné au loto. Je n’ai jamais joué. C’était juste pour voir vos réactions.
Irène se met à rire, un rire d’abord discret, qui devient ensuite tonitruant, alors que les garçons se décomposent.
Irène. Ah mais bravo Zita ! Prix d’interprétation féminine de l’année !
Zita lui rend un sourire complice. Les deux femmes se regardent un instant, alliance silencieuse. Les hommes restent figés, encore en état de choc.
Denis. Mais c’est ridicule…
David. Complètement absurde…
Irène. Messieurs, vous devriez envoyer à Ginette votre numéro ! Votre numéro de compte !
Un temps. Denis fixe Zita.
Denis. Alors tu… tu nous as fait une blague ? (Zita acquiesce.) Et tu crois que c’était malin ?
Zita. Je crois surtout que c’était utile.
Denis. Utile ? Ridicule, oui. Tu t’es moquée de nous, tu t’es moquée de moi.
Zita. Je voulais voir. Tester.
Denis. Tester quoi ? Notre patience ? Notre crédulité ?
Zita. Non. Vos intentions.
Denis. Ah ! Magnifique ! Madame se prend pour un sociologue de salon.
Zita. Et toi, tu te prenais pour qui ? Un prince charmant en vieux jean usé ?
Denis. Je n’ai jamais eu l’intention de te séduire.
Zita. C’est vrai. Il t’a fallu croire que j’étais riche pour t’en donner la peine.
Denis, piqué. Je me suis simplement intéressé à toi !
Zita. Oui. Un intérêt qui peut se chiffrer très précisément.
Denis. Tu veux me faire passer pour un arriviste ?
Zita. Pas besoin, tu fais le travail tout seul.
Court silence. Denis serre les lèvres. Irène observe, impassible.
Denis. Tu n’es pas à ta place, ici, Zita.
Zita. Oui, je sais. Mais ce soir, j’ai trouvé la tienne : juste en dessous de la mienne.
Silence lourd. Denis détourne le regard.
David. Irène, au moins, toi tu es vraie.
Denis. Authentique, fascinante…
Irène. Tiens, vous revoilà ! Et soudain, c’est moi qui redeviens intéressante ?
Denis. Tu l’as toujours été.
David. Pour certains plus que pour d’autres.
Irène, en complicité avec Zita. Oh ! J’adore ! Ça recommence fort !
Denis. Je me disais que nous pourrions reparler de ce Turner exposé à la Tate.
David. Ou de la prochaine soirée des Amis de l’Industrie. Tu y croiserais de gens très influents…
Irène, entre amertume et amusement. Fascinant… L’un me vend de la lumière romantique, l’autre du capital social. Je vous en prie, continuez, c’est tellement… complémentaire.
Denis. Je peux t’ouvrir les portes d’un univers d’idées.
David. Et moi, celles qui donnent sur le monde réel.
Denis. Le réel ou la salle des coffres ?
David. Les idées ou la salle de classe ?
Bref silence au cours duquel Irène les regarde tour à tour d’un sourire froid.
Irène. Finalement, vous êtes pareils : l’un empile les citations, et l’autre les zéros. Et dans les deux cas, on se demande si vous ne vous échinez pas à porter ces masques si ennuyeux pour ne pas avoir à vous regarder vous-mêmes. En tout cas, il y a un mot de la langue française qui me vient à l’esprit : opportunisme.
Denis. On a quand même me droit de changer d’avis sur les gens et…
Irène, le coupant. Ah oui, comme ces caméléons qui prennent la couleur du billet le plus proche.
Zita, regardant son téléphone. Oh !
David. Quoi ?
Zita. Voldemort, le chien du concierge. Il s’est fait renversé par une voiture. Il est mort…
Irene. Comme quoi, tout finit par se payer.
Denis. Et toi Irène, tu te prends pour qui ? Une grande prêtresse de la sincérité ?
Irene. Non, je me prends juste comme quelqu’un qui aimerait être considérée pour ce qu’elle est, pas pour ce que les gens peuvent en tirer, pas pour un trophée qu’on exhibe à la face du monde.
Irène se tourne vers Zita. Regard appuyé, demi-sourire.
Irene. Viens. On n’a rien à faire ici.
Zita, répondant à son sourire. Exact !
Irene. Restez entre hommes, avec votre insatiable envie de toujours vouloir gagner, ça vous ira très bien.
Elles sortent ensemble par l’entrée. Bruit de porte qui s’ouvre et se referme. Denis reste figé.
Denis. Je… Elles sont parties ?
David. Tu vois bien…
Un silence lourd tombe dans la pièce.
Denis, s’animant soudain. Au fait : merci pour ta loyauté !
David. J’ai dû rater le moment où j’ai signé un contrat à vie…
Denis. On avait un pacte.
David. Toi et tes pactes… toujours persuadé que les autres vont respecter les règles que tu inventes.
Denis. Tu as essayé de séduire Irène, malgré tout.
David. « essayé »… J’aime ton sens de la nuance.
Denis. Je passe sur Zita… Tu trouves ça élégant ?
David. Élégant, non. Satisfaisant, oui.
Un bref silence. Denis le scrute.
Denis. Pourquoi ?
David, haussant le ton. Parce que je ne suis pas moins bien que toi, Denis Contrairement à ce que tu penses depuis le collège.
Denis, condescendant. J’exagère si je dis que tu dramatises ?
David. Pas vraiment : je peux encore lire ce mépris dans ton regard. Il y a une lueur similaire dans celui d’Irène.
Denis. C’est faux.
David, un temps, plus dur. Tu me méprisais du haut de tes airs d’adolescent plein de réussite scolaire et de morgue. Et tu continues aujourd’hui avec tes airs de professeur distribuant les bons et les mauvais points. La banque, c’est tellement moins noble que les Lettres. Tellement plus vulgaire. Mais bon, je peux encore te servir de temps en temps, n’est-ce pas ? Quand il s’agit d’obtenir de l’argent ou de séduire une femme.
Denis. Si tu penses que je vais m’excuser…
David. Tu ne sais rien de moi. Tu savais que j’avais vécu un an avec Élise ?
Denis. Élise… la peintre ?
David. Eh oui ! (Ironique.) Un banquier avec une artiste, tu te rends compte ? Une fille incroyable. Et puis elle est partie. Elle m’a laissé une lettre dans laquelle elle me disait que j’étais un garçon merveilleux, etc. Et puis elle me disait aussi qu’elle me quittait. J’ai eu mal. Tu as remarqué quelque chose ? Non. Mais je n’attends rien de toi. (Un autre silence, bref.) Avoir l’impression que j’allais te prendre Irène, c’était tellement plus savoureux que de recevoir un virement à sept zéros.
Un lourd silence. David sort par l’entrée. Bruit de porte qui s’ouvre puis se referme. Denis reste seul, immobile. Il sort son téléphone, scrolle quelques instants puis s’arrête. Il semble intéressé par quelque chose. Puis il appuie sur quelques touches et met son téléphone à l’oreille.
Denis, au téléphone, voix chaleureuse et faussement spontanée. Allô Élise ? Comment vas-tu ? Ça fait plaisir de t’entendre ! … Oui, trop longtemps ! Combien ? … oh… Trois ans ? Tant que ça ? Comme le temps passe !… C’est fou… Hein ? Et tes toiles, ça marche ? eh bien figure-toi que sur mon fil je suis tombé sur ton post. Oui, celui où tu dis que tu as deux invitations pour samedi soir, et que tu cherches quelqu’un pour t’accompagner… Par contre, je n’ai pas très bien compris… Qu’est-ce que c’est exactement ? Le Gala des mécènes à l’Hôtel de Lauzun ? Wouah… c’est… n’ayons pas peur des mots : c’est épatant. Je suppose que les copains se sont précipités pour te tenir compagnie ? … Non ? Personne n’a tenté sa chance ? Eh bien, en ce cas, je t’offre mes services comme chevalier-servant. (Un temps.) Merveilleux !… Comment ? Un smoking ? Pas de problème… Très bien… alors à samedi ! Je t’embrasse ! (Il raccroche et se redresse, comme galvanisé. Il prend alors une coupe de champagne encore pleine, trinque avec toutes les autres et boit quelques gorgées. Il reprend son téléphone et compose un autre numéro. Ton poli, amical, comme si de rien n’était.) David ? On ne va quand même pas rester fâchés ? (Un temps.) Non, pas de rancune. Les vraies compétitions méritent un terrain neutre. (Petit rire.) Non, pas ça… Bowling. (Hochement de tête comme s’il confirmait à son interlocuteur.) Exactement. Une piste lisse, pas d’embardées… Enfin… pas d’embardées… À condition de savoir lancer la boule… C’est pas trop ton fort, non ? (Un temps.) Comment ? Ton agenda est chargé ? (Ironique.) Chargé de quoi ? De soirées libres ? Ça sent l’excuse, ça… (Bref silence.) Bien sûr… je comprends… (Voix plus basse, complice et piquante.) Alors viens. Et prépare-toi : je vais t’écraser. (Un temps.) Quoi ? Toi ? C’est toi qui vas gagner ? Ça m’étonnerait… Ce sera moi. Non, moi. Moi. Moi, moi, moi ! (Un temps.) Eh bien on verra. Vendredi soir ? Parfait ! À vendredi ! Ah au fait, je te raconterai : je vais à un gala avec Élise ! Oui ! Allez, bonne soirée !
***
FIN
DE
Une Soirée avec quelques ami·e·s
Des questions ? Des remarques ?
Écrivez-nous : contact@rivoireetcartier.com
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