Le comique de situation dans notre répertoire

Définition du comique de situation

La définition

Le comique de situation est un effet comique qui naît d’un décalage entre ce que les personnages croient vivre et ce que le spectateur perçoit. Il repose sur la construction d’une situation à la fois logique et absurde, dont la drôlerie vient de l’enchaînement des circonstances.

Ce qui distingue ce comique des autres formes : comique de mots, de caractères, de gestes

Contrairement au comique de mots (fondé sur les jeux de langage), au comique de caractères (reposant sur les traits d’un personnage), ou au comique de gestes (fondé sur le déplacement ou l’attitude physique), le comique de situation découle d’une mécanique dramaturgique. Il implique souvent une double lecture : celle des personnages, enfermés dans leur logique, et celle du public, qui voit les pièges se refermer.

Les fonctions du comique de situation : créer un malentendu, accélérer l’action, provoquer l’effet de surprise

Le comique de situation permet :

  • De créer des quiproquos, malentendus et décalages comiques.
  • D’accélérer le rythme de l’action par l’enchaînement de conséquences inattendues.
  • De produire l’effet de surprise par retournement soudain de situation.

Les procédés du comique de situation

Le quiproquo

Le quiproquo repose sur une erreur d’identité ou une interprétation erronée de la situation. Les personnages sont persuadés de savoir à qui ou à quoi ils ont affaire, mais se trompent, ce qui les pousse à adopter des comportements absurdes ou inadaptés.

  1. Ginette Présidente : Dans la scène d’ouverture, Marianeau, endormi nu dans son bureau après une soirée arrosée, est réveillé par Rosie et Ginette. Encore à moitié ivre, il croit être dans son appartement. Le comique naît du décalage entre ce que Marianeau croit (être en terrain conquis) et la réalité (il s’expose publiquement dans son propre lieu de travail).
  2. Faux Profil : Andrew dialogue par messages avec ce qu’il pense être une nouvelle conquête séduisante rencontrée sur un site de rencontres. En réalité, il parle à sa propre compagne, Stella, qui l’espionne à travers un faux compte. Le comique réside dans le fait qu’il dévoile, sans le savoir, sa duplicité amoureuse à celle qu’il trahit. Ce jeu d’identité dissimulée provoque des scènes à double niveau de lecture, hilarantes pour le spectateur, douloureuses pour les personnages.
  3. Le Partage du Gâteau : Marc-Antoine a trois frères jumeaux parfaitement identiques. Au fil de la pièce, chacun d’eux est confondu avec lui par divers personnages : son associé, sa propre femme, des policiers. Ces confusions créent une chaîne d’incompréhensions et de décisions erronées. Un personnage menace l’un des frères, croyant faire pression sur l’héritier, tandis qu’un autre tente de séduire le mauvais sosie. Le comique de situation provient de l’entrelacement de ces quiproquos qui ne peuvent se résoudre qu’à la toute fin, dans une scène d’aveux collectifs.

Le malentendu verbal

Le malentendu verbal repose sur une compréhension divergente d’un mot, d’une intention ou d’une situation. Là où un personnage pense être clair, l’autre projette un autre sens, créant un décalage comique involontaire.

  1. Dans Adultère et Conséquences, Berthier, lassé de devoir justifier les retards du docteur Marianeau, invente une explication absurde pour calmer Finkelstein, un patient angoissé : le docteur le fait attendre avec une visée thérapeutique pour renforcer sa patience. À la surprise générale, Finkelstein prend l’idée très au sérieux et s’en réjouit. Ce malentendu sur un mensonge improvisé devient pour elle une révélation spirituelle. Le comique repose ici sur la projection délirante d’un sens profond là où il n’y a qu’un expédient ridicule.
  2. Dans Omnibus Café, Johanne revient de chez le coiffeur et attend que sa nouvelle coupe fasse sensation. Elle évoque fièrement sa mèche asymétrique, son effet décoiffé-travaillé, mais Simone, puis d’autres clients, ne remarquent rien. Le décalage entre son attente de reconnaissance esthétique et l’indifférence générale engendre un comique doux-amer : ce n’est pas une situation dramatique, mais une illustration très juste des malentendus quotidiens sur la perception de soi.

L’inversion des rôles

Le principe d’inversion des rôles consiste à redistribuer les rapports de pouvoir entre les personnages, à rebours de ce que leur statut ou leur posture initiale laissait présager. Cela produit un comique fondé sur le renversement des attentes.

  1. Dans Ginette Présidente, Ginette est introduite comme une femme de ménage invisible, simple et peu au fait des rouages politiques. Mais, à la faveur de circonstances absurdes et de discours interprétés comme visionnaires, elle accède au poste de PDG. Le contraste entre son profil initial et sa position finale constitue un renversement comique d’autant plus fort que personne, pas même elle, ne semble en comprendre la logique.
  2. Dans Une femme idéale, Armand commence la pièce dans une posture de domination : il trompe sa femme, donne le ton de la conversation, pense manipuler la situation. Mais au fil du dialogue, Virginie, tout en douceur, retourne les armes du langage contre lui. Elle prend peu à peu l’ascendant psychologique et émotionnel, jusqu’à contraindre Armand à se justifier. Le renversement est discret mais profond, et marque un basculement du pouvoir conjugal.
  3. Dans Hôtel Beaumanoir, les employés de l’hôtel, censés servir les clients avec soumission, imposent peu à peu leurs codes absurdes à ces derniers. Une tradition semble dicter les règles de savoir-vivre et d’élégance à une clientèle désorientée, au nom d’une tradition maison totalement fantasmée. Les clients, au lieu d’être souverains, deviennent de petits soldats d’un protocole illisible. Le comique repose sur cette subversion de la hiérarchie habituelle du monde hôtelier.

L’effet domino ou engrenage

Ce procédé repose sur l’effet boule de neige : un événement anodin provoque une suite de réactions disproportionnées, dont les personnages perdent rapidement le contrôle. Le spectateur, témoin du mécanisme, anticipe le chaos à venir et rit de l’implacable logique de l’absurde.

  1. Dans Lady Baba, Marie-Ségolène, issue d’un milieu bourgeois, chante en secret dans des cabarets sous le pseudonyme de Lady Baba. Ce secret, au départ bien gardé, déclenche une série de catastrophes lorsqu’il menace d’être révélé : son père débarque, suivi d’un paparazzi, puis d’un ancien amant. Chaque tentative de dissimulation ou d’explication en rajoute une couche. Plus elle tente de s’expliquer, plus elle s’enfonce. Le comique repose sur la perte totale de contrôle d’un mensonge initialement tu.
  2. Dans Coriaces, Amaury et Diane ne savent comment faire garder leur chat. Ce problème en apparence simple est le point de départ d’une spirale infernale aboutissant à la destruction du couple et d’une partie de leur jardin…

La coïncidence improbable

Ce ressort comique repose sur l’imprévu parfait : deux intrigues ou intentions parallèles se croisent de façon involontaire, souvent dans un même lieu. Ces coïncidences provoquent des confrontations explosives, d’autant plus comiques qu’aucun personnage ne les a voulues.

  1. Dans Hôtel Beaumanoir, la rumeur d’une visite d’un guide touristique vient percuter plusieurs vols dans la cave de l’hôtel. Ce télesopage, né de coïncidences fortuites, produit chez la directrice de l’hôtel une nervosité exacerbée et une mécanique comique irrésistible.
  2. Dans Une femme idéale, Armand, Virginie et Estelle n’avaient aucune intention de se croiser ce jour-là. Armand pense retrouver sa maîtresse sans être dérangé, Virginie revient de voyage en avance. Leur confrontation triangulaire est le fruit du pur hasard. Le public, témoin de cette convergence improbable, rit de la manière dont l’accident devient révélateur des vérités enfouies.
  3. Dans Adultère et Conséquences, deux couples adultères fréquentent sans se consulter le même cabinet médical. Chacun pense y trouver un espace discret, un prétexte crédible pour s’absenter. Mais à mesure que les scènes se succèdent, les personnages commencent à se croiser, à se reconnaître, à confondre les identités. Le comique repose ici sur la multiplication des coïncidences gênantes, qui réduisent à néant les efforts de dissimulation.

L’ironie dramatique

L’ironie dramatique repose sur un décalage de savoir entre le public et les personnages. Le spectateur dispose d’informations que les protagonistes ignorent. Il anticipe alors les quiproquos, les maladresses ou les révélations à venir, ce qui produit un effet comique redoublé par la tension de l’attente.

  1. Dans Faux Profil, le spectateur sait dès le début que Sophie n’est pas une véritable inconnue mais une amie complice de Stella. Andrew, lui, croit séduire une étrangère en ligne, alors qu’il est manipulé à son insu. Le rire naît de cette avance du public, qui voit Andrew s’enfoncer dans le mensonge, révélant sa duplicité sans se douter qu’il est observé. L’écart entre son assurance et la vérité que nous connaissons le rend pathétique et drôle.
  2. Dans Hôtel Dracula, deux voyageuses se présentent. Très vite, nous apprenons qu’il s’agit de deux chasseuses de vampires. Le spectateur, mieux informé, attend avec jubilation le moment où la vérité éclatera. Le comique réside dans le contraste entre l’inquiétude rampante du public et l’insouciance des vampires qui sont en réalité la proie des chasseuses.
  3. Dans Ginette Présidente, Ginette est présenté par Marianeau comme sa femme auprès de son n+1, alors qu’elle n’est qu’une simple femme de ménage. Cet écart entre le statut affiché et le langage du personnage provoque une série de gags, mais maintient aussi le suspense : si le supérieur de Marianeau découvre le pot-aux-roses, il risque sa place.

La dissonance entre intentions et résultats

  1. Faux Profil : Stella met en place un stratagème pour tester la fidélité de son compagnon, Andrew, en le piégeant sur un site de rencontres à l’aide d’un faux profil. Son objectif est clair : le prendre sur le fait pour rétablir une forme de vérité dans leur couple. Mais ce qui devait être un test limité se retourne contre elle. Andrew se montre tellement enthousiaste à l’idée de séduire cette inconnue — en réalité Stella elle-même — qu’elle découvre une trahison plus profonde que ce qu’elle imaginait. L’épreuve, censée renforcer la relation, en révèle la vacuité et conduit à la rupture. La stratégie échoue précisément parce qu’elle fonctionne trop bien.
  2. Ginette Présidente : Marianeau veut neutraliser Ginette et préserver sa place de directeur, mais la propulse malgré lui à la tête de l’entreprise. Surpris dans une position embarrassante avec Ginette — il est nu, elle est dans la douche —, il improvise et la fait passer pour sa femme auprès de son propre supérieur hiérarchique. Ce dernier, séduit par la fraîcheur de pensée de cette supposée conjointe, décide de la nommer à la tête de l’entreprise en remplacement de Marianeau. Ainsi, non seulement Marianeau échoue à neutraliser Ginette, mais il devient lui-même l’instrument de son ascension. Le comique repose ici sur une dissonance parfaite entre son intention initiale (la discréditer) et le résultat obtenu (l’introniser), dans un engrenage dont il est victime.
  3. Du parmesan dans les tagliatelles : Brigitte veut faire bonne impression, et ruine sa crédibilité. Elle invite son manager chez elle, désireuse de montrer ses compétences professionnelles, mais cela tourne au fiasco. L’échec n’est pas dû à des erreurs fatales, mais à la disproportion entre l’intention (éblouir) et le résultat (s’effondrer). Plus elle cherche à contrôler l’image qu’elle renvoie, plus elle s’expose à la moquerie — et perd toute crédibilité, y compris professionnelle.

La signification du comique de situation

Dimension sociale : Mettre en scène la norme et sa transgression

Le comique de situation révèle souvent, derrière le rire, une mise à l’épreuve des normes sociales. Il s’appuie sur des règles implicites — de classe, de langage, de conduite — pour mieux les faire vaciller. Ce jeu entre conformité et déraillement donne lieu à une critique douce-amère des hiérarchies et des codes dominants.

  1. Ginette Présidente : Le comique naît ici d’un renversement complet de l’ordre social. Ginette, femme de ménage sans pouvoir ni réseau, se retrouve propulsée à la tête d’une entreprise de haute technologie. Ce renversement ne se fait pas par mérite professionnel ou intrigue personnelle, mais par une série de malentendus et d’interprétations hasardeuses. La pièce pointe avec malice l’arbitraire des hiérarchies d’entreprise : la parole de Ginette, parce qu’elle est perçue comme celle d’une femme « simple », est d’abord moquée… puis érigée en manifeste de bon sens entrepreneurial. Le rire souligne ici combien les normes sociales sont construites, et donc aisément renversables.
  2. Lady Baba : Marie-Ségolène, jeune femme issue de la haute bourgeoisie, mène une double vie : le jour, elle incarne l’ordre social conservateur, et la nuit, elle devient Lady Baba, chanteuse extravagante de cabaret. Le comique de situation surgit lorsque ces deux sphères — l’univers des convenances et celui de la liberté artistique — entrent en collision. Les mensonges s’enchaînent pour maintenir les apparences, mais finissent par exploser. À travers ce jeu d’identités croisées, la pièce interroge la pression à la conformité dans les classes dominantes et valorise, sous couvert d’ironie, une émancipation des normes genrées, sociales et culturelles.
  3. Qui veut devenir maire : la figure d’autorité de l’élue locale est ravalée au rang de candidate de jeu de télé-réalité. La procédure électorale devient une compétition et un divertissement jouant sur la crainte et la pitié.

Dimension psychologique : les peurs universelles du ridicule et du malentendu

  1. Une femme idéale : Peur de la trahison et de la souillure du paraître.
  2. Un Mensonge pour la vérité : Peur d’être manipulé ou de ne pas être aimé.
  3. Qui veut devenir maire  : Crainte du jugement social.

L’écriture du comique de situation

Travailler les enchaînements logiques mais inattendus

  1. La Vie de Bureau : L’inexpérience d’une commercial conduit à un échec, rattrapé in extremis.
  2. Ginette Présidente : Mécanique de promotion sociale involontaire fondée sur des malentendus.
  3. Un Mensonge pour la vérité : un mensonge initial entraîne une succession d’autres mensonges.

Penser à l’information détenue par chaque personnage et par le public

  1. Du parmesan dans les tagliatelles : Le public connaît les secrets que Paul et Ophélie tentent de cacher à Brigitte.
  2. Hôtel Dracula : L’identité des chasseurs de vampires est cachée à leurs proie jusqu’au ⅔ de la pièce.
  3. Adultère et Conséquences : Toute la pièce repose sur le fait que les vérités que Marianeau tente de cacher vont peu à peu être révélées à tout le monde.
  4. Faux profil : Sophie fait croire à Andrew qu’il est en présence d’une parfaite inconnue. L’ambiguïté est d’autant plus forte que Stella, complice déguisée, observe en silence. Le spectateur, mis dans une position de surplomb, savoure l’écart entre ce qu’Andrew croit vivre (un jeu de séduction sincère) et la manipulation orchestrée par les deux femmes.
  5. Le Partage du Gâteau : l’un des ressorts comiques tient à la double présence de sosies. Le spectateur comprend que les personnages sont trompés par des ressemblances physiques, tandis que les personnages croient voir des comportements incohérents ou manipulateurs. Le rire naît de l’incompréhension mutuelle amplifiée par cette asymétrie de perception.

Construire une escalade comique

  1. Ginette Présidente : Chaque discours de Ginette accentue malgré Marianeau et malgré elle le pouvoir qu’elle prend dans l’entreprise.
  2. Hôtel Beaumanoir : Tous suspectent tout le monde d’être le critique descendu incognito dans l’hôtel, crescendo.
  3. Le Partage du Gâteau : les confusions entre les identités des triplés sont de plus en plus nombreuses à mesure que la pièce avance.
  4. Adultère et conséquences : les entrées successives de patients dans le cabinet, et leurs sorties précipitées, rejouent une même mécanique : un personnage veut cacher un secret, un autre l’oblige à se démasquer, puis un tiers entre et relance le quiproquo. La situation s’aggrave à chaque reprise, selon un schéma cyclique mais ascendant.

Jouer sur les entrées et les sorties des personnages

  1. Adultère et Conséquences : Marianeau engage un véritable jeu de cache-cache avec sa femme et sa belle-famille.
  2. Omnibus Café : Les deux amantes de Christian ne se croisent jamais, jusqu’au jour où…

Utiliser l’espace et les objets

  1. Adultère et Conséquences : Marianeau est l’inventeur du « Sleep-Fast », un hypnotiseur de poche fulgurant dont les applications sont nombreuses.
  2. Ginette présidente : La société présentée dans la pièce développe un aphrodisiaque aux effets immédiat : le « Get-Up ».
  3. Hôtel Beaumanoir : Montserrat, cantatrice ayant perdu sa voix, fait du play-back sur la voix de son assistante, Maria, qui est cachée derrière un paravent. Jusqu’à ce qu’un groom ne l’enlève…
  4. Faux profil : la pièce se déroule simultanément sur deux espaces, chez Andrew et chez Stella, ce qui permet de voir non seulement le stratagème opérer sur Andrew mais aussi les coulisses du stratagème, mené par Stella et Sophie.

Découvrez nos comédies de situation

Tous les textes cités dans cet article sont disponibles au téléchargement sur rivoireetcartier.com. Vous y retrouverez le comique de situation sous toutes ses formes : quiproquos, engrenages absurdes, retournements inattendus, et plus encore.

Parmi nos comédies de situation les plus demandées :

Consultez aussi nos articles en relation avec la thématique :

Bonne lecture et bon téléchargement !


Cet article vous a plu ? Pour ne rater aucune publication, inscrivez-vous sur le site et abonnez-vous à notre Lettre de Nouvelles.

Retour en haut