Pièces de théâtre

Un théâtre à jouer pour déjouer nos travers

J’ai vu récemment La Vie est Belle de Roberto Benigni (1997). Je retire du film un sentiment mitigé. Il s’agit d’un ratage instructif.

Affiche de La Vie est Belle de Roberto Benigni, 1997.
Affiche du film.

J’en ai aimé la première partie. Le comique burlesque de Benigni rejoint le poétique dans un registre qui évoque parfois celui de Chaplin. Cela m’a rappelé plusieurs de ses films antérieurs, que j’avais trouvés réjouissants. Au-delà de la drôlerie et de la poésie des gags, l’écriture scénaristique m’a semblée très cohérente : plusieurs gags sont en fait le paiement de préparations souvent déposées de longue main. Autrement dit : plusieurs effets surprenants sont minutieusement préparés par des éléments en apparence anodins exposés plus tôt.

La seconde partie, dans le camp, m’a en revanche laissé de marbre. Vous en connaissez sans doute le principe : un couple ayant un fils est déporté dans un camp de concentration. Le père et le fils sont ensemble. Le père fait croire au fils qu’ils participent à une sorte de jeu, constitué de différentes épreuves. Le gros lot : un char. J’ai trouvé cette partie très longue, comme si la situation s’étirait plus que de raison. Ensuite, il m’a semblé étrange que personne ne cherche à casser le jeu du père, lequel peut paraître absurde au regard des enjeux. Enfin, la manière peu réaliste dont est représenté le camp heurte nos sensibilités informées par la plus élémentaire culture historique.

La Vie est Belle, film de Roberto Benigni.
Le père et et le fils dans le camp.

Il m’a semblé que le comique de Benigni trouvait ici ses limites. Sa vis comica, autrement dit sa force comique prend appui sur le réel pour le détourner, le poétiser. Or, face aux déportations, le jeu proposé par le père semble bien dérisoire et peut même passer, du point de vue de la visée scénaristique, pour une recherche poussive de pathétique.

Lorsque Chaplin tourne Le Dictateur, summum du film burlesque, il parle de la même triste période historique. Mais admirez comme il la transpose dans un pays imaginaire. Ce postulat rend possible un comique poétique qui vise un rire de résistance et montre de quelle façon le registre comique est propre à traiter des sujets les plus graves, même si l’on s’en était aperçu depuis au moins Aristophane.

Il n’en demeure pas moins que le film de Benigni a reçu une pluie de récompenses dont le Grand Prix du jury du Festival de Cannes et l’Oscar du meilleur film étranger. Pourtant, depuis, Benigni n’a tourné que deux films, deux films depuis vingt-six ans. Le signe qu’il aurait trouvé dans cet opus une manière d’obstacle difficilement franchissable ?