Le droit d’auteur est, en France, la reconnaissance du statut d’auteur. Comment ce droit est-il né, à quoi sert-il ?
Avant le droit d’auteur
Il faut en premier lieu rappeler que la notion de « droit d’auteur » est une notion relativement récente. Plusieurs spécialistes s’accordent à situer son apparition après la naissance de l’imprimerie en 1450. Cette date impose en effet une certaine logique : à partir de là, les textes littéraires voient leur capacité de diffusion significativement augmenter, et l’authentification des originaux devient plus aisée.
Qu’en est-il auparavant ? Dans l’Antiquité, les textes des auteurs n’étaient protégés d’aucune sorte. On peut même ajouter que la notion d’auteur en elle-même demeure problématique pour ce qui est de la période antique. En effet, une des figures majeures de la période est le « rhapsode », terme qui désigne l’artiste qui récite de village en village les œuvres des autres, coud les œuvres ensemble, les relie parfois entre elles avec des ponts de son propre cru, etc. On comprend que sa pratique artistique est très éloignée des standards actuels du droit d’auteur.
Pourtant, l’invention de l’imprimerie ne résout par l’ensemble des situations critiques. La copie demeure facile et peu contrôlable. Ce sont alors les éditeurs qui détiennent en pleine propriété les droits des textes qu’ils font imprimer. Comment les auteurs vivent-ils ? Ils se placent sous la protection de mécènes, qui les rémunèrent et tentent de dissuader les copies. Ces mécènes sont des personnages en vue, qui pensionnent parfois à demeure les auteurs en les utilisant pour travailler également leur image publique.
On considère parfois que la première loi instituant un droit d’auteur est le Statute of Anne, votée au Royaume-Uni en 1709. Ce texte marque un changement d’optique net, puisque le droit d’impression des œuvres est clairement affecté aux auteurs et non plus aux éditeurs. En France, la reconnaissance du droit d’auteur arrive avec Beaumarchais, en ce même XVIIIe siècle. À cette époque, les Comédiens du Théâtre-Français, ancêtre de la Comédie-Française, bénéficient d’un monopole. Chaque auteur est contraint de lui présenter chacune de ses pièces. En contrepartie, l’écrivain ne reçoit qu’un maigre dédommagement. Ulcéré par ce mode de fonctionnement, l’auteur du Barbier de Séville et du Mariage de Figaro réunit autour de lui une trentaine d’auteurs lors d’un souper, le fameux souper du 3 juillet 1777. Ils fondent alors ensemble la première société d’auteurs dramatiques, le « Bureau de Législation Dramatique », ancêtre de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, qui acquiert ce nom en 1829.
La notion d’ « Œuvre »
Le droit d’auteur en France est défini dans le cadre de la Propriété Littéraire et Artistique, par le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI):
« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. »
Cela implique que seul l’auteur-e décide s’il ou si elle souhaite que son œuvre soit exploitée ou diffusée. Rivoire & Cartier sont aujourd’hui Sociétaires de la SACD et demeurent intransigeants avec le respect dû à leur répertoire. Toute représentation non autorisée est signalée à la SACD pour le recouvrement des droits et pénalités exigibles par une telle infraction.
En France, le droit d’auteur ne protège pas les idées. En revanche, ce droit protège ce que l’appareil juridique français appelle une « œuvre ». Le Code de la Propriété Intellectuelle définit l’œuvre comme une « création intellectuelle ». Ce terme peut, bien entendu, référer à un texte de théâtre. Mais il peut également correspondre à un scénario, une chorégraphie, une mise en scène, une photographie, etc. D’après le droit français, une œuvre doit présenter un caractère d’« originalité ». Cette notion est à soigneusement distinguer de la notion de « nouveauté ». En effet, une création peut tout à fait reprendre une idée ancienne, tout en exprimant la personnalité de l’auteur. On sait que Corneille et Racine, en manière de compétition littéraire, ont pris un même sujet et l’ont traité chacun à sa manière. Cela a donné pour l’un Tite et Bérénice et pour l’autre Bérénice. À lire en lecture comparée, c’est très intéressant ! Pourtant, même avec ce sujet en commun, la première pièce est bien de Corneille et l’autre de Racine. Le premier entrecroise deux intrigues et fait la part belle aux rebondissements, quand le second choisit une seule intrigue épurée et plus linéaire. Ajoutons que l’œuvre doit être concrète et perceptible par les sens : elle doit donc revêtir un caractère abouti et palpable.
Les différents statuts d’auteur
La définition juridique classique de l’auteur est « la personne physique sous le nom de laquelle l’œuvre est divulguée ». Cela recouvre différentes réalités parce que certaines œuvres sont créées par plusieurs auteurs et qu’un auteur peut aussi réutiliser des œuvres préexistantes. Ces différentes situations sont définies dans la loi de la manière suivante :
- On parle d’ « œuvre de collaboration » lorsque l’œuvre implique la collaboration de plusieurs personnes. Les coauteurs gèrent les droits d’auteurs d’un commun accord. C’est le cas d’un film, dans lequel il peut y avoir un-e scénariste, une réalisatrice, des interprètes, un compositeur, etc.
- On parle d’ « œuvre composite » quand une œuvre intègre plusieurs œuvres préexistantes.
- Une « œuvre collective », par exemple un dictionnaire, présente des contributions diverses, mais on ne les distingue plus les unes des autres. Les droits sont alors ceux de la personne qui divulgue l’œuvre et non ceux des auteurs.
Les garanties apportées par le droit d’auteur français
La législation française distingue deux types de droits :
- Le droit moral qui concerne les intérêts non économiques de l’auteur
- Les droits patrimoniaux qui règlent les compensations financières dues par les exploitations de l’œuvre par des tiers
Le droit moral
L’œuvre est le reflet de la personnalité de l’auteur. Ce lien très fort entre l’œuvre et la personne dont elle émane est protégé par le droit moral. Ce droit comporte les prérogatives suivantes :
- Le droit de divulgation. Seul l’auteur a le droit de divulguer son œuvre au public, en décidant également du moment et de la manière.
- Le droit de paternité. L’auteur peut rester anonyme, y apposer son nom ou prendre un pseudonyme. Ce dernier cas est celui de Rivoire & Cartier, qui réunit plusieurs auteurs sous la direction littéraire de Johannes Landis. Hélas, on a vu trop souvent des compagnies jouer nos textes (même histoire, même personnages), mais sans mention d’auteur et avec un titre différent. Nous avons engagé des procédures à chaque fois que cela était possible. Que dire du respect dans lequel ces compagnies tiennent le travail des auteurs ? Nous regrettons l’absence de considération que ces artistes ont pour nos textes.
- Le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. L’auteur seul décide si son œuvre peut être modifiée, coupée ou augmentée d’ajouts. Certaines compagnies s’affranchissent parfois allègrement de ce droit…
- Le droit de retrait ou de repentir. L’auteur peut décider de modifier son œuvre ou de la retirer de l’espace public à tout moment et sans justification.
Précisons que ce droit moral est :
- Perpétuel ; il ne cesse jamais, même après le décès de l’auteur, même après que l’œuvre est tombée dans le domaine public ;
- Inaliénable, l’auteur ne peut y renoncer et le contrat qui voudrait le faire serait frappé de nullité ;
- Imprescriptible : il ne s’éteint pas avec le temps. Tant que l’œuvre existe, il demeure valable.
Les droits patrimoniaux
Ils permettent à l’auteur ou à ses héritiers d’exploiter les œuvres. Cette exploitation peut prendre la forme d’une reproduction ou d’une représentation publique, ces deux formes engendrant une rétribution. Contrairement aux droits moraux qui perdurent indéfiniment, les droits patrimoniaux sont limités dans le temps : l’auteur en bénéficie tout au long de sa vie et ses héritiers 70 ans après la mort de l’auteur.
Le droit de représentation
Ce droit concerne la communication de l’œuvre au public. Cette communication peut concerner la communication directe à un public de théâtre ou la communication indirecte via des moyens audiovisuels. Les représentations gratuites et privées effectuées dans un cercle familial sont des exceptions à ce droit.
Le droit de reproduction
Il regarde les reproductions du texte sur papier par exemple, mais aussi les reproductions de la pièce via la vidéo. La copie privée non destinée à une utilisation collective fait exception.
Les sanctions pour infraction au droit d’auteur
Les infractions aux droits moraux et patrimoniaux peuvent entraîner des sanctions impliquant :
- Des dommages et intérêts
- La cessation de l’exploitation de l’œuvre contrefaisante.
Les sanctions sont d’ordre pénales et peuvent aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende et la saisie des recettes issues de l’infraction.
La convention de Berne
Sur le plan international, la première et la plus célèbre convention émane de l’Association Littéraire et artistique internationale, dont Victor Hugo fut le président fondateur en 1878. La Convention de Berne fut signée en 1886. Le mérite principal de cette convention est d’assimiler la condition d’un auteur étranger à celle de l’auteur du pays où il demande protection, et ce sans formalités. La convention a été plusieurs fois révisée, en étendant son domaine de protection. Elle est aujourd’hui signée par de très nombreux états à travers le monde.
Comment obtenir l’autorisation de jouer une pièce de théâtre ?
En France, les droits de nombreux auteurs sont gérés par la SACD, ce qui est le cas de Rivoire & Cartier. Mais parfois, c’est la maison d’édition elle-même qui gère les droits de ses auteurs, voire des agents littéraires.
Si l’auteur que vous voulez jouer est géré par la SACD, voici comment il faudra vous y prendre pour demander les droits. Rendez-vous sur le site de la SACD. Si vous êtes une-professionnel-le, allez dans le menu « Producteurs, diffuseur », si vous êtes amateur, allez dans l’onglet « théâtre amateur ». Concernant cette dernière démarche, il vous faudra ensuite renseigner le nom de l’auteur et du texte que vous voulez jouer. Le site vous proposera souvent plusieurs œuvres correspondant à votre recherche. En effet, il y a parfois des doublons. Des titres sont presque identiques, certains auteurs sont homonymes, etc. Donc, une petite vigilance s’impose lors de cette étape : veillez à sélectionner la bonne œuvre. À ce stade, une première information sur l’autorisation vous sera communiquée :
- Réponse immédiate : cela veut dire en creux que vous allez avoir l’autorisation de jouer le texte sélectionné ;
- Réponse sous 30 jours : l’auteur donnera sa réponse une fois qu’il aura pris sa décision en fonction des informations que vous aurez données ;
- Représentations interdites : pour une raison ou pour une autre, l’auteur ne souhaite pas que son texte soit représenté. Il arrive que des auteurs interdisent la représentation de leurs textes aux amateurs. D’autres souhaitent réserver, sur une durée généralement délimitée, l’exclusivité de l’exploitation à une ou plusieurs compagnies.
Chez Rivoire & Cartier, nous privilégions une approche ouverte : dès lors que vous demanderez l’autorisation de jouer un de nos textes, vous avez toutes les chances de l’obtenir.
Ensuite, vous aurez à préciser la période pour laquelle vous sollicitez une autorisation, la géographie approximative des lieux où vous envisagez de jouer, ainsi qu’une date de représentation. Vous aurez à préciser le nombre de places de la salle où vous jouez, ainsi que le prix moyen du billet. Cette démarche sera à refaire pour toutes les représentations supplémentaires. Ensuite, il conviendra de régler les droits correspondant aux représentations. Notez que vous bénéficierez de réductions si votre compagnie est adhérente FNCTA et si vous réglez les droits via internet. Notez que vous bénéficierez de réductions si votre compagnie est adhérente FNCTA et si vous réglez les droits via internet. Le montant des droits est déterminé par la SACD et l’auteur et peuvent donner lieu à des révisions. Rivoire & Cartier ont choisi de s’aligner aux tarifs proposés par la SACD et qui sont par conséquent les plus bas possibles.
Bien entendu, il est recommandé d’effectuer ces démarches avant même la mise en répétition du texte : il serait dommage d’apprendre, la veille de la première, que votre compagnie n’a pas l’autorisation de jouer le texte tant convoité…
Un exemple du montant des droits à payer et de la rémunération auteur
Voici comment se répartit le montant demandé aux compagnies amateur lorsque la SACD gère les droits de l’auteur joué. Si, par exemple, vous jouez dans une salle de 51 à 100 places pour un billet compris entre 6 et 10 euros, il vous en coûtera 79 EUR HT. Il faut ajouter à ces droits la TVA en vigueur, laquelle, pour les droits d’auteurs, s’élève à 10%, ce qui pour la compagnie fait grimper le montant des droits à payer à 86,90 EUR TTC. L’auteur, de son côté, touchera le montant HT moins la contribution administrative à 10% (7,9 EUR), moins l’assurance vieillesse à 6,15% (4,85 EUR), moins la contribution à la formation continue à 0,35% (0,28 EUR), moins la CSG tranche 1 sur 98,25% de l’assiette à 2,40% (2,05 EUR), moins la CSG tranche 2 sur 98,25% de l’assiette à 6,80% (5,28 EUR), moins le RDS à 0,5% sur 98,25% de l’assiette (0,39 EUR), moins le régime complémentaire des auteurs à 8% (6,32 EUR), moins la tva forfait auteurs 0,8% (0,63 EUR). Ce qui fait in fine 51,30 EUR dans la poche de l’auteur.
Sources
N. Rouart, C. Laguitton, article « Droit d’auteur », Michel Corvin (dir.) Dictionnaire du Théâtre, Bordas 2008.
Cet article vous a plu ? Pour ne rater aucune publication, inscrivez-vous sur le site et abonnez-vous à notre Lettre de Nouvelles.