Histoire du Théâtre : pourquoi connaître l’origine de ce qu’on joue ?

Pourquoi s’attarder sur l’histoire du théâtre quand on a juste une pièce à monter, une scène à apprendre ou une troupe à faire répéter ? Parce que le théâtre, depuis ses premiers pas dans la poussière des temples, n’a jamais cessé de se transformer — et que chacune de ses métamorphoses continue de résonner sur nos plateaux. Plonger dans cette histoire, c’est découvrir comment un chant sacré est devenu dialogue, comment une offrande est devenue jeu, comment un cercle de fidèles s’est mué en salle noire pleine d’inconnus attentifs. C’est apprendre à lire, dans le ressort d’un vaudeville, l’écho d’un masque romain ; dans le silence d’un personnage contemporain, l’ombre d’un héros tragique.

Costumes d'inspiration classique.
Mise en scèhe utilisant des costumes anciens.

Ce texte n’est ni une thèse, ni une frise chronologique exhaustive. C’est un fil tendu entre les époques, une traversée en six étapes, pour celles et ceux qui vivent le théâtre — qu’ils soient comédiens du dimanche ou metteurs en scène passionnés.

On y pose quelques questions simples, mais fécondes :
D’où vient ce que nous jouons ?
Quelles époques font rire encore aujourd’hui ?
Et, très concrètement, quelles formes choisir pour faire exister un texte sur scène ?

Un voyage à travers les siècles, oui. Mais surtout un détour pour revenir autrement à ce qui anime les artistes de la scène : le désir de jouer.

1. Quels sont les fondements du théâtre occidental ?

Derrière les masques, les costumes, les projecteurs, il y a un socle. Un socle ancien, mouvant, mais toujours là. Le théâtre occidental repose sur quelques principes simples, tenaces, qui traversent les siècles comme un fil de jeu bien tendu. On peut les déplacer, les détourner, les contester — mais ils sont toujours dans la salle.

1.1. Une action, des humains, un enjeu

Le théâtre, c’est d’abord cela : des êtres humains pris dans une situation, à un moment donné, où quelque chose se joue. Conflits, désirs, décisions, impasses : ce que l’on donne à voir sur scène, c’est le mouvement d’une existence qui hésite, trébuche ou choisit. Même quand l’histoire semble absente, il reste une tension.

Costumes de théâtre du XIXe siècle.
Acteur et Actrice en costumes XIXe.

1.2. Un art qui se joue avec des témoins

Pas de théâtre sans regard. L’acteur et le spectateur partagent le même souffle, le même temps, le même ici. C’est cette présence commune, cet espace vécu ensemble, qui fait du théâtre un art de la relation. Rien n’est figé, tout est incarné — à chaque fois pour de bon, à chaque fois pour de faux.

1.3. Un jeu avec les règles du faux

Le théâtre repose sur une convention tacite : nous savons que c’est inventé, mais nous acceptons d’y croire. Nous jouons à faire semblant. Le décor plante un monde, le costume fait croire à une époque, le texte donne voix à quelqu’un qui n’existe pas. Et pourtant, tout cela nous touche, parfois jusqu’au cœur.

1.4. Le langage comme terrain de jeu

Le théâtre, c’est d’abord une parole qui agit. Parole en vers ou en éclats, parole chantée ou murmurée. Qu’elle fasse rire, trembler, réfléchir ou fuir, cette parole porte les corps, les silences, les gestes. Elle donne forme aux rapports entre les personnages — et entre la scène et nous.

1.5. Une forme qui fait sens

Pendant longtemps, le théâtre s’est construit sur des règles : unité de temps, de lieu, d’action, nombre précis d’actes, séparation des genres. Même quand il les casse, il les connaît. Car la forme n’est pas qu’un cadre : elle est un langage en soi. Elle dessine les attentes, les écarts, les surprises.

Corneille : Trois Discours sur le poème dramatique.

2. Chronologie du théâtre occidental

Pour bien comprendre l’évolution du théâtre occidental, il est utile de poser quelques repères chronologiques. Cette frise synthétique permet de visualiser les principales périodes, les ruptures majeures et les figures marquantes.

PériodeDates approximativesCaractéristiques clésExemples / Auteurs
Origines rituellesAvant le VIe siècle av. J.-C.Rites religieux, danses collectives, chants sacrés.Rituels dionysiaques, cérémonies égyptiennes
Grèce antiqueVIe – IVe siècle av. J.-C.Naissance du théâtre civique, tragédie, comédie, concours.Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane
Rome antiqueIIIe siècle av. J.-C. – Ve ap. J.-C.Théâtres monumentaux, comédies populaires, influence grecque, spectacles publics.Plaute, Térence, Sénèque
Théâtre médiévalVe – XVe siècleThéâtre liturgique, mystères religieux, jeux de la Passion, théâtre de rue.Jeu d’Adam, Mystère de la Passion, farces anonymes
RenaissanceXVe – début XVIIe siècleRedécouverte des Anciens, Commedia dell’Arte, premiers dramaturges modernes.Shakespeare, Lope de Vega, Machiavel
Théâtre classiqueXVIIe siècleUnité de temps, lieu, action ; théâtre codifié, moral et politique.Corneille, Racine, Molière
Siècle des LumièresXVIIIe siècleThéâtre critique, drame bourgeois, montée de la comédie sociale.Beaumarchais, Marivaux, Diderot
RomantismeDébut XIXe siècleRupture avec le classicisme, mélange des registres, exaltation du moi.Hugo, Musset
Réalisme / NaturalismeFin XIXe siècleThéâtre ancré dans la réalité sociale, psychologie fine, décor détaillé.Ibsen, Zola, Strindberg
Vaudeville et boulevardXIXe siècleThéâtre de situation, rires mécaniques, structures efficaces et populaires.Labiche, Feydeau
Théâtre moderneXXe siècle (1900–1960)Expérimentation formelle, théâtre épique, théâtre de la cruauté, absurdité, remise en question du langage.Brecht, Artaud, Beckett, Ionesco, Genet
Théâtre contemporainAnnées 1960 – aujourd’huiHybridation des formes, autofiction, théâtre documentaire, formes postdramatiques, nouvelles technologies.Mnouchkine, Lagarce, Pommerat, Castellucci, Koltès

Cette chronologie n’épuise pas la richesse du théâtre, mais elle permet de situer rapidement un style, une esthétique ou un auteur. En tant que metteur en scène, comédien ou enseignant, ces jalons offrent des repères utiles pour choisir une pièce, poser un cadre d’analyse ou transmettre une culture théâtrale vivante.

3. Les grandes étapes de l’histoire du théâtre

Le théâtre n’avance pas en ligne droite. Il creuse, il revient, il bifurque. Il se glisse dans les temples, descend dans la rue, monte à la cour, s’affiche au café-concert. Chaque époque invente sa manière de dire, de faire, de faire croire. Voici, en huit escales, un survol de ces grandes strates où le théâtre a changé de visage — et parfois de mission.

3.1. Les origines rituelles (jusqu’au VIe siècle av. J.-C.)

Rite funéraire préhistorique.
Rite funéraire préhistorique.

Le théâtre, avant d’être spectacle, est d’abord rituel. On chante pour faire tomber la pluie, on danse pour faire revenir les morts, on raconte pour invoquer les dieux. Ces cérémonies collectives — danses chamaniques, récits sacrés, processions symboliques — mettent déjà en scène des récits. Mais on ne les regarde pas : on y prend part. L’objectif n’est pas de divertir, mais de relier.

🌀 Exemples : les danses des chamans sibériens, les processions sacrées de l’Égypte ancienne.

3.2. Le théâtre antique (VIe siècle av. J.-C. – Ve siècle ap. J.-C.)

En Grèce, le théâtre quitte les temples pour devenir un acte public. On construit des gradins, on écrit des textes, on joue devant des milliers de citoyens. Eschyle, Sophocle, Euripide posent les bases de la tragédie. Aristophane, celles de la comédie. À Rome, on reprend, on adapte, on amplifie. Le théâtre devient spectaculaire, parfois farceur, toujours populaire.

🎭 Exemples : Les Oiseaux d’Aristophane, Amphitryon de Plaute.

3.3. Le théâtre médiéval (Ve – XVe siècle)

Après la chute de Rome, le théâtre s’éclipse… puis revient par la porte de l’Église. On joue la Résurrection dans les monastères, on mime l’Annonciation dans les nefs. Peu à peu, la parole sacrée descend dans les rues : mystères, miracles, farces, jeux de saints. Le théâtre redevient collectif, festif, ancré dans la langue du peuple.

⛪ Exemples : Le Jeu d’Adam, Le Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban.

3.4. La Renaissance et le théâtre humaniste (XVe – XVIIe siècle)

Le monde redécouvre les Anciens. L’Italie invente la Commedia dell’Arte : masques, improvisations, types comiques. En France, Espagne et Angleterre, les dramaturges mêlent érudition et invention. Le théâtre devient un art de cour, mais aussi de foire. On réfléchit à ce qu’est un personnage, une réplique, un acte.

📚 Exemples : Le Cid de Corneille, Roméo et Juliette de Shakespeare.

Le Cid de Corneille, Acte III, scène 4.
Le Cid de Corneille, Acte III, scène 4.

3.5. Le théâtre classique et les Lumières (XVIIe – XVIIIe siècle)

En France, l’Académie règle le jeu : unité de temps, de lieu, d’action. La tragédie devient majestueuse, la comédie morale. Racine et Molière règnent sur les scènes. Puis viennent les Lumières : la scène se veut laboratoire social. On invente le drame bourgeois, on critique les privilèges, on prépare la Révolution… en riant.

🏛 Exemple : Le Mariage de Figaro de Beaumarchais.

3.6. Le théâtre romantique et bourgeois (XIXe siècle)

Place aux passions. Le romantisme balaie les règles. Les héros pleurent, aiment, meurent en pleine rue, sous des orages intérieurs. Puis vient la bourgeoisie, ses salons, ses scènes privées. Le théâtre devient plus réaliste. C’est aussi l’âge d’or du vaudeville et du boulevard : portes qui claquent, valises qui changent de main, adultères en cascade.

❤️ Exemples : Hernani de Hugo, Un chapeau de paille d’Italie de Labiche.

3.7. Le théâtre moderne (XXe siècle)

Le siècle explose. Deux guerres, des révolutions, des ruptures. Le théâtre aussi se déchire et se réinvente. Brecht demande au spectateur de réfléchir. Artaud le secoue. Beckett le fait attendre. Ionesco le désoriente. Genet le provoque. Le théâtre ne raconte plus seulement : il interroge, il dérange, il expérimente.

💥 Exemples : En attendant Godot, La bonne âme du Se-Tchouan.

3.8. Le théâtre contemporain (depuis les années 1980)

Aujourd’hui, le théâtre ne s’installe plus. Il circule. Il s’éclate. Il s’infiltre. Théâtre immersif, théâtre documentaire, théâtre d’appartement, autofiction, performance… Les formes se croisent, les frontières s’effacent. Le texte n’est plus toujours roi. Mais une chose persiste : le besoin de dire, ici, maintenant, quelque chose du monde.

🌍 Exemples : La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat, Électre des bas-fonds de Simon Abkarian.

Joël Pommerat : La Réunification des 2 Corées.
Joël Pommerat : la Réunification des Deux Corées.

4. Quels sont les grands courants du théâtre ?

On peut lire l’histoire du théâtre comme une frise chronologique. Mais on peut aussi l’aborder comme un paysage mouvant, fait de visions, de lignes de force, de gestes partagés. Car les formes théâtrales ne naissent pas seulement à une date : elles émergent d’une pensée du monde, d’un désir de dire autrement. Voici quelques grands courants qui, chacun à leur manière, ont redessiné ce que jouer voulait dire — et qui continuent, aujourd’hui encore, à inspirer les plateaux.

4.1 Le classicisme

Nous sommes au XVIIe siècle. En France, l’ordre règne — dans la langue comme sur la scène. Le théâtre se veut clair, noble, maîtrisé. Les unités (temps, lieu, action) sont là pour cadrer l’émotion, la canaliser. Les personnages sont grands, leurs dilemmes moraux aussi. On vise le vraisemblable, l’universel.
📖 Exemples : Phèdre de Racine, Le Cid de Corneille.
🗝 Signes distinctifs : vers rigoureux, destin tragique, tension contenue.

4.2 Le romantisme

Le XIXe siècle renverse la table. Le romantisme bouscule les règles au nom du cœur. Le théâtre devient un cri, un fracas, un rêve. On mélange les tons, les époques, les élans. L’émotion prime sur la structure. Le héros romantique est tourmenté, fragile, grandiose.
📖 Exemples : Hernani de Hugo, Lorenzaccio de Musset.
🗝 Signes distinctifs : éclats lyriques, scènes spectaculaires, culte du moi.

4.3. Le réalisme et le naturalisme

Puis vient le théâtre du vrai, du quotidien, des intérieurs modestes. On quitte les grands sentiments pour les silences de la vie ordinaire. On montre les conflits sociaux, les tensions familiales, les désillusions. Ibsen, Zola ou Strindberg invitent le spectateur à regarder le réel en face.
📖 Exemples : Une maison de poupéeThérèse Raquin adaptée au théâtre.
🗝 Signes distinctifs : langage simple, décors précis, psychologie fouillée.

Ibsen, Une Maison de Poupée.

4.4. Le symbolisme

En réaction, certains auteurs choisissent le retrait, le mystère, l’évocation. Le symbolisme cherche l’ombre plutôt que la lumière, le silence plutôt que le cri. Il évoque des états d’âme, des forces invisibles. Le théâtre devient murmure, rêverie, rituel d’âme.
📖 Exemple : Pelléas et Mélisande de Maeterlinck.
🗝 Signes distinctifs : atmosphères feutrées, parole rare, figures abstraites.

4.5. Le théâtre de l’absurde

Après les horreurs de la guerre, certains dramaturges cessent de croire au sens. Le langage bégaie, les situations tournent à vide, les personnages s’enlisent. L’absurde naît de cette tension entre l’attente d’un sens… et son absence. Et pourtant, on rit. D’un rire étrange, inquiet, lucide.
📖 Exemples : En attendant GodotLa Cantatrice chauve.
🗝 Signes distinctifs : dialogues circulaires, objets déroutants, solitude.

4.6. Le théâtre épique

Avec Brecht, le théâtre devient outil critique. Il ne s’agit plus de faire ressentir, mais de faire réfléchir. On casse l’illusion, on commente l’action, on interpelle le public. Le comédien montre plutôt qu’il ne devient. Le théâtre devient arène politique.
📖 Exemple : Mère Courage et ses enfants.
🗝 Signes distinctifs : distanciation, chansons, narration non linéaire.

4.7. Le théâtre de la cruauté

Artaud propose un théâtre de l’orage. Il ne veut plus de texte au centre, mais du choc, du cri, du corps. Ce théâtre cherche à toucher le spectateur dans sa chair, à le secouer, le déranger. L’expérience compte plus que le récit.
📖 Exemple : Les Cenci ou toute création inspirée par Artaud.
🗝 Signes distinctifs : corporalité extrême, sons bruts, rituel sensuel.

Antonin Artaud.
Antonin Artaud.

4.8. Le théâtre postdramatique

À la fin du XXe siècle, on assiste à une explosion des formes. Plus de récit central, parfois plus de personnages. Le théâtre devient geste, image, collage. Il emprunte à la performance, à la danse, au cinéma. Le texte, s’il est là, n’est plus roi.
📖 Exemples : spectacles de Jan Fabre, Heiner Goebbels, Castellucci.
🗝 Signes distinctifs : hybridation, discontinuité, primat du visuel.

Ces courants ne vivent pas dans des musées. Ils traversent encore nos scènes. Un spectacle d’aujourd’hui peut tout aussi bien convoquer un héros romantique, une scénographie postdramatique et un rire absurde. Metteurs en scène, auteurs, comédiens — chacun puise, détourne, croise ces héritages pour construire son propre théâtre.

5. Les formes de théâtre à connaître pour monter une pièce

Avant même le choix du texte, il y a celui de la forme. Quel cadre de jeu ? Quelle mécanique dramatique ? Quelle adresse au public ? Que l’on soit une troupe d’amateurs passionnés ou une compagnie expérimentée, s’interroger sur les grandes familles théâtrales, c’est déjà commencer à mettre en scène. Voici quelques repères pour orienter sa recherche, affiner son désir — ou simplement ouvrir le champ des possibles.

5.1. Le théâtre dialogué classique

C’est sans doute la forme la plus familière : des personnages se parlent, tissent une intrigue, construisent des scènes. Elle offre une colonne vertébrale claire, que l’on habille ensuite au gré des styles — comédie, tragédie, vaudeville ou drame intimiste.

🎭 Exemples : Le Malade imaginaire de Molière, Un air de famille de Bacri et Jaoui.
🎯 Pour qui : les groupes qui aiment travailler le texte, la diction, les intentions, la montée des enjeux.

Molière, Le Malade imaginaire
Molière, Le Malade imaginaire.

5.2. La comédie de situation

Ici, tout repose sur l’horlogerie des événements : portes qui claquent, malentendus qui s’enchaînent, secrets qui explosent. C’est un théâtre de rythme, d’espace, de précision. Les dialogues sont souvent simples, mais la mise en scène exige une grande rigueur.

🎭 Exemple : Tailleur pour dames de Feydeau.
🎯 Pour qui : les troupes en quête d’un jeu collectif tonique et d’un effet comique immédiat.

5.3. Le théâtre choral

Un théâtre de voix multiples. Pas de premier rôle, pas de héros unique : le groupe parle, résonne, construit le récit ensemble. Cela demande une grande écoute entre comédiens et une belle unité dans l’énergie.

🎭 Exemple : Nous, les héros de Jean-Luc Lagarce.
🎯 Pour qui : les ensembles nombreux, les troupes soucieuses de valoriser chaque comédien.

5.4. Le théâtre physique ou visuel

Moins centré sur la parole, plus sur le geste, le rythme, l’image. Ici, le corps est au premier plan, le décor devient langage, la lumière raconte autant que les mots. C’est un théâtre de sensation, hérité du mime, de la danse, du clown ou de la Commedia dell’Arte.

🎭 Exemples : les spectacles de Philippe Genty, ou certains textes de Matéi Visniec.
🎯 Pour qui : les comédiens à l’aise dans le mouvement, ou les projets scéniques sans dépendance au texte.

Un spectacle de Philippe Genty.
Un spectacle de Philippe Genty.

5.5. Le théâtre documentaire ou social

Le théâtre devient ici une caisse de résonance du réel. Il s’appuie sur des récits vécus, des archives, des témoignages. Il ne s’invente pas un monde, il cherche à dire quelque chose du nôtre.

🎭 Exemples : La Parole errante de Jack Ralite, Sombres présages de Magali Mougel.
🎯 Pour qui : les compagnies qui veulent ancrer leur parole dans l’époque, interroger le monde en le jouant.

5.6. Le théâtre participatif

Le public n’est plus seulement spectateur, il devient acteur du dispositif. Il répond, vote, intervient, joue parfois. Ce théâtre suppose une grande souplesse, une attention constante à ce qui se passe ici et maintenant.

🎭 Exemple : le théâtre-forum, inspiré d’Augusto Boal.
🎯 Pour qui : les projets pédagogiques, citoyens, ou les expériences collectives qui veulent faire bouger les lignes.

Choisir une forme, c’est déjà choisir un regard. C’est répondre à des contraintes concrètes (nombre de comédiens, espace disponible, durée), mais aussi affirmer une esthétique, une ambition, une direction de jeu. Chaque forme ouvre un monde. Il ne reste plus qu’à entrer.

6. Quelles époques du théâtre inspirent les comédies ?

La comédie a cette souplesse des corps qui savent d’où ils viennent. Elle traverse les siècles comme un courant d’air qui change de ton, de tempo, de masque, mais garde une même force : faire rire — et, ce faisant, dire quelque chose du monde. Chaque époque y a laissé son empreinte. Et sur nos scènes d’aujourd’hui, ces échos résonnent encore.

Dans l’Antiquité grecque, Aristophane mêlait satire politique, irrévérence crasse et visions hallucinées : des dieux grotesques, des citoyens bavards, des utopies en folie. À Rome, Plaute pose les bases d’un comique plus charpenté : quiproquos, déguisements, retours inopinés. Le comique de situation était né — et il n’a jamais quitté nos planches.

Comédie antique grecque.
Scène de comédie antique.

Puis la Renaissance italienne donne naissance à la Commedia dell’Arte. Masques, gestes, improvisation, personnages-type : Arlequin, Colombine, Pantalone. Le corps devient moteur, la ruse un art, et l’exagération une musique. Aujourd’hui encore, on retrouve ces figures — parfois dans un costume, parfois dans un sous-texte.

Le XVIIe siècle français affine tout cela. Avec Molière, la comédie devient miroir social : hypocrisie, vanité, médecine, mariage — tout y passe. Le rire éclaire, mais ne gomme rien. Les types deviennent archétypes. Et l’on continue, des siècles plus tard, à y puiser pour écrire, jouer, comprendre.

Le XIXe siècle, lui, fait du rire une mécanique. Le vaudeville perfectionne ses rouages : portes qui claquent, amants dans le placard, lettres interceptées. C’est rapide, rythmé, réglé au quart de tour. Et c’est cette rigueur-là — souvent sous-estimée — qui fait la force du comique de situation.

Puis vient le XXe siècle. Et avec lui, un autre rire. Plus inquiet. Parfois figé. Parfois glacial. Ionesco fait tourner les mots à vide. Beckett fait du silence un partenaire de jeu. Genet retourne les codes. On rit moins pour oublier que pour résister à l’absurde. C’est une autre forme de comédie — décomposée, traversée d’ombre, mais profondément scénique.

Aujourd’hui, les comédies s’écrivent à la croisée de toutes ces influences. On y entend les pas d’Arlequin, le soupir de Phèdre, les répliques de Feydeau et les ruptures de Beckett. Le rire, comme le théâtre, ne se fixe jamais. Il s’adapte, il se faufile, il survit.

Et si l’on cherche un texte à monter, ces filiations-là peuvent éclairer. Elles permettent de choisir non pas seulement un auteur, mais une famille de jeu, un type de rythme, une manière de dire et de faire rire ensemble.


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