Un mari parfait



Quand on a un mari parfait, est-il bien raisonnable de le tromper ?

Accordez-nous moins d’une heure de lecture et découvrez comment faire entrer votre public dans un tourbillon de rires (même si vous avez peu de moyens).

On a 3 questions rapides à vous poser : 

🆘 Est-ce que vous faites partie de ces personnes qui détestent les pièces où l’on ne rit pas ?

🆘 Est-ce que vous avez horreur des pièces qui tirent en longueur ?

🆘 Est-ce que vous avez assez de retrouver l’éternel triangle mari-maîtresse-femme sans qu’il y ait de renouvellement ?

Les Compagnies qui ont monté Un Mari parfait ont répondu oui à au moins deux questions, vous n’êtes plus seul-e !

Voici le résumé de la pièce : Nicolas est un mari parfait : zélé dans son travail et attentionné dans son couple. Pourtant Christelle le trompe. Comment le mari parfait réagira-t-il en apprenant l’infidélité de sa femme ?

En accédant au texte intégral d’Un Mari Parfait, vous obtiendrez un fichier pdf de 67 pages pour un poids ultra-réduit entre 427 ko. Le fichier est donc très facilement téléchargeable sur votre téléphone, votre ordinateur, votre tablette et imprimable à volonté. La mise en page du texte vous permettra d’insérer vos notes de régie ou de mise en scène avec aisance.

Avec « Un Mari parfait » vous découvrirez :

✅ une comédie ménageant les éclats de rire tout au long de son déroulement, pour le plus grand plaisir des spectateurs

✅ une histoire d’amour proposant des variations autour du vaudeville, type d’humour que le public a toujours plaisir à retrouver

✅ un nombre de meubles et d’accessoires réduits, rendant le montage de la pièce très simple

✅ une pièce mélangeant le comique de situation et le comique de mœurs, permettant au public de rire franchement et intelligemment 

✅ une pièce dans laquelle les rebondissements éclatent jusqu’à la fin, ce qui tient le public en haleine tout au long de la représentation

La pièce a été plébiscitée à plusieurs reprises ces dernières années : 

🎭 L’Étincelle, Belgique, 2021-2022

🎭 L’Effort Artistique, Bouches-du-Rhône, 2024

Bonne nouvelle : la lecture, le téléchargement et l’impression d’ « Une Femme Idéale » sont totalement gratuits !

Intéressé-e ? Attention, cependant : cette pièce est fortement déconseillée aux personnes qui n’aiment pas le théâtre de Boulevard !



Un Mari parfait repose sur une situation simple. Un couple illégitime surpris par le conjoint d’un des deux fautifs. Voilà une situation qui a fourni la base d’innombrables vaudevilles. Voici l’élément nouveau que nous y avons introduit : et si celui ou celle qui surprenait les époux adultère était vu.e comme un être parfait ? Comment réagirait-il.elle ?

Dès lors, si la première partie de la pièce peut se rapprocher du vaudeville, la seconde lorgne plus vers la satire des mœurs et des caractères, l’ensemble s’apparentant donc à une comédie.

Courte, la pièce procède par rebondissements successifs qui emportent l’action vers un dénouement où les ambiguïtés seront loin d’être levées.

Très vite, nous avons compris que la pièce pouvait être écrite à la fois pour deux femmes et un homme ou deux hommes et une femme. Nous avons donc réalisé nous-mêmes ces deux versions, dont chacune possède son propre titre. Si Un Mari parfait est la version 1F/2H, Une Femme idéale est la version 2F/1H.

Texte intégral d’Un Mari parfait à lire ou à imprimer

Personnages

CHRISTELLE.

NICOLAS, son mari.

JÉRÔME, son amant.

 

Lieu

Le Salon de Christelle et Nicolas.

Jérôme, seul, en peignoir, est assis sur le canapé. Il se mouche. Il est rejoint par Christelle.

Christelle. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Jérôme. — Mon allergie aux acariens.

Christelle. — Tu n’es pas très crédible…

Jérôme. — Je t’assure. Ça me prend à chaque fois que je viens ici. (Il éternue.)

Christelle. — N’empêche. Tu n’as pas l’air bien. Allez, dis-moi ce qui ne va pas.

Jérôme. — C’est juste que… Je ne vois vraiment pas comment j’ai pu te séduire.

Christelle. — Tu ne vas pas recommencer ?

Jérôme. — C’est vrai ! Ma vie professionnelle, ce n’est pas un triomphe ; mes amis, j’en ai presque pas ; quant à mon chez moi, je sais que tu n’en raffoles pas. Alors je me demande ce que je t’apporte. 

Christelle. — Tu es normal. 

Jérôme. — Normal ? C’est parce que je suis normal, que je te plais ?

Christelle. — Oui, tu me plais parce que tu es normal. Tout le contraire de mon mari. 

Jérôme. — Nicolas ?

Christelle. — Lui, c’est un homme parfait ! Il est parfait.

Jérôme. — Christelle, la perfection n’existe pas…

Christelle. — Si, elle existe ! Et elle s’appelle Nicolas, la perfection. D’ailleurs je commence à en avoir marre…

Jérôme. — Pourquoi ?

Christelle. — Parce que la perfection, on s’en lasse…

Jérôme. — Christelle, réfléchis, il est impossible de rencontrer quelqu’un d’absolument parfait !

Christelle. — Tu fais erreur, je t’assure. Nicolas est parfait, et c’est justement ça qui m’emmerde !

Jérôme. — Qu’est-ce que tu racontes ?

Christelle. — Cette perfection, dans tous les domaines, c’est d’un chiant ! C’est bien simple : dès qu’il fait quelque chose, c’est magistral. 

Jérôme. — Et tu te plains ?

Christelle. — Oui, je me plains. Parce que j’en ai assez, moi, du champagne qu’il ramène quatre fois par mois, vu que toutes les semaines, monsieur décroche un gros contrat ! J’en ai jusque-là de sa fidélité, parce que depuis qu’on est mariés, pas un écart à lui reprocher, pas même un essai, pas même le début d’un projet ! Quant à ses idées déco, j’en ai ras le pompon ! Dès que quelqu’un entre ici, c’est toujours la même musique : « Mais c’est a-do-rable ! » Je n’en peux plus ! 

Jérôme. — Et si quelqu’un t’apportait la preuve que ton mari, lui aussi, a des défauts ? Que lui aussi, peut-être, a dévié du droit chemin ?

Christelle. — Ça serait vraiment inattendu. Ça pourrait presque me réconcilier avec lui !

Jérôme. — Ah ? …

Christelle. — Parce que ça prouverait que mon mari est un être humain ! 

Jérôme. — Bon, alors… je suppose qu’il faut que je me réjouisse que ce jour ne soit pas encore arrivé ?

Christelle. — Ne t’inquiète pas, ce jour n’est pas près d’arriver ! Et toi, rassure-toi, tu es loin d’être parfait !

Jérôme, vexé. — Merci.

Christelle. — Ce n’est pas ce que je voulais dire… Tu es intelligent, sensible, beau. Et en plus tu as quelques défauts.

Jérôme— N’en rajoute pas, s’il te plaît. 

Christelle. — Dans ma bouche, avoir des défauts, c’est une qualité.

Jérôme— J’aimerais que tu m’expliques comment des défauts peuvent devenir une qualité. 

Christelle. — Tout simplement parce qu’ils te rendent humain. Moi aussi j’ai des défauts. 

Jérôme— C’est bien de le reconnaître.

Christelle. — Tous les gens normaux ont des défauts. C’est la perfection qui est anormale ! Et c’est pour ça que tu m’es précieux. (Elle l’embrasse.) Tu comprends ?

Jérôme— Je crois. 

Christelle. — On va dîner, ça va te faire du bien. Je viens de mettre à réchauffer le lapin à la moutarde de Nicolas. Tu vas voir, c’est un poème ! 

Jérôme, se levant. — Ah non ! 

Christelle. — Tu n’aimes pas le lapin ?

Jérôme— Maintenant, c’est moi qui vais commencer à en avoir marre, de ton mari et de sa prétendue perfection !

Christelle. — Ah ! Tu vois que c’est casse-pieds !

Jérôme, montrant son peignoir. — J’ai déjà son peignoir…

Christelle. — Excuse-moi… on s’est déshabillés vite, et quand tu t’es levé, le peignoir était près du lit, alors j’ai pensé…

Jérôme— Tu as pensé que je serais bien dans ce merveilleux peignoir merveilleusement fait, et merveilleusement choisi par le merveilleux Nicolas !

Christelle. — Ne m’en parle pas. Il est toujours d’un chic, c’est agaçant !

Jérôme— J’ai ma dose. 

Christelle. — Moi aussi, mon chéri, moi aussi…

Jérôme— Tu ne comprends pas…

Christelle, soudain inquiète. — Quoi ? Tu en as assez ? Assez de nous deux ?

Jérôme, la prenant dans ses bras. — Mais non ! 

Christelle. — J’ai eu peur…

Jérôme— J’en ai assez d’ici ! Tout me rappelle Nicolas ! 

Christelle. — On peut aller à l’hôtel, si tu veux…

Jérôme— Sûrement pas, ce serait sordide !

Christelle. — On ne va quand même pas aller chez toi ? 

Jérôme— Et pourquoi pas ?

Christelle. — Ton petit studio… il est pittoresque… mais enfin…

Jérôme— Mais enfin quoi ?

Christelle. — On sent que la déco, c’est pas ton truc…

Jérôme— Je sais, c’est mon défaut !

Christelle. — Je n’osais pas te le dire…

Jérôme— Du coup, tu es rassurée ?

Christelle. — Rassurée ? De quoi ?

Jérôme— Que j’aie aussi ce défaut-là ? 

Christelle. — Ah !… euh… oui ! Oui, bien sûr !… Mais tu vois ici, on a malgré tout une clim réversible, un jacuzzi, une superbe vue sur les toits… Et puis c’est très central.

Jérôme— Ça dépend pour qui ! De toute façon, ici, à l’hôtel ou chez moi, c’est la même chose…

Christelle. — Pas tout à fait, quand même…

Jérôme— On se voit toujours à la sauvette, entre deux rendez-vous.

Christelle. — Cette fois-ci, on a tout le weekend ! Nicolas ne revient que lundi. Et moi, il me croit chez ma tante, à la campagne. À part le concierge, personne ne sait que je suis là. 

Jérôme— Ça aussi, j’ai ma dose ! 

Christelle. — Le concierge, ma tante ou la campagne ? 

Jérôme— J’en ai assez de tous ces mensonges ! Je veux vivre notre histoire à la face du monde. Je veux que tout le monde soit au courant !

Christelle. — Même le cabinet ?

Jérôme— Même le cabinet.

Christelle. — Même Anouchka ?

Jérôme— Même Anouchka. 

Christelle. — Vous êtes quand même fiancés. 

Jérôme— Je considère que nos fiançailles sont rompues ! Ça fait des mois que je n’ai plus de nouvelles. Je suppose qu’elle doit bien s’amuser de son côté…

Christelle. — Je ne sais pas si c’est une bonne idée…

Jérôme— D’ailleurs tout le monde s’est aperçu qu’il y a quelque chose entre nous. 

Christelle. — Tu crois ?

Jérôme— Christelle, ouvre les yeux ! Tu n’as pas remarqué ces regards en coin quand tu viens m’apporter mon courrier ? 

Christelle. — C’est grave, ce que tu me dis là…

Jérôme— Non, ce n’est pas grave… Ou plutôt si, c’est grave, c’est même très sérieux. Ça s’appelle l’amour. Et l’amour, ça se voit !

Christelle. — Mais enfin… quelqu’un pourrait parler ! 

Jérôme— Oui, nous. 

Christelle. — Nous ?

Jérôme— Parlons-en à Nicolas. 

Christelle. — Ça va le mettre dans tous ses états… 

Jérôme— Mais ça en vaut le coup, non ?

Christelle. — Oui. 

Jérôme— Tu lui en parles ?

Christelle. — Oui. 

Jérôme— Quand ?

Christelle. — Lundi, il sera crevé. La semaine prochaine, il prépare les négociations avec les Chinois. La semaine suivante, il est à Pékin. Après, il va en séminaire pour une nouvelle gamme de produits séniors. Euh… disons dans un mois ? Un mois et demi, pour être sûrs ?

Jérôme— Dès son retour.

Christelle, après un moment de surprise. — Carrément… D’accord.

Jérôme— Promis ?

Christelle— Promis. (Son téléphone reçoit un appel. Elle le regarde et, soudain inquiète ) C’est Nicolas ! Pourquoi il m’appelle ? Qu’est-ce que je fais ?

Jérôme— Réponds !

Christelle— Tu crois ?

Jérôme— Sinon, il va trouver ça louche. 

Christelle, répondant. — Allô, chéri ? Oui, je suis bien arrivée, oui. (Un temps.) Tantine, ça va, mais avec son arthrose, elle a les doigts tout recourbés. Tu la verrais,  un vrai rapace… (Un temps.) Oh tu sais, l’air de la campagne, ça m’assomme. Alors je vais boire un tilleul et aller au lit. Et toi ? Déjà à Reykjavik ? (Un temps.) Quoi ? (Un temps.) Et pourquoi ? (Un temps.) Ah merde ! Mais tu es où, là ? (Un temps.) C’est pas vrai ! Allô ? Allô ? (À Jérôme ) Ça a coupé !

Jérôme— Qu’est-ce qui se passe ?

Christelle— Il n’est pas parti ! 

Jérôme— Qui ?

Christelle— Nicolas !

Jérôme— Ah bon ! Pourquoi ?

Christelle— Grève des aiguilleurs du ciel !

Jérôme— Zut !… Mais… il t’appelait d’où ?

Christelle— Du bus. 

Jérôme— Du bus ? Mais alors…

Christelle— Alors il va débarquer d’un instant à l’autre ! 

Jérôme, peu convaincu. — D’un instant à l’autre…

Christelle— Il est dans le bus. Si ça se trouve, il sera en bas de chez nous dans cinq minutes ! Alors prends tes affaires et va-t-en, vite ! (Ramassant les vêtements de Jérôme ) Où est ton slip ?

Jérôme— Excuse-moi, mais je ne comprends pas…

Christelle— Ah tu ne comprends pas ? Nicolas arrive ! Son avion a été annulé et… 

Jérôme— Ça, j’avais compris, merci. Par contre, je ne comprends pas ce que tu fais.  

Christelle— Je ramasse tes vêtements pour que tu puisses t’habiller et partir ! Quand Nicolas rentrera, ça serait bien qu’il ne trouve pas mon amant chez lui !

Jérôme— Et toi ?

Christelle— Quoi, et moi ?

Jérôme— Tu ne penses pas qu’il sera surpris de te voir ? Tu es censée être chez ta tante à la campagne. 

Christelle— Ah merde, c’est vrai ! 

Jérôme— Écoute, Christelle. Tout ça tombe à pic. 

Christelle— À pic ? Ce n’est pas tout à fait l’expression que j’aurais choisie. 

Jérôme— Réfléchis. On avait décidé de tout dire à Nicolas dès son retour. 

Christelle— Et alors ?

Jérôme— Et alors cette grève arrive à point : Nicolas est de retour. 

Christelle— J’ai peur de comprendre…

Jérôme— Parlons-lui maintenant. 

Christelle— J’avais bien compris…

Jérôme— C’est l’occasion : on est là tous les trois.

Christelle— Tu parles sérieusement ?

Jérôme— Évidemment ! Cette grève, c’est un signe du destin. 

Christelle— Tu penses vraiment que je vais laisser mon mari entrer ici, te voir chez lui, dans son peignoir, et lui annoncer la bouche en cœur : « chéri, je te présente mon amant » ?

Jérôme— Que je sois dans son peignoir ou dans le mien, je ne vois pas ce que ça change. 

Christelle— Ce n’est pas la question du peignoir, c’est la question du moment !

Jérôme— Avec toi, ce n’est jamais le moment !

Christelle— Si on dit tout à Nicolas maintenant, on va se mettre dans une posture… une posture très défavorable ! 

Jérôme— Christelle, tu trompes ton mari. Que tu lui dises maintenant ou dans huit jours, avec des fleurs ou des chocolats, ça ne changera rien à la chose ! 

Christelle— Si, ça changera quelque chose ! Si il te trouve là, on va le placer devant le fait accompli… ce sera très gênant…

Jérôme— Tu crois ?

Christelle— Il ne verra pas un couple. Il verra deux pauvres créatures qui se cachent, honteusement…

Jérôme— Tu as peut-être raison… 

Christelle— Jérôme, je t’en prie, il faut partir…

Jérôme— Si tu crois que… Mais que ce ne soit pas un prétexte pour remettre l’explication. 

Christelle— Lundi ! 

Jérôme— Ce soir ! 

Christelle— Je te rappelle que je suis supposée être à la campagne jusqu’à dimanche soir.

Jérôme— Ah oui, c’est vrai…

Christelle— Écoute, je sais que tout ça, ce n’est pas très marrant. Mais voyons le bon côté des choses : on a toujours notre weekend à nous, rien qu’à nous. Simplement, on va changer de lieu. On va aller dans ton studio. 

Jérôme— Je croyais que la déco n’était pas top ?

Christelle— Je n’avais pas l’intention de me focaliser sur la déco…

Jérôme— Je pensais que mon quartier était mal desservi ?

Christelle— Avec un taxi, on y sera dans dix minutes. 

Jérôme— Alors, tu tiens toujours à moi, dis ?

Christelle— Bien sûr. Tu vas t’habiller ; moi, je vais remettre un peu d’ordre, refaire le lit ; et ensuite, toi et moi on descendra…

L’interphone sonne. Jérôme et Christelle restent immobiles. 

Christelle— Déjà ?

Jérôme— Ce n’est peut-être pas lui. 

L’interphone sonne une deuxième fois. 

Jérôme— Vas-y ! 

Christelle— Pourquoi il sonne ? Il n’a pas ses clefs ? (Elle déroche le combiné de l’interphone.) Oui ? (Un temps. Puis, rassurée )Ah ! Bonjour M. Ramirez. (À Jérôme ) C’est le concierge. (Soudain inquiète, dans le combiné ) Quoi ? Il monte ? (Un temps.) Il était surpris ? Non, ce n’est pas grave, merci, M. Ramirez ! (Elle raccroche, paniquée.) Nicolas arrive ! Vite ! (Elle aide Jérôme à enfiler un pantalon par-dessous le peignoir.) Il a croisé le concierge qui lui a dit que j’étais là ! Il était surpris, il paraît… tu m’étonnes qu’il était surpris… En principe, je suis à la campagne… Mais vite Jérôme, magne-toi ! 

Jérôme— Je fais ce que je peux !

Christelle, aidant Jérôme à enfiler un haut. — Où est la tête, dans ce truc…

Jérôme, se débattant avec le haut tandis que Christelle le fait tourner. — S’il te plaît, ne m’aide pas, ça sera mieux, parce que là…

Christelle, chargeant les bras de Jérôme. — Ton sac, tes chaussures… Non, non, tu les mettras en bas ! Allez, tire-toi, nom de dieu ! 

Jérôme— Tu ne viens pas avec moi ?

Christelle— Je ne peux pas, Nicolas sait que je suis là !

Jérôme— Eh ben, ça aura été un weekend éclair…

Christelle— Ah, pas de reproches, hein ? Parce que s’il y en a une qui est dans la merde, ici, c’est moi ! 

Jérôme— Ben voyons ! Et moi ? Je marche sur des pétales de rose, peut-être ? 

Christelle, le poussant. — La poésie, ce n’est pas le moment ! Casse-toi !

Jérôme— Tu as vu mon téléphone ?

Christelle, exaspérée. — Il aurait fallu t’en occuper avant ! 

Jérôme, disparaissant. — Pas la peine d’être désagréable ! Fais chier ! 

Christelle, le rattrapant. — Attends ! Tu te barres avec le peignoir ! 

Jérôme, enlevant le peignoir. — C’est ta faute ! Tu me stresses, je ne sais plus où j’en suis…

Christelle, le repoussant. — Et maintenant, dégage ! 

Jérôme— En une minute, tu m’as sorti plus de méchancetés qu’en…

Christelle, le faisant disparaître. — Dis-moi plutôt ça par texto ! (Seule ) Ah les bonshommes ! Enfin… on a évité le pire… Maintenant, il faut que je trouve une excuse…

On toque à la porte. 

Christelle, d’une voix qu’elle veut normale. — Oui ? 

Jérôme, off. — C’est Jérôme, ouvre-moi, vite ! 

Christelle, faisant entrer Jérôme. — Qu’est-ce qu’il y a ?

Jérôme— L’ascenseur arrive, j’ai préféré faire demi-tour ! 

Christelle— Chut ! (Ils se taisent et écoutent.) C’est le pas de Nicolas, je le reconnais ! 

Jérôme— Qu’est-ce qu’on fait ? 

Christelle— Va te cacher ! 

Jérôme— Où ça ?

Christelle— Tu n’as jamais vu de vaudeville ? L’amant se cache toujours dans le placard !

On toque. 

Nicolas, off. — Christelle ? 

Christellebas, à Jérôme. — Va dans la penderie de la chambre. Tout au fond, derrière les manteaux, il y a un cagibi où on range les loques et les vieilles chaussures ! 

Nicolas, off. — Christelle, tu es là ?

Christellebas, à Jérôme. — Vite !

Jérôme s’éclipse tandis qu’entre Nicolas.  

Nicolas— Qu’est-ce que tu fais là ? Je te croyais à la campagne. 

Christelle. — Moi aussi…

Nicolas— Quoi, toi aussi ?

Christelle. — Moi aussi, je pensais partir, mais finalement…

Nicolas, ne comprenant pas. — Quand je t’ai eue, il y a cinq minutes, tu m’as parlé de ta tante, de l’air de la campagne…

Christelle, feignant la surprise. — Moi ? 

Nicolas— Tu m’as même dit que tu allais prendre un tilleul et te mettre au lit !

Christelle, même jeu. — Moi, moi je t’ai dit ? …

Nicolas— Je t’assure. 

Christelle, s’efforçant de rire. — Alors ça, c’est la meilleure…

Nicolas— Qu’est-ce qu’il y a de drôle ?

Christelle, inventant. — Au moment où tu m’as appelée, je dormais. Je crois que je rêvais que j’étais avec tantine. Alors, quand j’ai décroché, je devais être encore dans mes songes… Mais on a été coupés.

Nicolas— Mon téléphone est à plat. Il faut que je le recharge. (Il s’exécute.)

Christelle. — Tu es contrarié ?

Nicolas— Si je suis contrarié ? Plutôt, oui ! Il faut absolument que je passe un coup de fil. 

Christelle. — Prends le fixe. 

Nicolas— Je ne connais pas le numéro par cœur. 

Christelle. — Le numéro ?

Nicolas— Le numéro du staff ! Le staff islandais ! Je ne les ai pas encore prévenus. 

Christelle. — Quelle histoire !

Nicolas— C’est très très contrariant…

Christelle. — C’est même complètement chiatique ! Ces aiguilleurs du ciel, quels connards ! (Nicolas est surpris par cet écart de langage. Penaude ) Non, mais c’est vrai… c’était une mission importante pour toi… enfin, d’après ce que tu m’as dit, en tout cas…

Nicolas— Et toi, pourquoi tu n’es pas partie ?

Christelle. — Moi ? Pourquoi je ne suis pas partie ? 

Nicolas— Oui. 

Christelle. — Tu me demandes pourquoi je ne suis pas partie ?

Nicolas— C’est ça. 

Christelle, affectant de rire. — Il me demande pourquoi je ne suis pas partie !

Nicolas— Tu as bien compris. 

Christelle, ayant du mal à trouver quelque chose. — Mais mon pauvre chéri, je ne suis pas partie parce que… parce que… D’ailleurs, j’aurais dû m’en douter… J’aurais dû m’en douter… Dès que je suis arrivée à la gare… j’ai eu un pressentiment… Pauvre tantine, ça me fait vraiment de la peine. 

Nicolas— Il est arrivé quelque chose ?

Christelle. — Eh oui ! Il est arrivé quelque chose…

Nicolas— Quoi ?

Christelle, pataugeant. — Eh ben… Ce qu’on craint toujours qu’il arrive !… On se doute bien que ça va finir par arriver… alors on espère, on espère que ça n’aura pas lieu… et puis quand ça arrive, on se dit… mais pourquoi c’est arrivé ?!…

Nicolas— Non, ne me dis pas que…

Christelle. — Si. Elle est morte. 

Nicolas— Aujourd’hui ?

Christelle. — Evidemment !

Nicolas— Comment ?

Christelle. — Je ne connais pas les détails ! En tout cas, c’est arrivé d’un coup. 

Nicolas, ému. — C’est atroce…

Christelle. — Tu sais, elle avait fait son temps…

Nicolas— Tout de même, elle avait encore de beaux jours devant elle. 

Christelle. — Il faut dire ce qui est, ces dernières années, elle avait moins d’allant.

Nicolas, ému. — Oh, Christelle, je suis désolée…

Christelle. — Je vais m’en remettre…

Nicolas, ému. — Pauvre tantine…

Christelle. — Quoi pauvre tantine ?

Nicolas— J’ai peu connu ta tante, mais je l’aimais bien. 

Christelle. — Pourquoi tu parles d’elle à l’imparfait ?

Nicolas— Tu viens de me dire qu’elle est morte. 

Christelle. — Ce n’est pas elle qui est morte, c’est la loco ! 

Nicolas— La loco ?

Christelle. — La loco de mon train ! 

Nicolas— Ah ! Et moi qui ai cru…

Christelle. — Qu’est-ce que tu veux que je te dise, c’est les trains d’aujourd’hui, ça ! Parce que d’accord, il y a les avions cloués au sol, il y a les aiguilleurs en grève, mais il y aussi les trains qui restent à quai ! 

Nicolas— Ton train n’est pas parti ?

Christelle. — Je te l’ai dit, dès que je suis arrivée, dès que j’ai vu cette loco, visiblement fatiguée, la mine pâle, l’œil morne et le nez sale, j’ai pensé : « Oh, elle ne va pas faire long feu » ! Et la suite m’a donné raison. On a entendu une sorte de long sifflement et paf ! Plus rien. Plus de moteur, plus de lumière, plus de clim, rien ! Pauvre tantine, ça me fait de la peine pour elle. Elle qui se faisait une joie de me voir. D’ailleurs, moi aussi ! Mais bon, il n’y a qu’un train par jour. Je prendrai celui de demain. À moins…

Nicolas— À moins ?

Christelle. — À moins que tu ne sois là demain ?

Nicolas— Je ne sais pas. Le préavis de grève est reconductible. (Regardant son téléphone, contrarié ) Il en met, un temps ! Toujours pas rallumé ! La batterie était totalement vide. 

Christelle. — Écoute, on peut prendre ça pour… pour un coup du destin !

Nicolas— C’est à dire ?

Christelle. — Un coup de chance !

Nicolas, en colère. — Un coup de chance ? Ma mission à Reykjavik annulée à cause d’une grève ?

Christelle. — Évidemment, sur le plan professionnel, ce n’est pas très satisfaisant. 

Nicolas— Le mot est faible !

Christelle. — Mais sur le plan personnel, on peut prendre ça pour une chance…

Nicolas— Désolé, mais je ne suis pas d’humeur à être positif…

Christelle. — Ces derniers temps, toi et moi, on ne fait que se croiser. Rendez-vous, réunions… On ne se voit plus ! Cette grève, et ce problème de train qui arrivent au même moment, eh bien, ça nous donne une importunité unique. 

Nicolas— Quel genre d’opportunité ? 

Christelle. — L’opportunité de… de… parler tous les deux… de faire un peu le point…

Nicolas— Le point ? Tu veux qu’on fasse le point ?

Christelle. — Oui, Nicolas. Bon écoute, ce que j’ai à te dire est simple. Simple et… et… difficile à la fois. Tu es un mari parfait.

Nicolas— Je ne comprends rien à ce que tu racontes.

Christelle. — Tu vas voir où je veux en venir. Dans notre couple, ne nous masquons pas les choses, c’est toi la forte personnalité. 

Nicolas— Je ne suis pas d’accord. 

Christelle. — Mais si, Nicolas, mais si. Pour employer une expression, avec toi, c’est rarement la fête du slip !

Nicolas, ramassant un slip. — Qu’est-ce que c’est que ça ?

Christelle, à part. — Et merde !  

Nicolas— Christelle, je te parle : Qu’est-ce que c’est que ça ? 

Christelle. — Euh… je… je ne sais pas… 

Nicolas, lui collant le slip sous le nez. — Tu ne sais pas ce que c’est ?

Christelle. — Excuse-moi, je n’ai pas mes lunettes pour voir de près, alors comme ça, j’avoue que je ne vois pas très bien ce que ça peut être…

Nicolas, rongeant son frein. — C’est un slip ! 

Christelle, feignant la surprise. — Non ? 

Nicolas— Je suis catégorique ! 

Christelle. — Un slip ? 

Nicolas— Oui, un slip ! 

Christelle. — Ce matin, tu étais en retard, et dans la précipitation, en faisant ton sac, tu as dû le laisser tomber par mégarde…

Nicolas— Il n’est pas à moi. 

Christelle. — Non ?

Nicolas— Non ! 

Christelle. — Pourtant, il me semblait que tu…

Nicolas— Je te dis que non ! 

Christelle. — Ah bon ? Mais alors… à qui il est, ce slip ?

Nicolas, au bord de l’explosion. — Tu n’as pas une idée, par hasard ?

Christelle. — Moi ? Mais pourquoi veux-tu que j’aie une idée ?

Nicolas— Tu étais là quand je suis arrivé…

Christelle, feignant l’indignation. — Oh non… Ne me dis pas que… Oh ! M. Ramirez ! 

Nicolas— M. Ramirez ? 

Christelle, feignant d’entrer dans une colère noire. — M. Ramirez ! Notre propre concierge ! Quand je pense qu’on le paie – et grassement, en plus ! – pour faire trois malheureuses heures de ménage tous les vendredis, et que monsieur se permet de semer ses slips à tous vents ! (Feignant le dégoût, elle laisse tomber le slip.) Mais cet homme n’a vraiment aucune hygiène !… C’est à se demander dans quelle tenue il passe la serpillère ! Je vais aller remettre les slips/les pendules à l’heure, moi ! 

Nicolas— Enfin, Christelle, tu as regardé ce slip ? 

Christelle, feignant toujours une colère noire. — Bien assez à mon goût, crois-moi… 

Nicolas— Le moins qu’on puisse dire, c’est que tu n’as pas le compas dans l’œil. Tu penses sincèrement que M. Ramirez pourrait entrer dans ce slip ? 

Christelle. — Je ne sais pas… tu m’abrutis, avec tes questions… Je t’avoue que je n’ai jamais imaginé M. Ramirez en train d’entrer dans un… (Soudain horrifiée ) Ah non ! ça suffit, je ne veux plus y penser !

Nicolas— M. Ramirez ne pourrait jamais entrer là-dedans ! 

Christelle. — M. Ramirez ne pourrait jamais entrer là-dedans ?

Nicolas— À moins de perdre quatre-vingts kilos !

Christelle, cherchant autre chose. — Ah mais non !… Ah mais oui ! Ah mais… Ah ! Ah je suis bête !… Mais… c’est… c’est… c’est Pigier !…

Nicolas— Pigier ? Jeannine Pigier ?

Christelle, pataugeant. — Voilà ! C’est Pigier… c’est Jeannine…

Nicolas— Tu ne vas quand même pas me dire que Jeannine Pigier porte des slips ?

Christelle. — Mais non, bien sûr ! Mais tu sais… tu sais que Zambeault part à la retraite…

Nicolas— Et alors ?

Christelle. — Alors on lui a préparé un pot de départ au cabinet… et… Jeannine pensait que c’était marrant… marrant de chanter à Zambeault une chanson avec… avec un slip sur la tête… Quelle déconneuse, cette Jeannine ! Mais moi, je lui dis : « écoute, désolée mon vieille, mais il est hors de question que j’aille chiper la lingerie de mon mari pour… » Du coup, elle en a acheté pour tout le monde…

Nicolas— Vas-y. 

Christelle. — Quoi ?

Nicolas— Fais-moi votre chanson. 

Christelle. — Maintenant ?

Nicolas— Ben oui !

Christelle. — Tu m’excuseras, mais je n’ai pas répété aujourd’hui…

Nicolas— On n’est pas à l’opéra…

Christelle, chantant sur l’air de « La ballade des gens heureux ». — « Toi qui as compris que dans la vie »…

Nicolas— Avec les accessoires ! 

Christelle— Ah, tu veux que je…

Nicolas— Sinon, ce n’est pas drôle ! 

Christelle ramasse le slip et, dégoûtée, elle la met sur sa tête avec beaucoup de précautions, en essayant qu’il touche le moins possible son crâne.

Nicolas, riant. — Elle a des bonnes idées, Pigier ! 

Christelle, chantant, écoeurée mais tentant de faire bonne figure et ce malgré quelques lapsus. — « Toi qui as compris que dans la vie, l’amour était le fondement profond, je vais te chanter la ballade, la ballade des retraités heureux, je vais te chier/te chanter la ballade, la ballade des retraités merdeux/heureux. » 

Dégoûtée, Christelle jette le slip loin d’elle. Nicolas rit aux éclats.

Nicolas, riant. — Bravo !

Christelle. — Oui, oh ! … on va se ridiculiser…

Nicolas, reprenant son souffle. — Je t’avoue que je suis soulagé… Quand j’ai vu ce slip, j’ai imaginé le pire.

Christelle. — Le pire ? C’est quoi, le pire ?

Nicolas— Je ne t’en ai pas parlé, parce que je ne voulais pas t’embêter avec des suppositions mais…

Christelle. — Tu fais des suppositions ? Et à quel sujet ?

Nicolas— Non, non, laisse tomber, ce n’est pas grave. 

Christelle. — Si, dis-moi. 

Nicolas— Tu veux vraiment que je te dise ?

Christelle. — Si dans un couple on ne se dit pas tout, je considère qu’on a raté quelque chose…

Nicolas— Eh bien en fait… j’avais un peu plus que des suppositions. Pour te dire la vérité, j’avais… j’avais des soupçons. 

Christelle. — À propos de quoi ?

Nicolas— À propos de toi. 

Christelle. — À propos de moi ? 

Nicolas— J’avais des doutes.

Christelle. — Mais… quel genre de doutes ?

Nicolas— Des doutes sur ta fidélité.

Christellesurprise. — Des doutes sur ma… ? Merci… ça fait plaisir…

Nicolas— Oui, je sais que ce n’est pas très…

Christelle. — Je vois que la confiance règne… 

Nicolas— Oublions tout ça. 

Christelle. — C’est facile à dire… 

Nicolas— C’est stupide… je me suis convaincu que tu avais une liaison.

Christelle, jouant l’indignation. — Une liaison, moi ? Mais comment peux-tu ? … (Vivement intéressée ) Et avec qui ?

Nicolas— Avec Jérôme.

Christelle, déstabilisée. — Avec Jérôme ? Moi, une liaison avec Jérôme ? Alors là ! C’est la meilleure ! Non mais tu l’as bien regardé ? Excuse-moi, mais… ce n’est pas tout à fait le même standing !

Nicolas— Ces derniers temps, vous avez souvent été ensemble…

Christelle. — N’importe quoi ! …

Nicolas— Il y a eu beaucoup de réunions tardives, de sessions de travail nocturnes, de…

Christelle. — On a pas mal de dossiers en ce moment.

Nicolas— Avoue qu’il t’aime bien !

Christelle— Il m’aime bien, Il m’aime bien… comme tous les avocats du cabinet, parce que je les traite avec respect, avec courtoisie…

Nicolas— Aux dix ans du cabinet, il n’avait d’yeux que pour toi !

Christelle— Tu exagères un petit peu, là…

Nicolas— Un soir, je me souviens, tu m’as dit que tu travaillerais tard au cabinet. J’ai essayé de te joindre, mais ton portable était sur répondeur.

Christelle— Encore cette histoire…

Nicolas— Alors j’ai appelé le fixe du cabinet, et comme j’ai laissé sonner longtemps, j’ai fini par avoir le veilleur de nuit qui m’a certifié que les bureaux étaient totalement vides.

Christelle— Oui, oui, je me souviens…

Nicolas— Alors quand tu m’as dit, en rentrant chez nous à deux heures du matin, que tu étais allée réparer la tuyauterie du studio de Jérôme, ben j’ai eu comme un doute. 

Christelle— Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? C’était une urgence, je n’allais pas laisser ce pauvre Jérôme avec une fuite monstrueuse, qui menaçait d’inonder tout son étage ainsi que les étages…

Nicolas— Il n’a pas une copine ? Comment s’appelle-t-elle, déjà ? Euh… Marouchka ?

Christelle— Anouchka ! 

Nicolas— Elle ne peut pas s’occuper des fuites de Jérôme ?

Christelle— Anouchka, d’après ce que j’ai compris, n’est pas très présente…

Nicolas— Elle le délaisse ? Un beau mec comme lui ? Parce qu’il faut dire ce qui est : il est pas mal !

Christelle— Qui ?

Nicolas— Jérôme ! C’est un bel homme. 

Christelle, jouant la femme peu convaincue. — Moui… si on veut…

Nicolas— Si, si, il est agréable à regarder, Jérôme !

Christelle— Faut aimer son genre, quoi…

Nicolas— Je te trouve bien difficile ! Tu te souviens du Jour de l’An chez Pigier ? 

Christelle— Celui où j’ai dû vous quitter en catastrophe pour dépanner maman sur l’autoroute ?

Nicolas— Voilà ! Ce soir-là, dans son petit jeans moulant, Jérôme, il en jetait ! 

Christelle, faux jeton. — Il était là, à cette soirée, Jérôme ?

Nicolas— Bien sûr !

Christelle— Écoute, je n’en ai aucun souvenir…

Nicolas— Au fait, de quoi tu voulais me parler ?

Christelle— Moi ? Je ne sais plus…

Nicolas— J’ai une forte personnalité, blablabla…

Christelle— Ah oui ! Effectivement, oui, tu as une forte personnalité.

Nicolas, prenant le téléphone de Jérôme. — Mais… mais… C’est le téléphone de Jérôme !

Christelle, à part. — Oh putain !…

Nicolas, soupçonneux. — Pourquoi il est là, ce téléphone ?

Christelle, paniquée. — Mais ça, ce n’est pas, je veux dire, qui te dit que c’est le téléphone de Jérôme, ça ? …

Nicolas, éclatant. — Oh Christelle ! Ne me prends pas pour un idiot ! On le reconnaîtrait entre mille, ce téléphone ! 

Christelle, aux abois. — Alors tu crois vraiment, tu crois vraiment que c’est…

Nicolas, en colère. — C’est le téléphone de Jérôme ! Point final ! Il est venu ? (Aigre ) Une fois de plus, vous aviez un dossier urgent à traiter ?

Christelle, jouant l’indignation. — Mais qu’est-ce que tu vas encore t’imaginer, hein ? Eh bien oui ! Oui, c’est le téléphone de Jérôme ! Je ne voulais pas te le dire, parce que je me doutais que tu allais encore soupçonner je-ne-sais-pas-quoi… Mais la vérité est tellement… tellement… tellement plus simple ! …

Nicolas— Vas-y, je t’écoute !

Christelle— Les choses sont simples, Nicolas, simples, simples, tellement simples…

Nicolas— Toute cette simplicité, ça m’a l’air bien compliqué…

Christelle— Ce soir, par erreur, j’ai pris le téléphone de Jérôme en partant, et je m’en suis aperçu en arrivant à la gare ! Voilà ! (Montant peu à peu sur ses grands chevaux ) Tu es content ? Tu as toutes les explications que tu voulais ? Ce n’est pas suffisant ? Tu veux me faire donner le fouet parce que j’ai emporté, par distraction, le portable d’un collègue ? 

Nicolas, penaud. — Excuse-moi, chérie…

Christelle, emportée. — C’est honteux, ce que tu fais, Nicolas, c’est honteux ! Me soupçonner ! Moi ! Moi qui suis l’honnêteté, la fidélité incarnée !

Nicolas— Je suis désolé…

Christelle, glaciale. — Tu me fais beaucoup de peine.

À côté, Jérôme éternue.

Nicolas— À tes souhaits. 

Christelle— Merci…

Nicolas— Tu as pris froid ?

Christelle— Moi ? Non.

Jérôme éternue de nouveau.

Nicolas— Si, manifestement tu as pris froid.

Christelle— Euh… oui, peut-être…

Jérôme éternue encore.

Nicolas— Ce n’est pas toi !

Christelle— Ce n’est pas moi, quoi ?

Nicolas— Ce n’est pas toi qui éternues !

Christelle— Ah bon ?

Nicolas— Enfin, Christelle ! Quand tu éternues, en principe, tu es la première informée !

Jérôme éternue trois fois de suite.

Nicolas— Ça vient de la chambre…

Christelle, terrorisée. — Tu crois ?

Jérôme éternue encore.

Nicolas— C’est la chambre, c’est sûr ! Il y a quelqu’un ! 

Christelle— Pas forcément… c’est peut-être le voisin… les murs sont des feuilles de papier…

Nicolas, sortant un couteau de son sac, parlant bas. — Je te dis qu’il y a quelqu’un ! Va chercher la bombe lacrymo, moi, je vais lui mettre un coup entre les omoplates !

Christelle— Attends, Jérôme, attends…

Nicolas— Jérôme ?

Christelle— Non ! Euh… Je veux dire, attends, Nicolas, on ne va pas se monter la tête parce que…

Sous le coup d’une crise aigüe, Jérôme paraît, manquant de perdre l’équilibre, en proie à des éternuements incontrôlables.

Nicolas— Jérôme ? Jérôme est ici ?

Christelle— Mais Nicolas… Nicolas… Qu’est-ce que tu vas encore t’imaginer ?

Nicolas— Ah non ! Tu ne vas pas me faire le coup à chaque fois !

Christelle— Jérôme, ça va ?

Nicolas— Que faisait-il dans notre chambre ?

Christelle— Les choses sont simples, Nicolas…

Nicolas— Celle-là aussi, je la connais !

Jérôme éternue.

Christelle— Jérôme est allergique aux acariens et…

Jérôme éternue.

Christelle— Et depuis ce matin, c’est un festival de…

Jérôme éternue.

Christelle— Jérôme, s’il te plaît…

Jérôme éternue.

Christelle— Jérôme, fais un effort, merde !

Jérôme éternue.

Nicolas— C’est vrai que c’est un petit peu compliqué d’avoir une conversation suivie…

Jérôme— Excusez-moi d’étouffer ! (Il éternue encore.)

Christelle— C’est à cause de la poussière.

Jérôme éternue.

Nicolas— La poussière ? Ici ? Ça m’étonnerait ! M. Ramirez est un maniaque de la propreté.  

Jérôme— Manifestement, le cagibi a échappé à son attention. 

Nicolas— Le cagibi ? Le cagibi de notre penderie ?

Jérôme, constatant l’arrêt de ses éternuements. — Tiens, on dirait que c’est fini…

Nicolas— Jérôme était caché dans le cagibi de notre chambre ? (Comprenant tout.) Oh non ! …

Christelle— Nicolas…

Nicolas— Comment j’ai pu être aussi stupide ?! Il fallait vraiment que je sois aveugle ! Que je ne veuille pas voir ! Ces pseudos réunions de travail, ces prétendus problèmes de tuyauterie, cette panne de train, ces… (À Jérôme ) et ce slip, c’est le tien, je suppose ?

Christelle— Nicolas, je sais que les apparences sont contre nous, mais…

Nicolas— Mais quoi ? Tu vas encore continuer longtemps à te moquer de moi ? Qu’est-ce tu vas inventer, cette fois ? Jérôme avait une crise allergique au cabinet, et tu lui as gentiment proposé d’aller se reposer dans le cagibi de notre penderie ?

Christelle, tentant le tout pour le tout. — Mais… mais… c’est dingue !… comment tu as deviné ?

Nicolas— Assez ! J’ai été idiot, mais je n’avalerai plus tes bobards ! Et en plus, vous faites ça ici ! Dans notre propre lit ! Bravo ! Mes félicitations ! 

Christelle— Rassure-toi, je demande à M. Ramirez de changer les draps à chaque fois. 

Nicolas— À chaque fois ? Mais alors… ce n’est pas la première fois ? 

Christelle— Tu sais, quand on aime, on ne compte pas…

Nicolas— Oh ! Alors ça, ça dépasse tout !

Nicolas est au bord des larmes.

Christelle— Non, Nicolas… (Un silence.) Attends. (Christelle ouvre une bouteille et sert un verre à Nicolas.) Tiens, prends ça. Ça va te remonter. 

Nicolas— C’est quoi ?

Christelle— La gniole de grand-père. Jérôme, tu en veux ?

Jérôme— Je veux bien. C’est très bon contre les acariens. 

Christelle, servant Jérôme. — C’est très bon pour tout. Moi aussi, je crois que j’en ai besoin. (Elle se sert à son tour.) Allez, à la vôtre ! 

Ils boivent. 

Christelle— Oh la vache !…

Jérôme— C’est fort, ce truc…

Nicolas— On le sent bien descendre…

Christelle— Un autre ?

Nicolas— Vas-y. (Christelle ressert Nicolas.)

Christelle— Jérôme ? 

Jérôme— Ça dégage bien les bronches. (Christelle ressert Jérôme.)

Christelle— Moi aussi, je sens que j’ai les bronches un peu prises… (Elle se ressert.)

Ils boivent. 

Christelle— Wouah ! … C’est fort, mais ça fait quand même du bien…

Jérôme— Ouais… je sens que… je respire mieux, là…

Nicolas— Ça réveille !

Christelle— Sur le coup, oui. Mais après, ça a plutôt tendance à assommer…

Nicolas, tendant son verre. — Allez, un petit dernier !

Christelle— Nicolas, je ne sais pas si c’est raisonnable…

Nicolas— Je viens de découvrir que je suis cocu, j’ai tous les droits !

Christelle, resservant Nicolas. — Bon, si tu y tiens… Jérôme ? Pour tes bronches ?

Jérôme— Non merci. Si ma respiration s’améliore encore, je vais avoir les poumons perforés.

Nicolas avale d’un trait son troisième verre. 

Nicolas— Ah ! J’ai les idées plus claires, moi…

Christelle— Tu es sûr ?

Nicolas— Ça fait combien de temps ?

Christelle— Pardon ?

Nicolas— Ça fait combien de temps, vous deux ?

Christelle— C’est gênant, comme question…

Nicolas— Je m’informe…

Christelle— Je n’en sais rien…

Jérôme, piqué. — Tu n’en sais rien ?

Christelle— Ben tout dépend de…

Jérôme— Tout dépend de quoi ?

Christelle— Tout dépend si on tient compte de la première fois où on a… ou bien de la première fois où je t’ai…

Nicolas— Tu pourrais être plus claire, s’il te plaît ?

Christelle— Tu sais, moi, les dates… 

Jérôme, vexé. — Eh bien je vois que tout ça a beaucoup d’importance pour toi…

Christelle— Ça a de l’importance, mais je ne retiens pas forcément le jour et l’heure…

Jérôme— L’heure n’est pas nécessaire. Mais tu pourrais au moins retenir le jour…

Christelle— Ça doit faire un an, un an et demi grand maximum…

Jérôme— Ça fait exactement un an, huit mois et sept jours. (Regardant sa montre ) Plus trois heures et cinquante-deux minutes. 

Nicolas— Ce n’est pas rien.

Christelle— Ce n’est pas non plus extraordinaire.

Jérôme, vexé. — Pas extraordinaire ?

Christelle, tentant de se rattraper. — Mais si, c’est extraordinaire ! Je parlais de la durée… ce n’est pas…

Jérôme— Ce n’est pas quoi ? Un an, huit mois, sept jours, trois heures et cinquante-trois minutes…

Christelle— Cinquante-deux…

Jérôme, regardant sa montre. — Maintenant, ça fait cinquante-trois ! C’est tout de même quelque chose ! 

Nicolas, abondant dans le sens de Jérôme. — Mais bien sûr que c’est tout de même quelque chose !

Jérôme, à Christelle. — Tu vois, c’est tout de même quelque chose ! Même ton mari le dit…

Christelle.  — Vous n’avez pas mis longtemps pour vous entendre…

Nicolas— Donc ça fait un an, huit mois, euh…

Jérôme— …sept jours et cinquante-trois minutes !

Nicolas— Merci ! Donc, ça fait tout ce temps-là que vous vous cachez, comme ça, derrière des fausses visites à tantine, des fausses réunions, etc. ? Ça ne doit pas être simple. 

Christelle.  — Un mari parfait ! 

Nicolas— Pardon ?

Christelle.  — Il apprend que je le trompe, et il va finir par me dire : « Ma pauvre chérie, ça ne doit pas être facile à vivre, cette liaison secrète ! »

Nicolas, approuvant. — Tout à fait !

Christelle.  — Le mari parfait ! 

Nicolas— De qui tu parles ?

Christelle.  — De toi !

Nicolas— Moi, je suis un mari parfait ?

Christelle.  — Oh là !

Nicolas— Je suis tellement parfait que tu me trompes depuis plus d’un an !

Christelle.  — Exactement ! Parce que moi, toute cette perfection, ça m’étouffe ! 

Nicolas— Christelle, tu exagères, j’ai tout de même des défauts. 

Christelle.  — Ah oui, lesquels ?

Nicolas— Je veux toujours venir en aide aux autres.

Christelle.  — Tu parles d’un défaut !

Nicolas— Je suis très arrangeant, trop.

Christelle, ironique.  — Oh lala, mais quel défaut !

Nicolas— Qu’est-ce que tu voudrais ? Que je crie ? Que je casse la vaisselle ? Que je te traite de salope ? 

Christelle.  — Et pourquoi pas ? Au moins, ça, ça serait normal ! 

Jérôme— Christelle, calme-toi ! Nicolas essaie d’être compréhensif…

Nicolas— J’essaie surtout d’être pratique. Parce que s’aimer entre deux portes, ce n’est pas très amusant.

Jérôme— Ni très romantique.

Nicolas— J’allais le dire. C’est pourquoi j’ai une proposition simple à faire : Jérôme n’a qu’à s’installer ici ! 

Silence : Jérôme et Christelle sont désarçonnés.

Christelle, surprise.  — Pardon ? Je ne suis pas sûre d’avoir très bien…

Nicolas— Plutôt que de continuer à vous cacher, à déployer des trésors d’imagination pour trouver des prétextes, Jérôme n’a qu’à vivre ici avec nous. 

Christelle, surprise.  — Ici ? Mais… mais comment…

Nicolas— Comment ? Rien de plus simple : la chambre d’amis est libre, elle deviendra votre chambre ! Moi je resterai dans la mienne. Et voilà ! Le tour est joué. 

Christelle, vexée.  — Eh bien, je constate que tu as accepté la situation sans difficulté !

Nicolas— Quoi ? Tu vas me dire que tu renonces à Jérôme ?

Christelle.  — Mais non ! 

Nicolas— En ce cas, autant organiser notre nouvelle vie, tu ne penses pas ?

Christelle.  — Si, si…

Jérôme— Pardonnez-moi, mais il me semble que j’ai voix au chapitre.

Nicolas— Absolument, Jérôme. 

Jérôme— C’est hors de question. 

Nicolas— C’est à dire ? 

Jérôme— Il est hors de question que j’habite ici.

Christelle.  — Écoute, j’ai commencé par trouver ça surprenant, mais plus j’y réfléchis, plus je pense que ce serait beaucoup plus simple. 

Nicolas— Bien sûr !

Christelle.  — En plus on est à dix minutes du cabinet. 

Jérôme— Peu importe ! 

Nicolas— Surtout, vous auriez un toit pour héberger votre amour ! 

Jérôme— Excusez-moi, mais c’est très gênant ! 

Nicolas— Gênant ? Mais qu’est-ce qu’il y a de gênant ?

Jérôme— Vivre tous les trois sous le même toit ! Surtout sous ce toit-là !

Christelle.  — Et on peut savoir ce que tu lui reproches ?

Jérôme— Ce n’est pas chez moi. 

Christelle.  — Tu t’y feras. Tu verras, on est bien ici. 

Jérôme— Non, je crois que je ne pourrais pas m’y faire. 

Christelle.  — Ah ? Et pourquoi ?

Jérôme— Ben… les meubles, les couleurs, rien ne me plaît, ici…

Christelle.  — Regardez cette fine bouche !… On a mis du temps à choisir tout ça, avec Nicolas. 

Nicolas— Ça a été un gros travail. 

Christelle.  — Alors, tu pourrais au moins témoigner un peu de respect pour ce qu’on a essayé de faire. 

Nicolas— C’est vrai que ce n’est pas très agréable de se faire critiquer comme ça…

Christelle.  — Excuse-le, il ne se rend pas compte…

Jérôme— Je peux vous laisser, si vous voulez. 

Nicolas— Mais non, Jérôme, tu as raison. Ce n’est pas chez toi, ici. 

Jérôme— Tu vois, Nicolas, au moins, il me comprend. 

Christelle.  — Eh bien, installe-toi avec lui. 

Nicolas, riant.  — C’est une idée !

Jérôme, à Christelle. — Ne sois pas bête. Il y a une autre solution. 

Nicolas— Laquelle ?

Jérôme— Christelle vient habiter chez moi. 

Nicolas— Mais bien entendu ! Quelle bonne idée ! N’est-ce pas Christelle ?

Christelle.  — Ah non !

Jérôme— Et pourquoi ?

Christelle.  — Chez toi, c’est au bout du monde !

Jérôme— C’est à peine à vingt minutes de bus d’ici…

Christelle.  — Tu vois, c’est bien ce que je dis ! Et en plus, c’est une cage à lapin !

Jérôme— Ça fait toujours plaisir…

Christelle.  — C’est normal, c’est un studio. C’est conçu pour une personne…

Nicolas— Vous serez peut-être un peu à l’étroit, là-bas. 

Jérôme— Peut-être, en effet.

Nicolas— Mais pour moi, ce serait parfait. 

Christelle.  — Qu’est-ce que tu veux dire ?

Nicolas— Soyons logiques. Si Nicolas ne veut pas vivre à trois sous le même toit, et si tu ne veux pas habiter avec lui dans son studio, on n’a qu’à permuter !

Jérôme— Permuter ?

Nicolas— Permuter toi et moi. Tu prends ma place ici, je prends ta place là-bas !

Jérôme— Ça ne résout pas le problème.

Nicolas— En quoi ?

Jérôme— Ce sera toujours chez vous, ici.

Nicolas— Pas forcément. 

Jérôme— Comment ça ?

Nicolas— Si tu me donnes carte blanche pour ton studio, je te donne carte blanche pour ici. 

Christelle— Carte blanche, comment ça, carte blanche ?

Nicolas— Changer les peintures, dégager les bibelots, repenser la distribution des pièces, vous pourrez tout changer !

Jérôme— Pourquoi pas ?

Christelle— Ah non ! Il est très bien cet appart’ ! Qu’est-ce que tu veux y changer ?

Jérôme— Je ne sais pas… Des tas de choses…

Nicolas— C’est normal, Christelle. Si vous vivez tous les deux ici, il faut qu’il se sente chez lui. 

Christelle— Mais on ne va pas tout effacer d’un coup ! C’est notre appartement, on l’a acheté à deux, on l’a décoré à deux…

Nicolas— Notre vie prend manifestement une autre direction. 

Jérôme— Je vois bien des couleurs plus sombres, plus intimes…

Christelle— Jérôme, on ne peut tout de même pas mettre Nicolas à la porte !

Nicolas— Puisque c’est moi qui le propose !

Jérôme— Puisque c’est lui qui le propose !

Christelle— Tu ne sais pas ce que tu dis ! Nicolas est un cuisinier hors pair !

Nicolas— C’est ce que tu préfères chez moi ? Ma méthode hors pair pour te remplir le ventre ? Merci !

Jérôme— À ce propos, on pourrait ouvrir la cuisine. On gagnerait en lumière. 

Christelle— Ne sois pas indécent, s’il te plaît. 

Jérôme— Indécent ? Moi, indécent ?

Christelle— Tu changes les peintures, tu ouvres la cuisine, mais tu te prends pour qui ? Les propriétaires ici, c’est Nicolas et moi !

Jérôme— Ça ne marchera pas. 

Christelle— Non, je ne crois pas.

Jérôme— Nous deux, dans cet appartement, ça ne marchera pas.  

Christelle— C’est évident.

Jérôme— Notre histoire est nouvelle. Elle a besoin d’un nouveau toit. 

Christelle— Un nouveau toit ? Mais alors tu veux…

Jérôme— Je vends mon studio, vous vendez votre appartement et toi et moi on se cherche quelque chose. 

Christelle— Vendre l’appartement ? Ce serait vraiment dommage…

Nicolas— C’est vrai : une si belle vue, des équipements presque neufs, des commerces de proximité… 

Jérôme— On peut trouver tout ça ailleurs !

Christelle— C’est à dix minutes du cabinet !

Jérôme— On peut aussi trouver à dix minutes du cabinet !

Christelle— Je ne sais pas Jérôme, vraiment je ne sais pas…

Jérôme— Mais Christelle, qu’est-ce qui se passe ?

Christelle— Il se passe que je ne comprends pas cette obstination à chercher je-ne-sais-où ce que tu as sous la main…

Jérôme— Tu es sûre de toi ?

Christelle— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Jérôme— Tu es sûre de ce que tu ressens ?

Christelle— Actuellement, je ressens plutôt une espèce d’ingratitude…

Jérôme— Je ne comprends pas…

Christelle— Cet appartement nous a accueillis tant et tant de fois…

Nicolas— Surtout, faites comme si je n’étais pas là…

Jérôme— La vérité, c’est que tu ne veux pas t’investir dans notre histoire !

Christelle— Moi, je ne veux pas ? … Et qu’est-ce que je fais, depuis tout à l’heure ? Je cherche des solutions !

Jérôme— Des solutions ! Mais pour qui ? Pour toi ! Pas pour nous ! 

Christelle— Tu plaisantes ? On te propose de venir habiter ici !

Jérôme— Tout ! Tout plutôt que de quitter cet appartement, c’est ça ?

Christelle— Cet appartement a des qualités indéniables…

Jérôme— Tout plutôt que de quitter ton petit confort, tes petites habitudes…

Christelle— Tu vas reprocher à cet appartement d’être confortable ?

Jérôme— La vérité, c’est que tu ne veux pas partir d’ici !

Nicolas— Je vais vous laisser…

Christelle— Non, Nicolas, reste…

Jérôme— Tu ne veux pas non plus laisser Nicolas partir ! Ça, tant qu’on se voyait entre deux réunions, tant que madame pouvait continuer à profiter de son jacuzzi, de sa clim réversible, là, tout allait bien ! Mais quand il s’agit de faire un choix, de montrer que tu veux changer de vie, alors là tout devient problème ! Eh bien je vais te dire, Christelle : reste ici, dans cet appartement parfait, parfaitement bien situé, décoré à la perfection par un mari parfait qui fait parfaitement la cuisine ! En revanche, oublie-moi ! Trouve quelqu’un d’autre pour tes galipettes extra conjugales ! Trouve une autre poire à baratiner de belles promesses ! Ne m’appelle plus. Et ne cherche plus à avoir une relation avec moi autre que professionnelle ! Par contre, j’ai quelque chose à te raconter et je crois que tu vas être bien étonnée !

Nicolas— Ça sent le cramé.

Christelle— Le cramé ? Mince ! Le four ! J’ai mis ton lapin à la moutarde à réchauffer et je l’ai complètement oublié !

Christelle sort précipitamment. 

Jérôme, lançant un regard noir à Nicolas. — Tu es satisfait ?  

Nicolas— Pas vraiment, non !

Jérôme— Ah ?

Nicolas— Un lapin à la moutarde que j’ai mis des heures à mitonner… C’est une pitié de le voir finir ainsi. 

Jérôme— Je ne parlais pas du lapin à la moutarde. 

Nicolas— Ah ?

Jérôme.  — Je m’en fous, du lapin à la moutarde. 

Nicolas— Tu as tort, ça nous aurait fait un bon dîner. 

Jérôme— Je n’ai pas faim.

Nicolas.  — Moi, par contre, j’ai un petit creux.

Jérôme— J’imagine. Toutes ces manœuvres, ces manipulations, ça creuse. 

Nicolas— Je ne comprends pas ce que tu veux dire. 

Jérôme— Ne joue pas au mari parfait, c’est inutile avec moi.

Nicolas— Si tu fais allusion à la tournure que prennent les événements, je suis le premier à la regretter. 

Jérôme, ironique. — Oui, bien sûr ! 

Nicolas.  — Je ne veux que le bonheur de Christelle.

Jérôme— Et le tien ? Tu t’assois dessus ?

Nicolas— Le mien ou le sien, c’est la même chose. Et si elle est heureuse avec toi, il est de mon devoir, en tant qu’époux, de la comprendre et de…

Jérôme— Garde ce genre de répliques pour le retour de ta femme.

Nicolas— Je suis sûr qu’on peut encore inverser la vapeur.

Jérôme—  C’est extraordinaire, cette faculté de mentir, de dire exactement le contraire de ce que tu veux. 

Nicolas— Tu te fais une fausse image de moi.

Jérôme—  À moins que la fausseté soit ta vérité ! En tout cas, bravo ! Tu as gagné la partie. Tu as récupéré ta moitié. 

Nicolas— Ma moitié ! Tu veux dire celle qui me trompe depuis un an et huit mois ? 

Jérôme, regardant sa montre. —  Plus sept jours, quatre heures et cinq minutes. 

Nicolas— Ce décompte est sordide !

Jérôme—  Rassure-toi, elle ne partira jamais ! 

Nicolas— Peut-être…

Jérôme—  Tu devrais t’en féliciter !

Nicolas— Me féliciter ? De quoi, exactement ? De son penchant pour le jacuzzi ? De son amour pour la clim réversible ? Ou bien de sa passion pour mon lapin à la moutarde ?

Jérôme—  Tu as su trouver comment la retenir.

Nicolas.  — À quel prix ?

Jérôme— C’est peut-être un peu cher, mais le retour sur investissement est excellent !

Nicolas— Voilà ce que je ferai graver sur notre caveau conjugal : « C’était peut-être un peu cher, mais le retour sur investissement a été excellent. »

Jérôme— Plains-toi ! Au moins, tu as quelqu’un dans ta vie. 

Nicolas— Tout comme toi. 

Jérôme— Toi, l’homme parfait, je ne t’aurais pas cru si cruel. 

Nicolas, regardant son téléphone. — Ah, ça y est, il est rechargé. Tu n’es plus fiancé ?

Jérôme— Si, toujours, à ce qu’il paraît. 

Nicolas.  — Comment va Anouchka ?

Jérôme— Je n’en sais rien. Ça fait des mois qu’on ne s’est pas vus. 

Nicolas— Elle a appris quelque chose ?

Jérôme— Non. Enfin, je ne crois pas. Disons que les relations se sont distendues. 

Nicolas.  — C’est justement l’occasion de les renouer. 

Jérôme— Ou de les couper net. 

Nicolas— Tu es incapable de vivre seul. 

Jérôme— Tu m’avais bien cerné. 

Nicolas.  — Tu l’admets enfin. Excuse-moi, il faut que j’envoie un message. 

Jérôme— Finalement, tu l’as eu, ta vengeance. 

Nicolas, qui avait commencé à écrire, s’arrête. 

Nicolas.  — De quoi tu parles ?

Jérôme— Ah oui, j’oubliais : un homme parfait ne se venge pas. 

Nicolas.  — Me venger ? Et de quoi ?

Jérôme— Tes mots étaient clairs : « Tu le regretteras ».

Nicolas— Cette vieille histoire !…

Jérôme— Tu ne vas pas me dire que tu n’y penses plus ?

Nicolas— Je parlais de regrets. Ce n’était pas une menace. 

Jérôme— Tu n’as jamais accepté que je coupe les ponts. 

Nicolas— Ça a été brutal, c’est vrai.

Jérôme— C’était la seule solution. 

Nicolas— Une solution lâche.

Jérôme— Ça n’aurait pas marché entre nous.

Nicolas— Tu te trompes. 

Jérôme— Ce qui s’est passé ce soir-là, ça été un accident. Un simple accident de parcours…

Nicolas.  — Tu as voulu t’en persuader. Mais ce que j’ai éprouvé cette nuit-là, je n’ai jamais pu l’oublier ! J’ai la conviction qu’entre nous aurait pu naître une grande histoire…

Jérôme— On se connaissait à peine, on était complètement ivres…

Nicolas.  — On avait un peu bu, peut-être…

Jérôme— On ne savait plus ce qu’on faisait.

Nicolas— Moi, je le savais très bien. 

Jérôme— On était coincés chez les Pigier, pour ce Jour de l’An mortel. Christelle avait dû partir, on avait fini tous les fonds de bouteille… On a perdu la tête, c’est tout. 

Nicolas— Tu n’as pas apprécié le moment qu’on a passé ensemble, toi et moi, seuls, à l’écart des invités ?

Jérôme— Dans la folie de l’ivresse, peut-être, mais le lendemain, après avoir dessaoulé, je me suis dit : « Qu’est-ce qu’on a fait ? »

Nicolas— Tu as eu peur de t’avouer tes véritables sentiments !

Jérôme— Je vais te dire mes véritables sentiments : j’aime Christelle, cette fille qui place son jacuzzi et sa clim réversible au-dessus de tout ! Mais toi, est-ce que tu l’aimes vraiment ?

Christelle revient avec une bouteille de vin et trois verres.

Christelle— Mauvaise nouvelle : nous n’avons plus de dîner. Heureusement, nous n’aurons pas soif. (Christelle fait le service.)

Nicolas— Le lapin à la moutarde n’a pas bonne mine ?

Christelle— J’ai déjà vu des trucs qui ressemblaient à notre lapin, sur des photos d’Hiroshima. 

Nicolas— Ah !… (Prenant son téléphone ) Il faut absolument que j’envoie un message…

Christelle— Ah oui ! Le staff de Reykjavik ?

Nicolas— Voilà ! Eh bien Jérôme, on ne te retient pas. Tu peux prendre tes affaires et partir. 

Jérôme— D’accord… ça a le mérite d’être clair.  

Nicolas— Sauf erreur de ma part, tu as rompu avec Christelle ? (Nicolas commence à écrire.)

Christelle— Et c’est une très bonne chose, finalement. (À Jérôme ) J’y réfléchissais à la cuisine, au milieu des vapeurs de fumée, mais… il vaut mieux qu’on arrête tout. Et puis, mets-toi un peu à la place de Nicolas. (Nicolas arrête d’écrire.)

Jérôme, ironique. — Oh oui, le pauvre ! 

Christelle, ne saisissant pas l’ironie. — Exactement ! Lui qui n’a jamais commis une seule infidélité, lui qui n’a même jamais regardé autre part que dans notre couple… Il doit être secoué de découvrir tout ça…

Jérôme, ironique. — Bien entendu. Pour une âme pure comme lui, c’est atroce d’avoir été mêlé à nos turpitudes…

Christelle— Je m’en veux, Nicolas, si tu savais… Toi à qui je n’ai strictement rien à reprocher ! 

Nicolas— N’en fais pas trop, ma chérie…

Jérôme, persifleur. — Voyons, on n’en fait jamais trop pour un mari parfait comme toi ! 

Nicolas, gêné. — Parfait, parfait…

Jérôme, sarcastique. — Mais si, parfait ! 

Christelle, sincère. — Mais oui, parfait !

Jérôme— Je comprends très bien que tu sois attachée à un homme si parfait. (À Nicolas ) Que veux-tu ? Nous autres, hommes ordinaires, nous ne pouvons pas rivaliser avec ta perfection ! Evidemment, si Christelle découvrait que toi aussi, tu as été voir ailleurs, les choses seraient sans doute un peu différentes.

Silence gêné.

Christelle— Qu’est-ce que tu racontes ?

Jérôme— Tu m’as bien dit que si tu apprenais que ton mari avait des défauts comme tout le monde, tu en serais satisfaite ?

Christelle— Euh… Oui, oui… dans une certaine mesure…

Jérôme— Dans une certaine mesure, bien entendu ! Parce que si tu apprenais que ton mari a tout fait pour se taper quelqu’un d’autre que toi, là, je suis sûr que tu l’aurais mauvaise. 

Christelle, troublée. — Oui, effectivement, oui…

Jérôme, jouant avec les nerfs de Nicolas. — Heureusement, ce n’est pas le cas ! N’est-ce pas ? 

Nicolas, au supplice. — Mais non ! 

Christelle, rassurée. — Mais non !

Jérôme— Bien, je vais vous laisser. Je ne sais pas ce que j’ai fait de ma carte de bus…

Nicolas— Je peux te dépanner si tu veux. Attends… Tiens. (Il donne un billet à Jérôme.)

Christelle— Un billet de cinquante ?

Nicolas— Je n’ai pas de monnaie, désolé…

Christelle, à Jérôme. — Avec ça, tu vas pouvoir en faire, des trajets…

Jérôme, moqueur. — Merci, c’est très généreux de ta part, Nicolas. Parfait jusqu’au bout ! Remarque, ça tombe bien : je n’ai plus rien à manger. Je ferai quelques courses. 

Nicolas— Tu as besoin de faire des courses ? Prends aussi ça ! (Il lui donne un autre billet.)

Jérôme, ravi. — Merci !

Christelle— Un billet de cent, maintenant ? 

Nicolas— Je n’ai plus de pièces…

Christelle, lançant un regard noir à Jérôme.  — Cent cinquante pour un ticket de bus et un dîner pour une personne, ça va aller ?

Jérôme, moqueur. — Ça sera un peu juste, mais je me débrouillerai ! J’espère seulement que ma fuite n’aura pas causé trop de dégâts.

Nicolas— J’avais oublié que tu avais des problèmes de plomberie. D’ailleurs Christelle était venue chez toi pour faire quelque chose ?

Christelle, gênée.  — Euh… oui. Oui, oui…

Nicolas, sortant son chéquier. — Je suis navré mais maintenant je n’ai plus de liquide. (Remplissant un chèque ) Pour une intervention de qualité, il faut compter quoi ? Trois cents ?

Christelle.  — Mais enfin, tu ne vas pas lui faire un chèque ?

Nicolas— Christelle, c’est la moindre des choses ! 

Christelle.  — Et pourquoi ?

Nicolas— Parce que Jérôme pensait passer un weekend tranquille avec toi, et que tu viens de le quitter sans ménagement. On lui doit bien un petit dédommagement…

Christelle.  — Si tu veux, oui…

Nicolas, à Jérôme — Trois cents, ça ira ?

Jérôme, avec un regard de défi. — Moi, je compterais plutôt cinq cents. 

Christelle— Cinq cents ? Cinq cents pour réparer une fuite d’eau ? 

Jérôme, feignant d’être désolé. — Ça a beaucoup augmenté ces derniers temps…

Nicolas, signant son chèque, pincé.  — Ils sont chers, les plombiers, dans ton quartier ! 

Jérôme, prenant le chèque, aux anges. — C’est au bout du monde, demande à Christelle. Il faut compter les frais de déplacement… 

Christelle, donnant un verre à Jérôme. — Nous pourrions peut-être porter un toast à l’heureux plombier de Jérôme ?

Jérôme— Pourquoi pas plutôt un toast à ton mari parfait ? (Christelle donne un verre à Nicolas.) 

Christelle— C’est une idée !

Nicolas— Ce n’est peut-être pas nécessaire…

Jérôme— Mais si ! Mais si ! Levons nos verres. Comme c’est drôle… Je ne connaissais pas bien Nicolas. On s’était croisés à des pots au cabinet… Et puis il y a eu ce Jour de l’An chez Pigier. Tu te souviens ?

Christelle— Ne m’en parle pas ! J’ai dû partir en catastrophe parce que ma mère, sur l’autoroute…

Jérôme— Justement ! Après ton départ, on a eu l’occasion, Nicolas et moi, de faire plus ample connaissance…

Nicolas, sur le grill. — Je crois que ça n’intéresse pas Christelle !

Christelle— Mais si, au contraire ! Tu ne m’en as jamais rien dit ! 

Jérôme— Ça ne m’étonne pas ! Il n’a pas dû s’en vanter, ton mari parfait !… Parce qu’après plusieurs bouteilles, lui et moi on s’est retrouvés littéralement… (Nicolas jette son verre sur Jérôme.) Ah ! 

Nicolas— Quel maladroit…

Christelle— Il faut mettre du sel ! Dans la cuisine, juste à côté du four ! Vite ! À grande eau pendant au moins cinq minutes !

Jérôme, ulcéré, sort avec précipitation.

Nicolas— Christelle, j’ai quelque chose à te dire…

Christelle— On peut savoir pourquoi tu viens de lui cracher six cents cinquante balles ? En voilà un qui n’a pas perdu son weekend…

Nicolas— Justement, ça a un rapport avec ce que je voulais te dire…

Christelle— Je t’écoute…

Nicolas— Tu sais… pendant ce Jour de l’An, chez Pigier, une fois que tu as été partie, il s’est passé quelque chose… quelque chose entre Jérôme et moi. Voilà… on… on s’est embrassés…

Christelle— Quoi ? Mais… comment…

Nicolas— Comment ? Hélas, c’est très simple : Jérôme est fou de moi. 

Christelle, incrédule. — Non ?

Nicolas— Tu ne me crois pas ?

Christelle— Si, si… mais j’avoue que je suis un peu…

Nicolas— Pourtant, c’est la vérité : ce type me prend pour l’amour de sa vie ! 

Christelle— Depuis ce Jour de l’An chez Pigier ?

Nicolas— C’est ça ! Ce soir-là, il a tout manigancé, il m’a fait boire et moi, je suis tombé dans son piège… Je ne savais plus ce que je faisais, j’étais ivre, tu étais loin… Bref… il y a eu ce baiser ! Je lui en veux, d’avoir réussi à m’avoir par surprise ! Et je m’en veux, à moi, d’avoir été faible, d’avoir cédé ! 

Christelle— Ce type est immonde ! 

Nicolas— De qui tu parles ?

Christelle— De Jérôme ! Te plonger dans un état second pour parvenir à ses fins ! 

Nicolas— Le pire, c’est que moi j’ai pris conscience que c’était un faux pas, un accident, mais lui, pas du tout ! Depuis, impossible de le faire changer d’avis : il est persuadé que lui et moi nous sommes faits pour vivre une grande histoire d’amour ! 

Christelle— Qui ? Toi et lui ? (Elle rit.) Ha ! Ha ! Ha !

Nicolas— Pourquoi tu ris ?

Christelle— Parce que c’est risible ! 

Nicolas— Oui, oui… D’ailleurs c’est ce que je me tue à lui dire ! Après la soirée chez Pigier, il a essayé de me contacter. Alors moi, je lui ai expliqué que rien n’était possible entre nous, que mon mariage était sacré et que rien ni personne ne pourrait m’en détourner. Mais il l’a très mal pris et il ne m’a jamais pardonné !

Christelle— Mais alors… notre histoire à Jérôme et à moi… ce n’était qu’une façade… qu’un stratagème… ce qu’il voulait vraiment, c’était t’atteindre…

Nicolas— J’en ai bien peur…

Christelle— Ah le salaud !

Nicolas, la vertu incarnée. — Non, Christelle, non. Ne le jugeons pas. 

Christelle— Mais pourquoi tu as éprouvé le besoin de lui donner tout cet argent ?

Nicolas, déterminé. — Je suis prêt à tout pour qu’il sorte de notre vie. 

Christelle— Il va en sortir, ne t’inquiète pas. Et pas qu’un peu ! 

Nicolas, modéré. — Non, Christelle, pas de scandale, je t’en prie. Restons dignes. 

Christelle— Très bien, nous resterons amicaux. En apparence. Mais dès lundi, je le fais virer du cabinet. 

Nicolas, fou de joie. — Tu pourrais faire ça ?

Christelle— Pigier ne peut plus le sentir, depuis qu’il a refusé ses avances. On inventera une faute professionnelle. 

Nicolas— Ma chérie, tu es formidable ! Je t’aime. 

Christelle— Moi aussi je t’aime, mon cœur. J’ai le sentiment que moi aussi, de mon côté, je me suis laissée surprendre par un stratagème de Jérôme et que…

Jérôme revient, le visage renfrogné, toujours trempé. 

Jérôme, aigre, à Nicolas. — Tu ne m’as pas raté ! 

Nicolas— C’était un accident.  

Jérôme— Ben voyons ! En tout cas, tu ne m’empêcheras pas de raconter à Christelle ce qui s’est passé au Jour de l’An chez Pigier !

Christelle— Inutile, je sais tout. 

Jérôme— Quoi ? 

Christelle— L’alcool, le baiser, l’espoir d’une grande histoire d’amour partagée…

Jérôme, à Nicolas. — Tu lui as dit ? 

Christelle, sur un ton cordial. — Parfois, il arrive qu’on fasse un faux pas. Cela arrive à tout le monde. Même aux maris parfaits. Tu ne crois pas ?

Jérôme, désarçonné. — Euh… si…

Christelle, resservant un verre à Nicolas. — Bien. Allez, ne fais pas la tête. Et appelle Anouchka. Je suis sûre qu’elle sera ravie de t’entendre.

Jérôme— Tu parles…

Christelle— Avant que tu ne partes, trinquons ensemble. 

Jérôme— À quoi boit-on, cette fois ?

Christelle— À notre amitié ?

Jérôme, après une hésitation. — À notre amitié.

Tous lèvent leurs verres. On toque à la porte. 

Christelle, à Nicolas. — Tu attends quelqu’un ? 

Nicolas— Non et toi ? (Soudain il se frappe le front comme si il venait de se souvenir de quelque chose.)

Voix off— Nicolas ? J’ai bien eu ton message pour l’annulation de ton vol ! Nicolas, mon chéri, ouvre-moi, c’est Anouchka ! 

*

*      *

FIN 

DE 

UN MARI PARFAIT

Des questions ? Des remarques ?

Écrivez-nous : contact@rivoireetcartier.com


Cette pièce vous a plu ? Pour découvrir la prochaine en avant-première, inscrivez-vous sur le site et abonnez-vous à notre Lettre de Nouvelles.

Retour en haut