Comédie gastronomique modulable
Une comédie qui se joue allegro et appassionato !
Accordez-nous moins d’1h30 de lecture et découvrez comment faire entrer votre public dans l’univers des hôtels de luxe peuplés par les grands de ce monde (même si vous avez peu de moyens).
Donnez à votre public un divertissement cinq étoiles !
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On a 3 questions rapides à vous poser :
🆘 Est-ce que vous avez assez de tomber sans cesse sur des textes qui ne correspondent jamais à votre répartition femmes/hommes ?
🆘 Est-ce que vous n’en pouvez plus de ces pièces où les scènes tirent en longueur ?
🆘 Est-ce que vous faites partie des personnes qui détestent ces comédies mettant en scène des personnages au langage relâché ?
Les compagnies qui ont monté Hôtel Beaumanoir ont répondu oui à au moins deux questions : vous n’êtes plus seul-e !
Résumé de la pièce : À l’Hôtel Beaumanoir, le client est roi. Cependant l’établissement est sous tension : la direction apprend qu’un critique touristique, anonyme, est dans l’hôtel. Cette vénérable maison va-t-elle garder ses cinq étoiles ?
En accédant au texte intégral d’Hôtel Beaumanoir, vous obtiendrez un fichier pdf de 78 à 94 pages pour un poids ultra-réduit entre 648 ko et 717 ko. Le fichier est donc très facilement téléchargeable sur votre téléphone, votre ordinateur, votre tablette et imprimable à volonté. La mise en page vous permettra de noter sur le texte toutes les indications et notes de régie que vous jugerez utiles.
Avec « Hôtel Beaumanoir » vous découvrirez :
✅ une comédie faisant avancer de front 4 intrigues, relançant sans cesse l’intérêt des spectateurs
✅ un style volontiers loufoque, déchaînant les rires du public
✅ des personnages au bord de la folie, donnant aux interprètes l’opportunité de jouer des sentiments hauts en couleur, qui marqueront les spectateurs
✅ une pièce aux très nombreuses distributions possibles, s’ajustant avec plasticité aux effectifs de votre compagnie
✅ une comédie de théâtre qui s’achève par une réflexion sur le théâtre, proposant au public plus qu’un divertissement : un nouveau regard sur la vie
✅ un espace scénique simple, pratique pour le montage et la diffusion du spectacle
Hôtel Beaumanoir a été plébiscité par plusieurs compagnies ces dernières années :
🎭 Le Groupe Artistique de Moret, Seine-et-Marne, 2022
🎭 La troupe de Scaldinium du Foyer Jacques Brel, Nord, 2022
🎭 Le Club Théâtre IMT Nord Europe, Nord, 2023
🎭 La Compagnie l’Étoile filante, Val-d’Oise, 2023-2024
🎭 L’Association Imagine, Jura, 2024
Bonne nouvelle : la lecture, le téléchargement et l’impression d’Hôtel Beaumanoir sont totalement gratuits !
Intéressé-e ? Téléchargez gratuitement le texte d’Hôtel Beaumanoir.
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- Version 2F/8H
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- Version 5F/5H
- Version 6F/4H
- Version 7F/3H
- Version 8F/2H
- Version 9F/1H
Attention, cependant : cette pièce est fortement déconseillée aux personnes qui n’aiment pas les ultra-riches !
Prêt·e à monter Hôtel Beaumanoir avec vos comédiens ?
Faites la déclaration en ligne via la SACD :
👉 Faire la demande d’autorisation sur le site de la SACD
Questions fréquentes sur Hôtel Beaumanoir
Est-ce une comédie de mœurs, de situation ou de caractère ?
Les trois à la fois ! Hôtel Beaumanoir jongle entre quiproquos dignes d’un Feydeau, satire sociale façon boulevard doré, et galerie de personnages délicieusement fêlés. Chaque scène est un ascenseur émotionnel qui monte… puis retombe avec panache.
Peut-on la jouer avec une petite troupe (ou au contraire, une troupe nombreuse) ?
Absolument. La pièce a été écrite comme une suite de chambres communicantes : on peut ouvrir ou refermer des portes à volonté. Vous êtes 7 ? Parfait. Vous êtes 14 ? Mieux encore. Les auteurs ont prévu une « distribution modulable » où chacun trouve sa clé de chambre.
Pourquoi les spectateurs rient-ils autant ?
Parce que tout le monde rêve d’observer les riches en peignoir. Et que sous le vernis, ils découvrent leurs propres travers. Le rire ici est une loupe : il grossit les ridicules jusqu’à les faire exploser.
Pour quel type de public ?
Pour tous ceux qui aiment les comédies rythmées, exigeantes et jubilatoires. Les plus jeunes rient des situations, les adultes savourent les sous-entendus… et les metteurs en scène se régalent de la mécanique.
Hôtel Beaumanoir a été créé en 2022 par le Groupe Artistique de Moret.

La Compagnie a présenté un mix entre la version pour 17 interprètes et la version 4F/3H.


À l’automne 2023, la Compagnie de l’étoile filante a proposé une nouvelle version de la pièce, partant de la version pour 17 interprètes et la retravaillant.












Extrait d’Hôtel Beaumanoir
Personnages
Chambord, directeur de l’Hôtel Beaumanoir, guindé et obséquieux.
Monsigny, maîtresse d’hôtel, sèche et droite comme un i.
Duroc, propriétaire de l’Hôtel Beaumanoir, très nouveau-riche.
Engels, cheffe de cuisine, forte en gueule.
Barbarency, client-e habituel-le très bien élevé-e.
Montserrat, cantatrice exubérante.
Renaud, critique musical cultivé.
Maria, répétitrice de Montserrat, discrète.
Raoul, groom, sans façons.
Brinton, membre de la Société des comment dirais-jistes.
Grinton autre membre de la Société des comment dirais-jistes.
Souza, room service.
Sweet, nouveau client-e, naïf/naïve.
Montjoie, client-e, dans la panade.
Joubert, valet ou femme de chambre, de l’à-propos.
De Barry, client-e, dérangé-e.
Verberie, serveur ou serveuse, agile.
NOTE
- Les interventions de Sweet, Montjoie, Joubert, De Barry et Verberie sont autonomes et peuvent être coupées sans gêner le bon déroulement de la pièce.
- Plusieurs rôles peuvent être joués par un-e même acteur/actrice.
- Les rôles de Duroc, Barbarency, Souza, Sweet, Montjoie, Joubert, Barry et Verberie peuvent indifféremment être joués par des hommes ou des femmes.
Le décor
Le hall de L’Hôtel Beaumanoir. Un panneau « Hôtel Beaumanoir ». Canapé(s), fauteuil(s), accès aux chambres, au restaurant, mobilier et décoration ad libitum.
Au lever du rideau, Monsigny est seule en scène. Habillée de manière stricte, elle consulte un document. Sortant du restaurant, paraît Engels, en tenue de cuisine.
Monsigny, avec douceur. Ah, cheffe, bonjour.
Engels, sans chichi. Bonjour, Mme Monsigny.
Monsigny. J’étais justement en train de regarder la carte.
Engels. Un problème ?
Monsigny. Aucun. Merveilleuse carte, vraiment. Pourtant…
Engels. Pourtant ?
Monsigny, hésitant un peu. Pourtant j’avoue que j’aimerais qu’on y réintègre notre Vol-au-vent Richelieu.
Engels. Le Vol-au-vent Richelieu ?
Monsigny, avec gourmandise. Oui, vous savez : c’est une croûte en pâte feuilletée garnie d’un riz-de-veau en béchamel, avec une pointe de soubise que vous…
Engels, sans attendre la fin de la phrase. Je sais faire le Vol-au-vent Richelieu, merci.
Monsigny. Alors pourquoi vous ne le faites plus ?
Engels. Ça date de Mathusalem.
Monsigny. Vous exagérez, ça date de la fondation de l’Hôtel Beaumanoir.
Engels. C’était en 1862 !
Monsigny. Justement, ça fait partie de l’identité de l’établissement !
Engels. L’identité de l’établissement, je suis justement là pour la changer ! D’ailleurs je viens de mettre au point un nouveau plat… ça va pulser !
Monsigny, avec suspicion. Un nouveau plat ? De quoi s’agit-il ?
Engels, avec fierté. Un jarret de porc mangue chocolat.
Monsigny, avec horreur. Du porc mangue chocolat ?
Engels, avec effronterie. Du porc mangue chocolat.
Monsigny, sentant la panique monter. Mais… mais… ça va faire fuir tous les clients !
Engels. Ça fera fuir les vieux !
Monsigny. Ils représentent ¾ de notre clientèle ! Et puis ils sont déjà suffisamment perdus comme ça.
Engels. Perdus ? Nos clients sont perdus ?
Monsigny. Ils ne sont pas perdus, ils sont traumatisés ! Et on le serait à moins. (Lisant la carte ) « Crème de dinde et sa mousseline de navet vanille. » « Tiramisu foie de veau caramel ».
Engels, sans concession. C’est nouveau.
Monsigny. C’est le bordel, surtout.
Engels, levant un sourcil. Le bordel ?
Monsigny. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ! (Désignant la carte ) On dirait que les desserts se sont éparpillés façon puzzle dans les entrées et les plats !
Engels, avec une logique imparable. Ça plait.
Monsigny. Pas tant que ça, si j’en juge par vos faits d’armes : juste après votre passage, tous les établissements où vous avez officié ont fermé !
Engels, avec gêne. C’est le contrepet.
Monsigny, sans comprendre Le contrepet ?
Engels. Le contrepet.
Monsigny, revenant à la charge. L’Hôtel de la Poule qui mue ? Fermé !
Engels, avec gêne. Le directeur disait sans cesse : « Bienvenue à La Moule qui pue ! »
Monsigny. Aux Bien Belles Frites, fermé !
Engels. Les clients l’appelaient Aux Bien Frêles Bites…
Monsigny. Et L’Hôtel des voyageurs ? Fermé lui aussi ! Vous n’allez pas encore me faire le coup du contrepet ? (Réfléchissant ) Je ne vois vraiment pas ce qu’on peut faire comme contrepèterie avec Hôtel des Voyageurs…
Engels. Vous avez raison, on ne peut en faire aucune. Mais à chaque fois que la patronne servait les tomates farcies et disait « Goûtez-moi cette farce », les clients murmuraient « Foutez-moi cette garce » …
Monsigny, avec incrédulité. Et vous voulez me faire croire que ça a entraîné la fermeture ?
Engels. La clientèle, très collet-monté, ne tenait plus à entendre ces gauloiseries…
Monsigny. En tout cas, vous n’avez pas l’air de porter chance… Donc, vos suggestions pour la carte, oubliez, et laissez faire ceux qui maîtrisent l’histoire de l’Hôtel Beaumanoir.
Engels, éclatant. Vous n’êtes qu’une pièce de musée !
Monsigny, éclatant à son tour. Et vous, vous n’êtes qu’une grande gueule qui se fiche de l’avis du client !
Engels. Vous n’avez aucun pouvoir sur la carte ! Vous n’êtes que maîtresse d’hôtel !
Monsigny. Vous avez raison ! C’est Duroc qui vous a voulue, c’est Duroc qui tranchera !
Engels, criant. Parfait !
Entre Chambord, tiré à quatre épingles.
Chambord. Doucement ! On va vous entendre dans tout l’hôtel !
Engels. J’attends M/Mme Duroc.
Chambord. Eh bien allez l’attendre en cuisine ! Je ne voudrais pas que des clients vous trouvassent là… Ce n’eût pas été digne du standing de l’Hôtel Beaumanoir.
Engels. Comme vous voulez… (Avec discrétion ) Au fait, M. Mastard m’a fait une demande particulière…
Chambord. Mastard ? Il vous parle ?
Engels. Allez savoir pourquoi, il m’aime bien. (Avec intention ) Après le service, il me demande toujours pour me féliciter au sujet de mon Tiramisu foie de veau caramel…
Chambord. Et que vous a-t-il demandé ?
Engels, avec gêne. Il aurait voulu… dans sa chambre… en soirée… un peu de compagnie.
Chambord, sans comprendre. Eh bien il n’a qu’à descendre à l’auditorium. Nous accueillons un très intéressant congrès, et je ne doute pas qu’il puisse rencontrer…
Engels, sans attendre la fin de la phrase. Il faisait allusion à une compagnie… tarifée…
Chambord, toujours sans comprendre. Tarifée ?
Engels, lâchant le morceau. Une pute, quoi.
Chambord, réagissant avec rapidité et violence. Oh ! Une ?… une ?… mais c’est… c’est… comment ose-t-il ! Une péripatéticienne ! Ici, à l’Hôtel Beaumanoir ! Il n’en est pas question ! Alors la prochaine fois qu’il vous demande une… une…
Engels, simplement. Une pute ?
Chambord, les yeux exorbités, chuchotant. Taisez-vous ! Si on nous entendait… Bref, vous m’appelez !
Engels, regardant Chambord d’une drôle de façon. C’est vous qui vous occuperez de lui ?
Chambord. Je lui expliquerai, en tant que directeur de cette maison, qu’ici, nous sommes dans un hôtel cinq étoiles et pas dans un claque ! Nous avons gagné chacune de nos étoiles à la force du poignet !
Engels, avec un sous-entendu égrillard. Je crois que M. Mastard ne dédaignerait pas quelqu’un travaillant à la force du poignet…
Chambord. Assez ! Je ferai tout pour garder ces cinq étoiles, dussé-je verser mon sang ! En attendant, je vous recommande trois choses : excellence, excellence, excellence !
Engels. C’est noté.
Elle sort par l’accès au restaurant.
Monsigny, à part, alors qu’Engels sort. Est-ce qu’on peut faire une contrepèterie avec Hôtel Beaumanoir ?
Entre Duroc avec précipitation.
Monsigny. Ah ! M/Mme Duroc ! Il faut que je vous parle…
Duroc. Plus tard ! Ah mes enfants… j’ai couru pour venir jusqu’ici… j’en ai les jambes coupées !
Chambord. Asseyez-vous, voyons…
Duroc. Je ne sais pas si je vais arriver à reprendre mon souffle…
Monsigny. Il faut boire quelque chose. (Claquement de doigt.)
Duroc. Voyons… par où commencer ?…
Chambord, alors qu’un verre d’eau est apporté à Duroc. Par le commencement, tout simplement…
Duroc, après avoir bu. Bien… Le commencement… Tout d’abord, permettez-moi de vous dire ma fierté devant le travail accompli. Vous avez su faire de cet établissement une référence : nos cinq étoiles en sont la preuve. Mais aujourd’hui, j’ai peur.
Monsigny. Peur ?
Duroc. J’ai hérité cet hôtel de mon arrière-grand-père. Il était tombé en ruine. Grâce à vos efforts, nous avons transformé cette vieille auberge de campagne en un merveilleux hôtel, chic et distingué…
Chambord. Pourquoi rappeler le passé ? Les souvenirs resteront intacts.
Duroc. Je sais… je sais que vous savez… mais je tenais à ce que vous sachiez que je sais, que je sais que vous savez, mais aussi que vous sachiez que je sais que vous savez…
Monsigny. J’ai un peu de mal à suivre…
Duroc. Toujours est-il que vous avez beaucoup donné, bien au-delà de vos attributions habituelles… menuiserie, plâtrerie, maçonnerie, usage de vos charmes…
Chambord. Usage de vos charmes ?
Duroc. Quand il s’est agi d’obtenir le soutien de la municipalité…
Chambord, avec gêne. Je vous en prie. Comme si nous nous étions… (Il n’arrive pas à prononcer le mot « prostitués ».)
Duroc. Et puis il y a eu nos étoiles… que nous avons gagnées peu à peu… La première…
Monsigny. Lorsque nous avons pu faire un sanitaire à chaque étage…
Duroc. La deuxième…
Chambord. Quand nous avons fait poser un ascenseur.
Duroc. La troisième…
Monsigny. Quand chaque chambre a eu sa salle de bain et ses toilettes.
Duroc. La quatrième…
Chambord. Quand la clim est arrivée !
Duroc. Et la cinquième…
Chambord. Avec la mise en place de notre room service !
Duroc. Mais tout cela est précaire…
Chambord, approuvant. Excellence, excellence, excellence…
Duroc. Nos finances sont encore fragiles et le guide Belin, qui décerne les étoiles, est très sévère.
Monsigny, avec insouciance. Heureusement, ils ne peuvent pas envoyer des inspecteurs tout le temps !
Duroc. Il y en a un dans l’hôtel.
Chambord, après un temps. Je vous demande pardon ?
Duroc. Un inspecteur du guide Belin est ici dans nos murs.
Monsigny. Impossible ! Personne ne s’est présenté comme tel.
Duroc. Évidemment que personne ne s’est présenté comme tel ! Vous n’imaginez pas qu’il allait révéler son identité. Il est ici incognito, pour tout observer, tout évaluer, et décider si oui ou non, nous garderons nos cinq étoiles.
Chambord. Comment avez-vous su ?
Duroc. Un appel anonyme du Guide Jaune, le grand concurrent du Guide Belin.
Monsigny. Mais alors ça veut dire que quelqu’un ici nous fait marcher, et dissimule sa véritable identité de critique pour mieux passer au crible notre service ?
Duroc. Exactement ! Oh… il ne s’est pas donné beaucoup de peine. Le siège du Guide est à trois rues !
Chambord. Oh mon dieu !
Duroc. ¾Tout doit être parfait !
Chambord. Je m’en vais vous le démasquer, moi !
Duroc. Quoi ?
Chambord. Il y a un intrus dans notre maison et je découvrirai de qui il s’agit !
Duroc. Parfait. Vous savez que je dois partir aujourd’hui pour le symposium annuel de l’Hôtellerie Haut de Gamme. Je n’imagine pas apprendre en pleine discussion que nous avons perdu une étoile… ou pire ! L’affront serait tel que je quitterais immédiatement le colloque… Je compte sur vous !
Chambord. Vous pouvez !
Duroc. D’autant que la perte d’une étoile serait aussi et surtout une catastrophe pour nos finances !
Monsigny. Nous trouverons cet inspecteur et nous nous occuperons si bien de lui qu’il nous fera une critique dithyrambique
Duroc. Vous me rassurez.
Chambord. Allez tranquillement à votre colloque. Vous pouvez dormir sur vos cinq étoiles.
Duroc. Tenez-moi au courant !
Duroc sort.
Chambord. Et maintenant : menons l’enquête !
Renaud entre.
Monsigny, très aimable. Bonjour M. Machault.
Renaud. Que se passe-t-il avec Duroc ? J’ai à peine eu le temps de lui dire bonjour que… (Faisant un geste pour exprimer la fuite ) Pfuit !
Chambord. M. Duroc est en retard pour prendre son avion.
Renaud. Ah ! Voyager… changer d’air… Pour ça, certains prennent des avions… Moi, j’écoute une symphonie de Mozart.
Monsigny. Vous et la musique, c’est une véritable histoire d’amour.
Renaud. Pourquoi croyez-vous que je suis devenu critique ?
Chambord. Et ça paye bien, critique musical ?
Renaud. Je vous demande pardon ?
Chambord, avec soupçon. Parfois, pour compléter son salaire, on fait des piges à droite à gauche… Vous, par exemple, vous pourriez vous transformer en critique culinaire ?
Renaud. Moi ? Critique culinaire ?
Monsigny, avec un esprit de conciliation. Nous sommes sous pression ! Un inspecteur du Guide Belin est ici.
Renaud. Ah oui ? Je suis sûr que vous allez lui en mettre plein la vue, comme d’habitude !
Chambord. Nous l’espérons ! Mais que nous vaut le plaisir de votre présence ?
Renaud. Montserrat Cavalier est bien descendue chez vous ?
Monsigny. Nous avons en effet l’honneur d’héberger cette grande cantatrice.
Renaud. Eh bien figurez-vous qu’elle m’a accordé une interview. (Regardant l’heure ) Elle ne devrait plus tarder.
Chambord. Nous avons à faire. Est-il possible de vous fausser compagnie ?
Renaud. Je connais bien la maison.
Monsigny. Vous venez depuis si longtemps…
Renaud. Depuis 20 ans.
Monsigny. Vous en connaissez, des histoires, sur L’Hôtel Beaumanoir…
Renaud. Tant ! Je crois parfois que j’en invente…
Chambord. Tant qu’à en inventer, n’en faites que des favorables à notre image. Au plaisir !
Chambord et Monsigny s’éclipsent tandis qu’entre Sweet, en peignoir de bain avec une serviette éponge.
Renaud, voyant que Sweet avance sans trop savoir où il va. Puis-je vous aider ?
Sweet. Je vous remercie. Je cherche la piscine.
Renaud. Votre intention est donc de prendre un bain ?
Sweet. Vous êtes assez perspicace.
Renaud, regardant sa montre. Un bain ? À cette heure-ci ? Ce n’est pas raisonnable.
Sweet. Pas raisonnable ?
Renaud. Croyez-bien que je comprends.
Sweet. Qu’est-ce que vous comprenez ?
Renaud. Je connais si bien la maison. Vous avez réservé une suite à l’Hôtel Beaumanoir, cinq étoiles, disposant d’un hammam, d’un sauna et d’une piscine olympique. Vous avez réglé rubis sur l’ongle et vous avez bien l’intention de profiter de toutes les prestations proposées par l’établissement. Aussi, vous avez décidé de vous rendre à la piscine.
Sweet. C’est exact. J’ai la ferme intention d’arriver sur le bord du bassin, de lancer mon peignoir et ma serviette sur un transat, et de me laisser tomber de tout mon poids dans l’eau, en faisant une magnifique bombe qui éclaboussera tout le monde.
Renaud. Et c’est votre droit le plus absolu. Certes, je suis loin d’approuver votre démarche, mais enfin, à l’Hôtel Beaumanoir, le client est roi, et s’il veut plonger dans la piscine en aspergeant toutes celles et tous ceux qui sont venu-e-s se dorer au soleil, aucun membre du personnel ne songerait à le critiquer.
Sweet. Vu le prix que je paye, j’aimerais bien voir ça !
Renaud. En effet, les employés sont dévoués à votre service, et si vous avez envie de faire une bombe dans l’eau, eh bien faites une bombe dans l’eau. La piscine est par-là.
Sweet. Merci. (Sweet fait un mouvement de départ.)
Renaud. Mais avez-vous pesé tous les risques ?
Sweet. Les risques ? Quels risques ?
Renaud. À cette heure ici, la piscine est bondée et la foule se presse autour du bassin.
Sweet. Peu m’importe.
Renaud. Si vous faites une bombe dans l’eau, il y a fort à parier que vous allez toucher au minimum une vingtaine de personnes.
Sweet. Plus j’en aspergerai, plus ce sera réussi !
Renaud. Vous n’avez pas réfléchi aux conséquences de vos actes.
Sweet. Oh si ! Et je m’en réjouis d’avance !
Renaud. La chaleur est écrasante, aujourd’hui.
Sweet. Un plongeon dans l’eau bien fraîche ne pourra que me faire du bien.
Renaud. C’est exactement ce que se sont dit les clients de l’hôtel. Cependant, on ne peut pas rester dans l’eau pendant des heures.
Sweet. Ce n’est pas bon pour la peau. Elle se fend de petites rides.
Renaud. C’est pourquoi les clients ont demandé des brumisateurs afin de se rafraîchir, même allongés sur leurs transats.
Sweet. Ils les ont obtenus ?
Renaud. Oh non ! La direction a argué que cela n’entrait pas dans les prestations de l’hôtel.
Sweet. J’imagine les réactions…
Renaud. Elles ont été plus que négatives ! Aussi, lorsque vous vous laisserez tomber de tout votre poids dans le bassin, cela aura pour effet de tremper tous les clients alentours et vous serez accueilli-e comme le Messie !
Sweet. Pardon ?
Renaud. Tous ces hommes et ces femmes, qui grillaient sur leurs transats comme des poulets sur la broche, seront positivement ravis de recevoir ainsi une onde fraîche et apaisante.
Sweet. Vous croyez ?
Renaud. J’en suis sûr. On vous demandera de recommencer.
Sweet. Eh bien… je recommencerai avec plaisir.
Renaud. Oui, seulement voilà, après ce deuxième saut, on vous demandera d’en refaire un autre.
Sweet. Encore ?
Renaud. C’est certain !
Sweet. En ce cas, j’en referai un troisième.
Renaud. Ça ne suffira pas.
Sweet. Non ?
Renaud. Hélas non ! Les personnes que vous aurez aspergées en premier seront déjà sèches et vous demanderont de recommencer.
Sweet. Diable…
Renaud. Sans vous en rendre compte, vous aurez mis le doigt dans un engrenage infernal. Vous plongerez et replongerez sans fin jusqu’à ce que tout le monde en soit rassasié.
Sweet. Je partirai !
Renaud. On vous en empêchera ! Le client déshydraté d’un hôtel cinq étoiles est plus dangereux qu’un fauve affamé. On vous reconduira au bassin, de force, s’il le faut, vous faisant faire bombe sur bombe. À la fin de la journée, vous ne serez plus que l’ombre de vous-même. Essoufflé-e, épuisé-e, fourbu-e, vous ressemblerez à un travailleur de force, un ouvrier, un pauvre.
Sweet; avec horreur. Un pauvre ?
Renaud. Un pauvre. Votre cas sera alors désespéré. N’attendez aucune indulgence ni aucun passe-droit. Un pauvre ne saurait résider à l’Hôtel Beaumanoir. Vous serez immédiatement mis-e à la porte, avec vos valises sur le trottoir. Et ne comptez ni sur moi, ni sur personne ici pour vous héler un taxi. À bon entendeur, salut ! (Renaud s’éloigne et disparaît.)
Sweet, après réflexion, à part. Finalement, je sais pas si je vais aller à la piscine… Je vais plutôt rester dans ma chambre. Y a une retransmission du championnat de natation, je vais regarder ça, ça me rafraîchira tout aussi bien !
Sweet s’éclipse tandis qu’entrent Chambord et Engels.
Chambord, un papier à la main. J’ai regardé attentivement la liste des clients, et tous ont donné des papiers d’identité très convaincants.
Engels. Quant à moi, je connais tous mes gars. Aucun d’entre eux ne peut être ce fichu inspecteur !
Chambord. Je vais passer en revue le personnel d’étage. Et vous, allez contrôler les jardiniers.
Engels. Hein ? Non mais dites-donc, j’ai pas que ça à faire !
Chambord. Je vous en prie… Je sais que je peux compter sur vous…
Engels. C’est bien parce que nous sommes en situation de crise !
Chambord et Engels sortent alors qu’entrent Montjoie et Joubert.
Joubert. N’ayez crainte, vous ferez mieux la prochaine fois.
Montjoie. Je l’espère, revenir ainsi bredouille est très agaçant.
Joubert. La saison ne vient que de commencer. Demain nous organisons une autre partie. Vous serez sans doute ravi-e d’apprendre que nous lâcherons une cinquantaine de canards colverts dans l’étang du parc. Vous inscrivé-je sur la liste des concurrents ?
Montjoie, éludant. Nous verrons, nous verrons…
Joubert. Mais peut-être la faim vient-elle vous chatouiller ? Je vous suggère de vous rendre au restaurant de l’hôtel. Je crois que tous les participants de la partie de ce matin y sont déjà…
Montjoie, avec souci. Je ne le sais que trop…
Joubert. Votre œil est chagrin, me semble-t-il ?
Montjoie. En effet… Dites-moi : est-il possible de se faire cuisiner un ingrédient que l’on apporterait de l’extérieur ?
Joubert. À l’Hôtel Beaumanoir, le client est roi. Et si le client désire personnaliser la carte du restaurant selon son bon plaisir, nous nous y plions. Ainsi l’année dernière, le duc de Richebourg avait été piqué par une méduse au large de la plage privée de l’Hôtel. Il a exigé qu’on la pêche et qu’on la transforme en soupe, ce qui fut fait prestement. Le duc s’en est délecté. Aussi, n’hésitez pas à me faire part de vos envies : je les transmettrai à la cuisine. Y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez manger en particulier ? (Sans un mot, Montjoie se découvre et donne son chapeau à Joubert, qui marque une surprise.) Je vous demande pardon, mais je crains de ne pas comprendre…
Montjoie. Vous me demandiez si désirais manger quelque chose en particulier.
Joubert, sans comprendre. En effet.
Montjoie, désignant son chapeau. Eh bien voilà ce que je voudrais manger.
Joubert. Votre… votre chapeau ?
Montjoie. Mon chapeau.
Joubert. Votre chapeau ? Vous souhaitez manger votre chapeau ?
Montjoie, confirmant. C’est bien cela, je souhaite manger mon chapeau.
Joubert. C’est une demande peu commune…
Montjoie. Vous venez de me dire que le client est roi.
Joubert. Et je vous le confirme…
Montjoie. Aussi, étant moi-même client-e, je souhaiterais manger mon chapeau à déjeuner.
Joubert. Je me permets nonobstant de vous signaler que nous avons à la carte des plats plus délicieux les uns que les autres et que…
Montjoie. Je connais la carte, je vous remercie. Croyez bien que j’aurais préféré y puiser quelques douceurs qui auraient illuminé mon repas. Ma demande n’a rien d’une tocade.
Joubert. Jamais je n’aurais osé…
Montjoie. Je ne fais qu’accomplir mon devoir.
Joubert. Votre devoir ?
Montjoie. Mon devoir envers le Code du Chasseur.
Joubert. Le Code du Chasseur vous impose de manger votre chapeau ?
Montjoie. Le Code du Chasseur m’impose le respect de la parole donnée. Hier, comme vous le savez, je n’ai tiré aucun gibier.
Joubert. La saison ne vous est guère propice, en effet.
Montjoie. Aussi, ce matin, quand les lièvres ont été lâchés dans les bois de l’Hôtel, j’ai eu le malheur de dire : « Si aujourd’hui encore je ne fais aucune prise, je mange mon chapeau ». Force est de constater que je vais être obligé-e d’avaler mon couvre-chef.
Joubert. Sans doute vous imposez-vous à vous-même un devoir trop rigoureux. Vos compagnons de chasse ne prennent peut-être pas votre discours au pied de la lettre.
Montjoie. Au contraire, je vous prie de le croire. La duchesse de Langeais, en particulier, m’a glissé juste avant de rentrer : « Mastiquez bien avant d’avaler, surtout quand vous en serez au ruban ! »
Joubert. Quelle taquine, cette duchesse…
Montjoie. La conclusion reste la même : il faut que je mange ce fichu galurin !
Joubert. N’ayez crainte, nous transformerons cette méchante épreuve en plaisir des sens, et cela à tel point que vous nous en redemanderez demain midi.
Montjoie. J’en doute…
Joubert. Pour accompagner votre couvre-chef, je vous suggérerai donc une compotée de chapeau et patates douces, accompagnée de châtaignes sautées au beurre clarifié et parsemées de noisettes torréfiées.
Montjoie, avec intérêt. Saveurs d’automne…
Joubert. À moins que vous ne préfériez votre chapeau revenu à l’unilatérale dans de l’huile d’olive, servi avec son suprême de volaille aux copeaux de cheddar et sa sauce far-ouest ?
Montjoie. Cette deuxième option mérite qu’on la choisisse. Va pour le western !
Joubert, désignant le chapeau. Je fais enlever la plume ?
Montjoie. Qu’on la laisse, elle apportera un contrepoint amer au sucré de la sauce far-ouest.
Joubert. Vous préfèrerez sans doute manger au calme de votre chambre ?
Montjoie, avec défi. Au contraire, donnez-moi la table la plus en vue !
Joubert. Ce sera chose faite.
Montjoie et Joubert s’éclipsent.
Sur ces entrefaites arrivent Montserrat et Maria.
Montserrat, le regard scrutateur. Il n’est pas encore arrivé ?
Maria. Il aura eu un contretemps.
Montserrat, émue. Maria… Je me sens tellement coupable…
Maria. Coupable ? Mais pourquoi !
Montserrat, prête à pleurer. Tu le sais très bien…
Maria. Ne parlez pas de ça…
Montserrat, ironique. Bien entendu, me taire… et mentir, comme toujours ?
Maria. Mentir ? À quoi faites-vous allusion ?
Montserrat. Il le faut bien, puisque j’ai accepté cette interview.
Maria. Votre expérience est assez longue et riche pour que vous ne soyez pas obligée de…
Montserrat, cruelle avec elle-même. Allez, va au bout de ta phrase… Pour que je ne sois pas obligée de quoi, hein ? Et pourtant… si je parlais… ça ferait la une de tous les journaux et toi, tu deviendrais célèbre ! Imagine… « L’imposture Montserrat Cavalier : depuis un an, c’était sa répétitrice qui chantait à sa place »
Maria, apeurée. On pourrait vous entendre…
Montserrat, avec éclat. Eh bien qu’on m’entende ! J’en ai assez ! Toutes les fleurs qu’on me lance, je sais qu’elles ne sont pas pour moi, tous les compliments qu’on me fait, je sais qu’ils te sont adressés… Brisons le secret et que la vérité éclate !
Maria. Que dirait votre impresario ?
Montserrat. Celui-là, je le hais ! C’est à cause de lui, tout ça ! S’il n’avait pas eu l’idée de te cacher derrière le décor à la Scala…
Maria. C’était la première de la Tosca, et votre voix n’était pas en état…
Montserrat. Ma voix… elle n’était pas en état et aujourd’hui encore, elle n’a pas guéri…
Maria. Si vous suivez scrupuleusement les prescriptions du docteur Zambot, je suis sûre que bientôt…
Montserrat. Les prescriptions de Zambot ? Parlons-en ! Des tisanes, du miel, du citron… Si c’est un médecin, ma grand-mère s’appelle Louis Pasteur !
Maria. Vous exagérez, il vous a prescrit ce bidule, là, très efficace…
Montserrat. De la cortisone à haute dose ! J’ai gonflé comme une baudruche, je me suis regardée dans un miroir et je me suis crue devant un documentaire sur l’échouage des baleines… Je préfère encore les tisanes…
Maria. Je peux encore annuler l’interview…
Montserrat. Pas question : je dis tout !
Maria. Tout ?
Montserrat. Tout !
Maria. Vous n’y pensez pas… Que diront les gens quand ils sauront que c’est moi qui ai chanté à votre place dans la Tosca, mais aussi dans Carmen, mais aussi dans la Traviata, mais aussi dans Madame Butterfly, mais aussi dans…
Montserrat. Assez !
Maria. Ce sera un scandale international ! Les spectateurs voudront être remboursés, la Deutsche Gramophone vous attaquera pour contrefaçon, et la conséquence sera inévitable.
Montserrat. C’est-à-dire ?
Maria. Vous serez ruinée.
Montserrat. Ruinée ?
Maria. Ruinée. Dès lors, vous n’aurez plus le choix.
Montserrat. Ah non ?
Maria. Oh non. Il ne vous restera qu’une seule option.
Montserrat. Laquelle ?
Maria. Travailler.
Montserrat. Quelle horreur !
Maria. Je ne vous le fais pas dire.
Montserrat. En somme, je suis prise au piège ?
Maria. Vous en avez assez ?
Montserrat. J’abhorre ce jeu de dupe !
Maria. Il nous reste encore deux représentations de Norma. Après : vous annoncez votre retraite. Les royalties de vos enregistrements vous permettront de mener grand train jusqu’à la fin de vos jours. Personne ne saura jamais que je chante à votre place depuis un an.
Montserrat. Comment te remercier ?
Maria. Recommandez-moi, glissez mon nom à droite à gauche…
Montserrat. Évidemment. Sans toi, je serais morte… (Elle prend Maria dans ses bras.)
Maria, desserrant l’étreinte. C’est à moi de vous remercier, vous êtes la plus grande cantatrice qu’il m’ait été donné de connaître. J’ai tout appris de vous. En moi, c’est vous qui vivez, qui agissez, qui chantez.
Montserrat. Tu divagues. Tu as su donner à mes rôles plus de piquant et de couleur que je n’aurais jamais su en apporter.
Maria, gênée. Vous me flattez…
Montserrat. Je ne fais que répéter ce que dit la critique. Relis les articles où mon chant, autrement dit le tien, est analysé. Je me souviens de Machault louant « le tournant pris par Montserrat Cavalier, quittant le hiératisme pour la générosité des passions ». Il ne savait pas que le tournant avait un nom : Maria Martinez.
Maria, très émue. Madame…
Montserrat. Appelle-moi Montserrat.
Maria. Je n’oserai jamais.
Montserrat. Je te le demande : tu es ma seule amie.
Maria. Moi, votre amie ?
Montserrat. Comment appeler autrement celle qui, depuis un an, porte ma voix ?
Maria. Merci. (Maria prend Montserrat dans ses bras.) Machault va arriver. Jouons la comédie, une dernière fois.
Renaud rentre.
Maria, bas, à Montserrat. Le voici.
Montserrat, bas. Suis-je présentable ?
Maria, bas. Attendez… (Elle essuie quelques larmes sur le visage de Montserrat.)
Renaud, dévorant Montserrat des yeux. Madame… Renaud Machault, critique musical de Scapin magazine. C’est un honneur pour moi…
Montserrat, gênée. Monsieur, je vous en prie…
Renaud, lui prenant la main. Permettez. (Il lui fait un baisemain.)
Montserrat, d’autant plus gênée. C’est trop d’honneur…
Renaud. Tous les honneurs sont dus à une chanteuse telle que vous…
Montserrat, toujours gênée. Je dois être affreuse…
Renaud. Une cantatrice, surtout de votre trempe, est toujours belle.
Montserrat. Je vous présente Maria, ma répétitrice.
Renaud, regardant à peine Maria. Madame… (À Montserrat ) Cela fait tellement longtemps que je souhaite vous rencontrer…
Montserrat, s’asseyant. Asseyez-vous, je vous en prie.
Renaud, s’asseyant également. C’est le graal de tout critique musical, une interview avec la grande Montserrat Cavalier…
Montserrat. Je suis prête à répondre à vos questions.
Renaud, s’emmêlant dans ses notes. Où êtes-vous née ? Que faisaient vos parents ? Quel est votre opéra préféré ? Est-il vrai que vous exigez des fraises au citron avant d’entrer en scène ?
Montserrat. Vous décochez toutes vos flèches d’un coup ?
Renaud. Pardon… je m’emballe, je m’emballe… Au fond… sont-ce vraiment les bonnes questions ? Revenons à l’essentiel. J’ai suivi votre carrière depuis le début. Or, voici un an, j’ai noté chez vous un changement de style.
Montserrat, faussement étonnée. Ah ?
Renaud. Votre style, auparavant objectif, rigoureux, presqu’austère, a gagné en émotion, en générosité. Comment cette transformation radicale s’est-elle opérée en vous ?
Montserrat, perdant pied. Euh… je ne sais que vous dire… c’est comme si… comme si quelqu’un chantait à ma place…
Renaud. Que voulez-vous dire ?
Montserrat. Eh bien, comme si… comme si… quelqu’un chantait par ma bouche…
Renaud. Vous voulez parler de Norma ? Mais c’est le propre des grands artistes de se laisser habiter par leurs rôles. Causons justement de votre représentation d’hier. J’étais dans la salle. L’ovation a durée dix-huit minutes. Du jamais vu et pourtant, c’était justifié : vous avez été sublime.
Montserrat, au comble de la gêne. Je ne mérite pas ces compliments…
Renaud. J’ai une petite question sur la fameuse aria Casta Diva. J’ai admiré la précision de vos vocalises. Mais comment avez-vous fait pour sortir un contre-ut aussi parfait ?
Montserrat, pataugeant. Eh bien euh… au moment où… j’essaie de… enfin quand je peux, bien sûr… mais hier soir… hier soir…
Maria, volant à son secours. Ce que veut dire Mme Cavalier, c’est qu’un contre-ut ne peut se faire qu’avec une « voix de flageolet », comme on le dit plaisamment dans le jargon musical. Pour cela, il convient d’ouvrir grand la mâchoire et ne pas hésiter à sortir un peu la langue.
Renaud, surpris. Ma foi, il semble que vous connaissez très bien cette technique… (Revenant à Montserrat ) Mais peut-être pourriez-vous nous faire une démonstration ?
Montserrat, après un silence. Je vous demande pardon ?
Renaud. Oui, peut-être pourriez-vous nous montrer comment réaliser sans bavure ce fameux contre-ut ?
Montserrat, au comble de l’effroi. Naturellement… Naturellement… (Elle se lève. Prend une respiration, ouvre la bouche et se met à tousser.)
Renaud, se levant. Madame ? Tout va bien ?
Maria, s’éloignant avec Montserrat. Madame Cavalier se trouve mal. Nous reprendrons cet entretien plus tard…
Maria et Montserrat disparaissent, laissant Renaud désemparé. Sur ces entrefaites, alors que Renaud, sombre, s’éclipse à son tour, mais lentement, entrent Chambord, Monsigny et Engels.
***
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