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Quand une porte devient une frontière entre le connu et l’inconnu
Accordez-nous moins d’une demi-heure de lecture et plongez votre public dans une comédie absurde et captivante sur la quête et les limites de l’humain (même si vous avez peu de moyens).
Avant de vous en dire plus, on a 3 questions rapides à vous poser :
🆘 Vous ne voulez pas d’un texte simpliste ?
🆘 Vous fuyez les textes qui sont de simples divertissements ?
🆘 Vous n’aimez pas les pièces qui traînent en longueur ?
Si vous avez répondu oui à au moins deux questions, alors lisez vite ce qui suit !
Résumé :
Dans un espace indéterminé, Lui et Elle se retrouvent face à une porte qu’ils ne peuvent ni ouvrir ni contourner. Ce simple obstacle devient le centre d’une confrontation hilarante et philosophique où leurs croyances, leurs espoirs, et leurs frustrations se heurtent violemment. Entre dialogues incisifs et situations absurdes, cette pièce interroge la nature humaine et les limites du libre arbitre.
En accédant au texte intégral de Urbi et Orbi, vous obtiendrez un fichier PDF de 16 pages pour un poids ultra-réduit de 204 Ko, téléchargeable sur votre ordinateur, votre tablette, votre téléphone, et imprimable sur n’importe quel support. La mise en page vous permettra de noter sur le texte toutes les indications et notes de régie que vous jugerez utiles.
Avec « Urbi et Orbi », vous découvrirez :
✅ Une comédie absurde et percutante : un texte qui amuse autant qu’il fait réfléchir sur la condition humaine.
✅ Deux personnages riches et nuancés : un duo fascinant où chaque acteur peut démontrer une large palette de jeu.
✅ Un décor minimaliste : une porte suffit pour que la pièce puisse se jouer.
✅ Une exploration des dilemmes humains face à l’inconnu et à l’impossible, qui parle à tout un chacun.
✅ Un texte qui propose une atmosphère mystérieuse qui marque le public.
Ces dernières années, ce texte a souvent été choisi dans des ateliers et des cours de théâtre, ou encore pour des auditions.
Intéressé(e) ? Téléchargez gratuitement le texte intégral de Urbi et Orbi et laissez votre public plonger dans une aventure théâtrale où le trivial devient essentiel.
Attention : déconseillé aux Compagnies qui n’aiment pas l’absurde !
Voir d’autres comédies pour 2 personnages
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Facsimile forme, avec De Profundis Clamavi et Urbi et Orbi, un triptyque consacré au monde du travail.
Les trois textes n’ont pas été écrits en même temps, mais dans la même dynamique, coïncidant avec la réédition de l’intégrale de la série « The Twilight zone ». Cette série américaine, diffusée pour la première fois à la fin des années 50, propose généralement des courts métrages de 25 minutes jouant sur l’étrange, le fantastique et la science-fiction.
« Cartier et moi étions très fans de la série. Quand les dvd sont sortis, nous avons regardé tous les épisodes, un par un. » affirme Antoine Rivoire. « La série est produite par Rod Serling, qui écrit et réalise certains épisodes. On le voit souvent au début de la narration, présentant les personnages. Les scénarios sont signés par des pointures comme Ray Bradbury ou Richard Matheson. Les acteurs sont Charles Bronson, Robert Redford, etc. Attirés depuis toujours par l’étrange, nous avons essayé d’écrire des petits textes qui auraient pu intégrer la série. Et ça a donné ‘De profundis clamavi’ et ‘Facsimile’ »
Texte intégral d’Urbi et Orbi à lire ou à imprimer
PERSONNAGES
Elle
Lui
Une porte.
LUI paraissant, se dirige vers la porte et tourne la poignée. La porte ne s’ouvre pas. Il essaie une deuxième fois sans succès. Il regarde la porte. Il tente une troisième fois puis une quatrième fois de l’ouvrir, mais la porte reste fermée. La cinquième fois, il recommence en appuyant de tout son poids contre la paroi. Échec. Essoufflement. Merde alors…
ELLE paraissant, se dirige vers la porte et fait signe à LUI de s’écarter. Pardon Monsieur. (Elle tourne la poignée de la porte, mais elle ne s’ouvre pas. Elle essaye une deuxième fois sans résultat.) Qu’est-ce qui se passe ?
LUI. Bloquée.
ELLE. Bloquée ?
LUI. Oui.
ELLE. Très embêtant. J’ai un rendez-vous. Un rendez-vous très important. Déjà en retard.
LUI. Moi aussi, figurez-vous.
ELLE. Un rendez-vous ?
LUI. Oui.
ELLE. Peut-être le même ?
LUI. Drôle d’idée. Vous allez où ?
ELLE. « Barrackingcox Corporation ». Et vous ?
LUI. Fan Djin.
ELLE. Pardon ?
LUI. Fan Djin. Mon acuponcteur.
ELLE. Qu’est-ce qu’on peut faire ?
LUI. Ce que j’étais en train de me demander.
ELLE. Si on appelait ?
LUI. Appeler qui ?
ELLE. J’en sais rien. Y a bien quelqu’un derrière cette porte.
LUI. Pourquoi pas.
Court silence.
ELLE. Allez-y.
LUI. Pourquoi moi ?
ELLE. Vous avez la voix qui porte.
LUI. Vous croyez ?
ELLE. Dépêchez-vous. Allez. On ne va pas passer la nuit ici.
LUI, timidement. O-oh !
ELLE. Plus fort.
LUI, avec un peu plus de puissance. O-oh !
ELLE. Plus fort ! Vous avez vu la cloison ? Personne ne vous entendra comme ça.
LUI, fort. Ohé ! Ya quelqu’un ?
ELLE. Mais allez-y franco ! Faut que je vous montre ? (Vers la porte, très fort.) Ohé ! Ya quelqu’un ?! Ouvrez cette porte ! (À lui.) Comme ça !
LUI, très fort. O-o-o-hé ! Ou-vrez-cette-porte !
ELLE, frappant sur la porte en criant. Il y a des gens qui travaillent ici ! Ouvrez cette porte !
LUI, frappant également sur la porte tout en hurlant. —Vous allez l’ouvrir, cette putain de porte ?!
ELLE, frappant violemment en aboyant. On peut savoir ce que vous branlez là-dedans ?! OU-VREZ-LA-POOOORTE !
LUI, à pleins poumons, en cognant méchamment la porte. LA POOOOOORTE !!
ELLE, de toute sa puissance, bourrant la porte de coups de poings. LA POOOOOOORTE !!!
LUI et ELLE, scandant et rythmant leurs cris de coups sur la porte. LA PORTE ! LA PORTE ! LA PORTE ! LA PORTE ! LA PORTE ! LA PORTE !
LUI, redonnant un coup sur la porte. Mal entendants !
ELLE, essoufflée. Séniles !
Court silence.
ELLE. Une seconde, ça me revient maintenant, j’ai un numéro. (Elle fouille dans son sac à main.) Le gardien ou quelque chose comme ça. (Elle tire un papier de son sac.) Voilà ! (Elle lit.) Ouais. Tenez-le moi. (Elle lui donne le papier et refouille dans son sac.) Où est ce téléphone ? (Elle trouve son téléphone.) Alors… je ne sais même plus comment…
LUI, s’approchant. Faites voir. (Il se saisit du téléphone.) C’est là. (Il appuie.) Ça ne marche pas.
ELLE. Attendez. (Elle lui prend le téléphone des mains et appuie, faisant visiblement un gros effort. Échec. Elle jette le téléphone par terre.) Ingénierie française !
LUI, sortant son téléphone. Prenez le mien.
ELLE, saisissant le papier et le téléphone. Merci. (Elle compose un numéro et attend.)
LUI. Alors ?
ELLE. Ça sonne. (Silence.)
LUI. Alors ?
ELLE. Chut ! Ça sonne encore. (Silence.) Il est parti au café ou quoi ? Silence. Répondeur ! (Elle raccroche et lui rend le téléphone.)
LUI, lui tendant le téléphone. Réessayez.
ELLE. Vous avez l’heure ?
LUI, regardant sa montre. 54.
ELLE. C’est pas possible ! Ils sont très à cheval. Chez Barrackingcox. Très à cheval sur la ponctualité.
LUI, lui retendant le téléphone. Réessayez.
ELLE. Un moment. Je crois que nous avons besoin de faire le point. Nous avons entrepris tout ce qui était humainement et technologiquement permis à des gens civilisés énervés, d’accord, mais civilisés, malgré tout. Or, moi je dis que fermer ainsi une porte dont on sait pertinemment qu’elle est nécessaire à la libre circulation des personnes, fermer ainsi une porte n’est pas un acte civilisé. C’est l’acte d’un je-ne-sais-quoi, d’un Zoulou, d’un dinosaure, mais ce n’est pas l’acte de quelqu’un qui vit dans le monde moderne. À quelle époque sommes-nous ? Au Moyen-Âge ? Chacun va-t-il bâtir autour de lui sa petite citadelle et jeter de l’huile bouillante sur ceux qui voudront entrer ? Chacun va-t-il se replier sur son petit lopin de gazon, planter un drapeau, faire sécession, réclamer l’indépendance ou je-ne-sais-quoi ? Moi, je n’ai pas peur de le dire, je suis citoyenne du monde. En tant que telle, nul ne peut me refuser ce droit imprescriptible : aller à ma guise. Si les hommes du monde entier voulaient bien percer toutes leurs serrures, nul doute que l’avenir nous sourirait. En conséquence, devant tant de misanthropie, d’obsolescence, et même, oui, j’ose le dire, devant tant de barbarie, je déclare que nous devons passer aux choses sérieuses. C’en est fini d’aborder le problème avec des pincettes. (À LUI, désignant la porte.) Défoncez-moi ça !
LUI. Je vous demande pardon ?
ELLE. Défoncez-moi ça !
LUI. Vous avez dit « Défoncez-moi ça ! » ?
ELLE. J’ai dit « Défoncez-moi ça ! » !
LUI. Vous voulez que je défonce ça ?
ELLE. Je veux que vous défonciez ça.
LUI. La porte ?
ELLE. La porte.
LUI. Vous perdez votre sang-froid.
ELLE. Pas du tout. Ma décision, comme vous avez pu le constater, est le résultat d’un raisonnement logique. Vous avez quelque chose à y redire ?
LUI. On ne peut pas défoncer cette porte.
ELLE. Nous avons essayé de l’ouvrir, nous avons appelé, par nous-mêmes puis en téléphonant au gardien. Que voulez-vous faire de plus ? Téléphoner encore une fois ? Si vous ratez votre rendez-vous, vous pourrez tout de même prendre une autre séance d’acuponcture. Moi, je risque ma place. Vous comprenez ?
LUI. Bien sûr. (Se positionne en face de la porte.) Je ne sais pas si j’en suis capable.
ELLE. Vous plaisantez ? Un jeu d’enfant. Vous n’êtes pas bien fort, c’est entendu. Mais ce n’est pas une question de masse musculaire. C’est une question de point d’attaque. Si vous portez le coup au bon endroit, vous êtes sûr d’y arriver. J’ai vu ça à la télé.
LUI, donnant des petits coups dans la porte. Vous en parlez comme si c’était une feuille de papier. Ça a l’air résistant.
ELLE. Épais, tout au plus. Mais bourré de la laine de verre. Ça atténue le son. La preuve : à l’instant personne ne nous a entendus. Si vous vous placez bien, ça rentrera comme dans du beurre.
LUI, se mettant devant la porte, de biais. Comme ça ?
ELLE, rectifiant la position. C’est ça. Perpendiculairement à l’axe de la porte. Reculez encore. Encore. Il faut prendre votre élan sur au moins 3 mètres. (Il recule encore. Puis s’élance soudain.) Attendez ! Pas avec l’épaule, hein ? Parce que là, c’est hôpital et tout le reste. Vous êtes de côté, c’est l’épaule qui entre en contact avec la porte, mais c’est l’ensemble du corps qui accompagne le mouvement. Allez. Bien au milieu de la porte. (Il recule. S’élance, mais stoppe.)
LUI. Une petite seconde.
ELLE. Aucun risque, je vous dis.
LUI. C’est pas le problème. Qui va payer ?
ELLE. Pardon ?
LUI. Qui va payer ?
ELLE. Payer quoi ?
LUI. Je défonce la porte, nous franchissons le seuil et après ? Qui va payer la réparation de la porte ?
ELLE. J’en sais rien.
LUI. Vous me faites tout un couplet sur la citoyenneté et la barbarie, et ensuite, vous voulez que je défonce une porte sans vous préoccuper du dédommagement ? ça ne me paraît pas très responsable. Pas très citoyen. Presque barbare.
ELLE. Vous êtes assuré ?
LUI. Évidemment.
ELLE. C’est un cas de force majeure. Votre assurance vous couvrira.
LUI. Je n’en suis pas sûr.
ELLE. Impossible. Même les contrats les plus élémentaires prennent en charge ce genre d’avanies.
LUI. Vous savez, les assureurs, quand il s’agit de dédommager…
ELLE, enlevant sa veste. Écoutez, je ne veux pas, je ne peux pas m’offrir le luxe de discuter. Je vous ai demandé ça à vous, parce que de nous deux, l’homme, c’est vous. Physiquement, cet exploit vous est plus facile qu’à moi. Mais puisque vous refusez de coopérer, je le ferai moi-même. Assurance ou pas, cette porte ne peut pas me résister une minute de plus, sinon c’est ma vie, et non cette porte, qui va se retrouver en morceaux. Chez Barrackingcox, l’heure, c’est l’heure. La deadline c’est 5 minutes de retard. Après ciao. Poussez-vous ! J’ai une famille, j’ai des enfants. (Elle recule.) J’ai un crédit à rembourser, une voiture à faire réviser. (Elle enlève ses chaussures.) Et puis, il ne sera pas dit que j’échouerai à terrasser le dragon de la barbarie. Question de principe. Sainte Georgina. (Elle court vers la porte.)
LUI, l’arrêtant. Non ! (Il enlève sa veste.) J’y vais. Après tout, au diable les assurances ! Excusez-moi, je suis trop timoré, je le sais…
ELLE. Perpendiculaire, l’épaule touche mais le corps accompagne, en plein milieu. (Elle l’a fait reculer.) Allez !
LUI courant, mais ralentissant et percutant cependant la porte. Aïe !
ELLE. Évidemment ! Si vous ralentissez !
LUI, visiblement touché. La vache ! Je crois que je me suis cassé quelque chose…
ELLE. Mais non ! Mais non ! Vous avez un peu mal, c’est normal. Il faut courir plus vite. Réessayez.
LUI, la main sur son épaule. Attendez.
ELLE. Non, surtout pas. Quand on tombe de cheval, il faut remonter tout de suite. Qu’est-ce qu’on fait d’autre, dans la vie, sinon essayer d’ouvrir des portes qui résistent ? (Ce disant, elle l’a fait reculer.) Cette fois-ci, lorsque vous arrivez près de la porte, au lieu de ralentir, accélérez. (Il court.) Accélérez. Accélérez ! (Il accélère et percute la porte de plus belle.)
LUI, hurlant. Ah !
ELLE, courant le ramasser et le ramenant à son point de départ. Faut recommencer tout de suite.
LUI, criant. Attendez !
ELLE, derrière lui, le poussant. C’est rien ! (Elle le jette sur la porte.) Allez !
LUI, déchirant. Oooh ! Alors là !… alors là !
ELLE. Mais vous êtes nul !
Moment de silence. Il grogne, massant doucement son épaule. Elle, ivre d’une rage sourde, réfléchit.
ELLE. Utilisons notre sens de déduction : qui a la clef de cette porte ?
LUI. Y a pas de clef.
ELLE. De mieux en mieux. Une porte qu’on ne peut pas ouvrir. Dans ces cas-là, on ne fait pas une porte. On fait un mur. Ça évite un certain nombre de malentendus.
LUI. Y a pas de clef parce que y a pas de serrure. Vous avez vu une serrure sur cette porte ?
ELLE, observant. Non. C’est pourtant vrai. Y a un verrou derrière ou quoi ?
LUI. Ça s’ouvre avec une carte. Regardez la petite fente au-dessus de la poignée.
ELLE, observant. Ah oui. Y a une petite fente. Et alors on met une carte et ça s’ouvre ?
LUI. Oui. Une carte rouge, je crois.
ELLE. Rouge ? Attendez. (Elle fouille dans son sac. Elle en sort une carte rouge.) Une carte comme celle-là ?
LUI. Exactement ! Vous ne pouviez pas le dire avant ?
ELLE. Est-ce que je pouvais le deviner ? « Service des éléments entrants ». De là qu’elle vient. Si j’en crois l’inscription. (Elle enfonce la carte dans la fente. Un déclic se produit. Interloquée, elle regarde LUI.)
LUI. Vous pouvez y aller. C’est ouvert.
ELLE, remettant la carte dans son sac. Je ne vous félicite pas. Si vous aviez eu un peu plus de présence d’esprit, je ne serais pas en train de risquer ma vie professionnelle. (Elle tourne la poignée. La porte s’ouvre. Il s’avance vers l’embrasure.) Attendez une seconde. Qui me dit que vous avez le droit ?
LUI. Que voulez-vous dire ?
ELLE. Qui me dit que vous avez le droit de passer cette porte ?
LUI. Le droit ?
ELLE. Vous avez la carte rouge ?
LUI. Non.
ELLE. Y a une raison. Sûrement.
LUI. Où voulez-vous en venir ?
ELLE. Si vous n’avez pas de carte rouge, c’est peut-être que vous n’êtes pas habilité à franchir cette porte.
LUI. Comment ça ? Et tous vos beaux discours sur la liberté de circuler ?
ELLE. Liberté de circuler n’équivaut pas à anarchie, mon petit pote.
LUI. « Mon petit pote » ?
ELLE. Parfaitement, mon petit pote. Où irions-nous si n’importe quel énergumène se promenait au gré de ses lubies ? Liberté de circuler n’équivaut pas à jungle, mon petit pote.
LUI. Cessez de m’appeler mon petit pote.
ELLE. J’ai la carte rouge. Bon, j’ai oublié qui me l’a donnée mais on me l’a donnée. Quelqu’un, quelque part, a décidé que je pouvais ouvrir cette porte, que si j’ouvrais cette porte, cela n’aurait pas d’impact négatif sur ce qu’il y a au-delà ni en deçà de cette porte. Toi, tu n’as pas la carte rouge. Ça veut dire que personne n’a voulu que tu franchisses cette porte. Il y a encore des espaces qui sont protégés, mon petit pote. Des lieux où on ne peut pas faire n’importe quoi, mon petit pote. Je vais t’apprendre le respect, moi.
LUI. Si vous voulez m’apprendre le respect, commencez par me vouvoyer et par cesser de m’appeler mon petit pote.
ELLE, hurlant. Ta carte !
LUI, surpris. Non mais…
ELLE, hurlant. Montre-moi ta carte !
LUI. J’ai pas de carte !
ELLE. Alors fous le camp avant que je m’énerve.
LUI, voulant forcer le passage. C’est ce qu’on va voir.
ELLE, dans l’embrasure, s’interposant. Déconne pas avec moi. Si je sors ma lacrymo tu vas chialer ta mère.
LUI, vaguement craintif. Mais je croyais que vous étiez pressée. Vous m’avez dit que vous risquiez votre place.
ELLE. J’ai encore quelques minutes pour profiter de cette opportunité. Tu veux passer ? Qu’est-ce que tu me donnes ?
LUI, essayant de partir. Rien du tout ! Allez vous faire soigner !
ELLE, sortant une bombe lacrymogène, le saisissant par le col. Je ne vais nul part et toi non plus. Je te préviens, bouge pas. Une rasade de ça à bout portant dans les yeux et t’es bon pour la canne blanche. Allons, sois pas ingrat. Je t’ouvre la porte, je perds mon job et tu veux rien me donner ? Qu’est-ce que je vais dire aux enfants, ce soir ? « Bonsoir les enfants, maman a perdu son travail. Pour le dîner, servez-vous dans les deux poubelles au fond de la cour ! » ? ça m’écœure, cette absence moderne de solidarité. Sors ton portefeuille.
LUI. Hein ?
ELLE, pointant sa bombe lacrymogène sur ses yeux. Aboule ! (Il s’exécute.) Tu vois quand tu veux. (Elle en sort quelques billets qu’elle met dans sa poche. Elle lui rend son portefeuille.) Merci. C’est très sympa. (Il fait mine de se diriger dans l’embrasure, mais elle l’arrête encore avec la bombe lacrymogène.) Hop, hop, hop ! C’est pas fini. (Elle le toise.) Tu fais quelle taille ?
LUI. Ah non !
ELLE. Quelle taille ?!
LUI. Pas la vôtre ! Pas la vôtre !
ELLE. Qu’est-ce que tu t’imagines ? Que je porte des pantalons d’homme ? Pour qui tu me prends ? En revanche, c’est une très fâcheuse habitude qu’a contractée l’individu dont j’ai eu deux enfants.
LUI, voulant partir. Cette fois-ci c’en est trop !
ELLE, le retenant avec la bombe lacrymogène. Ça va pas être gai, ce soir. Si en plus j’arrive les mains vides, j’aurai droit à un drame. En revanche, si j’offre un pantalon au père de mes fils, la pilule passera peut-être plus facilement. Tu m’as l’air soigneux. On dirait qu’il est neuf.
LUI, rongeant son frein. Il est neuf.
ELLE. Parfait. La taille ?
LUI. 42.
ELLE. Quelle coïncidence. Comme le père de mes deux enfants. Baisse ton froc, mon petit pote. (Il enlève son pantalon, alors qu’elle le tient toujours en joue avec la bombe lacrymogène. Il le plie avec beaucoup de soin.) Mets-le dans mon sac. (Il s’exécute.) Je prends aussi la ceinture. Très jolie. (Il dépose la ceinture dans le sac.) Ta veste j’en veux pas, elle est sale. (Désignant la porte.) Après toi.
LUI. Je me sentirais plus en sécurité si vous sortiez avant moi.
ELLE. Comme tu veux, mon petit pote. (Elle range sa bombe dans son sac.) Qu’est-ce que t’as dit ?
LUI. Non, je disais : passez d’abord, je préfère.
ELLE. C’est pas ça que t’as dit. T’as dit « si vous sortiez avant moi. »
LUI. Oui.
ELLE. Tu débloques ou quoi. « si vous sortiez ». On sort pas là, on entre.
LUI. On entre ?
ELLE. Oui, on entre.
LUI. On entre où ça ?
ELLE. On entre dans l’immeuble, tiens !
LUI. Pas du tout, on en sort ! On est dehors.
ELLE. On est dedans.
LUI. À l’extérieur !
ELLE. À l’intérieur !
LUI. Vous êtes sûre ?
ELLE. Maintenant je doute.
Peu à peu des bruits de jungle se font entendre : singes couinant, fauves rugissant, oiseaux piaillant, etc. D’abord doucement puis de plus en plus fort.
LUI. Qu’est-ce que c’est ?
ELLE. Je ne sais pas. Un zoo, peut-être.
Ils écoutent. Les bruits deviennent de plus en plus menaçants. Au loin, des hommes et des femmes nus, couverts de sang, viennent entamer une danse proche de la transe.
LUI. Qu’est-ce qu’ils font ?
ELLE. Une performance. Quelque chose comme ça. Art post-moderne.
Une pluie de billets déchiquetés se met à tomber.
LUI. On dirait…
ELLE. Des billets. Des billets de 500.
LUI. En morceaux.
Le téléphone de lui sonne. Il regarde.
LUI. Un message de Fan Djin.
ELLE. Votre acuponcteur ?
Les danseurs se rapprochent de lui et d’elle.
LUI. Oui. (Lisant.) « Bien fou qui cherche comment avancer. Mais sage qui cherche où avancer. » (Un temps.) Je ne suis pas sûr de…
ELLE. J’y vais. Je suis gonflée à bloc. (Sortant de son sac les affaires qu’elle lui avait soutirées.) Je ne suis tout de même pas une sauvage.
LUI, désignant les billets. C’est idiot, on aurait pu…
Les danseurs sont très proches. Lui ferme la porte en hâte. Silence. Un temps. Tous deux écoutent, surpris, ce silence.
ELLE. J’ai été ravie. Positivement. Mais je vais finir par être en retard. (Désignant l’endroit par où elle est entrée.) Je vais essayer par là.
LUI, désignant l’endroit par où il est entré. Moi, par là.
Il prend son téléphone.
ELLE. Qui appelez-vous ?
LUI. Je vais quand même lui demander des explications. (Dans le combiné.) Allô ? Je voudrais parler à Fan Djin. Le maître est-il disponible ? Non ! (Un temps.) Non ! Ce n’est pas… Mais comment est-ce arrivé ? Une voiture… Place de la Bourse ? Quelle horreur ! Quoi ? Non ! Ah bon ? Barrackingcox ? Très bien. J’arrive.
ELLE. Qu’est-ce qui passe ?
LUI. Le maître est mort. Un automobiliste furieux. Le marché vient d’être victime d’un crack. Voici une trentaine de minutes, le P.-D.G. de Barrachingcox corporation a annoncé un déficit historique et la suppression d’environ 10 000 emplois. L’action a chuté de 70% entraînant une baisse générale des cours. Dans la panique, certains courtiers ont pris leur véhicule en hâte et… (À la cantonade.) Fan Djin, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Soudain, la porte s’entrouvre. Les visages ensanglantés des danseurs paraissent, tandis que se font entendre, étouffés, des bruits de forêt vierge auxquels viennent se mêler des sonorités plus urbaines. Tous se regardent, immobiles.
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FIN DE URBI ET ORBI
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