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Que feriez-vous si tout le monde se mettait à vous ressembler ?
Accordez-nous moins de trente minutes de lecture et plongez votre public dans une satire glaçante et originale sur les dérives de la société moderne (même si vos interprètes débutent).
Avant de vous en dire plus, on a 3 questions rapides à vous poser :
🆘 Vous en avez assez des pièces qui manquent de mordant et de critique sociale ?
🆘 Vous cherchez un texte qui mêle humour et réflexion profonde ?
🆘 Vous voulez surprendre votre public avec un dénouement inattendu ?
Si vous avez répondu oui à au moins deux questions, alors lisez vite ce qui suit !
Voici le résumé de Facsimile :
Le premier jour de Franck dans son nouveau travail est prometteur. Intégré dans une organisation décrite comme une grande famille, il découvre un univers où la quête de perfection physique est érigée en valeur suprême. Mais plus il avance dans ce monde étrange, plus il se rend compte que tout le monde se ressemble… littéralement. Et si cette entreprise dissimulait une réalité bien plus sombre que ce qu’elle prétend ?
En accédant au texte intégral de Facsimile, vous obtiendrez un fichier PDF de 21 pages pour un poids ultra-réduit de 283 Ko, téléchargeable sur votre ordinateur, votre tablette, votre téléphone, et imprimable sur n’importe quel support. La mise en page vous permettra de noter sur le texte toutes les indications et notes de régie que vous jugerez utiles.
Avec Facsimile, vous découvrirez :
✅ Une satire sociale acérée : un texte qui interroge les standards de beauté et la déshumanisation.
✅ Des rôles adaptables : grâce à une distribution flexible.
✅ Un décor unique mais simple : un bureau qui s’adapte facilement à votre scène.
✅ Une intrigue captivante et surprenante : un suspense qui tient en haleine jusqu’à une révélation finale mémorable.
✅ Une réflexion mordante : cette pièce provoque le rire tout en suscitant une réflexion sur la quête d’identité et les dérives de la société.
Intéressé(e) ? Téléchargez gratuitement le texte intégral de Facsimile et laissez votre public explorer les limites de la quête de perfection et de l’identité dans cette comédie satirique percutante.
Attention : déconseillé aux compagnies qui préfèrent les comédies légères et sans critique sociale.
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Facsimile forme, avec De Profundis Clamavi et Urbi et Orbi, un triptyque consacré au monde du travail.
Les trois textes n’ont pas été écrits en même temps, mais dans la même dynamique, coïncidant avec la réédition de l’intégrale de la série « The Twilight zone ». Cette série américaine, diffusée pour la première fois à la fin des années 50, propose généralement des courts métrages de 25 minutes jouant sur l’étrange, le fantastique et la science-fiction.
« Cartier et moi étions très fans de la série. Quand les dvd sont sortis, nous avons regardé tous les épisodes, un par un. » affirme Antoine Rivoire. « La série est produite par Rod Serling, qui écrit et réalise certains épisodes. On le voit souvent au début de la narration, présentant les personnages. Les scénarios sont signés par des pointures comme Ray Bradbury ou Richard Matheson. Les acteurs sont Charles Bronson, Robert Redford, etc. Attirés depuis toujours par l’étrange, nous avons essayé d’écrire des petits textes qui auraient pu intégrer la série. Et ça a donné ‘De profundis clamavi’ et ‘Facsimile’ »
Texte intégral de Facsimile à lire ou à imprimer
PERSONNAGES
Myriam
Kerstin
Zineb
Ana
Ces quatre personnages peuvent être jouées par une à quatre actrices.
Jean-Paul
Rudolph
Goldmann
Zambino
Ces quatre personnages peuvent être joués par un à quatre acteurs.
Franck
Un bureau. Franck est assis et attend. Myriam entre.
MYRIAM. Bonjour M. Redon. Franck se lève. Comment allez-vous ?
FRANCK. Très bien merci.
MYRIAM. M. Zambô sera à vous dans quelques instants. C’est un honneur, vous savez ? Un honneur de le rencontrer aujourd’hui. Jamais il n’a reçu quelqu’un lors de son premier jour, vous savez ? Mais lorsqu’il a vu votre dossier, votre expérience, eh bien il a dit, comme ça, à peu près : « Le voir. » « Le voir ». C’est tout. M. Zambô n’est pas très causant, vous savez. C’est lui le fondateur. Eh oui. Il a tout fait, au début, ici. « Même le carrelage » comme il dit souvent. Et en effet, si vous regardez bien au bloc n°1, à gauche de la porte d’entrée, sur le premier carreau, eh bien vous verrez un petit « Z ». Oui, oui. Tout fait, ici, d’abord. Au début M. Zambô avait racheté l’ancienne loge du concierge. 17 m2. Eh oui. Et puis, comme les affaires marchaient bien, il a acquis un appartement, puis deux puis trois et aujourd’hui : quatre. Quatre corps de bâtiments dédiés au beau et au bien-être. Tout le pâté de maison ! Alors, les critiques au début, il y en a toujours, vous savez, aujourd’hui moins virulentes qu’auparavant, mais au début, les critiques, hein, terribles ! Alors il s’est forgé une carapace. Parle très peu. Très très peu. Juste l’essentiel. Justement, une chose : ne lui faites pas répéter. Il a horreur de ça. Je m’appelle Myriam. Relations publiques. Comme ça pour tout le monde. On s’appelle par nos prénoms. Une grande famille, ici, vous savez. Et vous ?
FRANCK. Franck.
MYRIAM, lui tendant la main. Bienvenue, Franck. Ils se serrent la main.
Entre Jean-Paul.
JEAN-PAUL. Bonjour Myriam. Notre nouvelle recrue ?
MYRIAM. Affirmatif.
JEAN-PAUL, tendant la main. Jean-Paul.
FRANCK, lui serrant la main. Franck.
MYRIAM. Je vous laisse. (Elle sort.)
JEAN-PAUL. Chirurgien ?
FRANCK. Anesthésiste.
JEAN-PAUL. Bavarde, cette Myriam. Son laïus ne vous a pas trop… pas trop anesthésié ?
FRANCK. Très sympathique.
JEAN-PAUL. Beaucoup plus depuis que Goldmann s’en est occupé. Bien. Asseyez-vous. (Franck s’assoit.) Scotch ? (Étonnement de Franck.) Recommandé pour la dilatation des artères.
FRANCK. En ce cas.
JEAN-PAUL, sert deux verres. Sans glaçons, bien sûr, laissons cela au vulgaire. (Ils trinquent.) À votre santé Franck. Bienvenue chez nous. Je suis l’aide de camp de M. Zambô.
FRANCK. Aide de camp ?
JEAN-PAUL. Nous nous sommes connus en Indochine. Médecine militaire. M. Zambô a un petit grade. Ne tient pas à le mentionner en public. Des souvenirs encore brûlants. Sachez, quoiqu’il en soit, que M. le Ministre met un point d’honneur, pour ses vœux aux armées, à n’oublier jamais le général Zambô. (Silence.) Pur Malt. J’aime ce léger goût de tourbe. Mais dites-moi, qu’ai-je appris ? M. Zambô veut vous recevoir ? Ce n’est pas courant-courant, vous savez.
KERSTIN, entrant. Jean-Paul, tu peux venir, s’il te plaît, on en a encore trouvé un au 7e !
JEAN-PAUL, se levant. Les charognes ! C’est pour Jack, je suppose. (Bas .) Alors, c’est d’accord ?
KERSTIN. On verra…
JEAN-PAUL. Il y a des petits salons très discrets.
KERSTIN. Je suis fatiguée en ce moment.
JEAN-PAUL. J’ai parlé de toi à Zambô pour le secrétariat général de Genève. Il est, pour l’instant, très favorable. Très-très. (Il sort.)
KERSTIN, tendant la main. Kerstin, directrice des ressources humaines.
FRANCK, serrant la main. Franck. On se connaît, non ?
KERSTIN. Je ne crois pas. Mais… Franck… Franck, Franck… Franck ! C’est vous que M. Zambô veut voir ? Voilà qui augure d’un bon début parmi nous. (Lui tendant la main.) Bienvenue dans la maison. (Le regardant.) Un beau regard. Le nez est un peu proéminent, peut-être. Beaucoup d’effervescence, ces derniers temps. Vous faites partie de la maison, et puis M. Zambô veut vous voir, je peux vous mettre dans la confidence. Nous avons Jack W. Dennon.
FRANCK. Dennon… le chanteur ?
KERSTIN. Son voyage à Liverpool, sa visite des usines, son retour aux sources… Plan de com ! Il est ici. Certains fouilles-merdes ont flairé la chose. Heureusement, les méthodes de Jean-Paul produisent d’excellents résultats. (Quelque chose bipe. Elle l’arrête.) Rudolf Bogdanovitchtein arrive. Entre nous, on l’appelle Bog. Bogdanovitchtein, vous connaissez, je suppose ?
FRANCK. Oui, attendez, une pub pour un yaourt à la télé, diététicien ou quelque chose comme ça, c’est ça ?
KERSTIN. Le docteur Bogdanovitchtein est un psychiatre, psychologue et psychanalyste de renommée internationale. Ses conférences sont des événements. Formé à Vienne, naturellement. Ses travaux sur le vivre-ensemble sont aujourd’hui reconnus comme le centre théorique majeur du monde de demain. Et il travaille chez nous.
FRANCK. Je ne croyais pas trouver de service psychiatrie ici.
KERSTIN. Il n’y en a pas. Rudolf est le conseiller spécial de M. Zambô.
RUDOLPH, entrant. Salut là-dedans.
KERSTIN. Je te présente Franck.
RUDOLPH, tendant la main. Wilkommen. Heureux de vous savoir parmi nous. M. Zambô parle de vous depuis sept jours. Nous en avons tous assez ! Je blague. (Discrètement, à Kerstin .) Onze heures, à « L’Avenue »? Tu sais, Genève, c’est quasiment dans la poche.
KERSTIN, discrètement, à Rudolph. Onze heures et demie, je sortirai à peine du théâtre. (Haut .) Je vous laisse. (A Franck .) Ne lui racontez pas votre enfance, vous allez vous retrouver en étude de cas ! (Elle sort.)
RUDOLPH. Une sacré petite farceuse, celle-ci. Appelez-moi Rudi.
FRANCK. Nous nous sommes déjà rencontrés, non ?
RUDOLPH. Impossible, je m’en souviendrais. (Le regardant .) Votre lèvre supérieure mord un peu sur votre lèvre inférieure, si vous voulez mon humble avis. D’aucuns pourraient y voir une fermeture à l’Autre. Vous craignez le changement ?
FRANCK. Votre visage m’est familier, je ne sais pas pourquoi.
RUDOLPH. Nous formons tous une grande famille. C’est une image éculée, elle ne veut plus rien dire. Pourtant, ici, dans cette maison, cette expression prend vraiment sens. Donc, peur de la nouveauté, de la différence ?
FRANCK. Peur, peur… ça dépend.
RUDOLPH. Bien sûr. Et pourtant non. Ça ne dépend pas. Profondément ancrée en nous. Hétérophobie. La crainte de tout ce qui n’est pas comme nous. (Regardant les verres .) Ce picrate est vraiment dégueulasse. Jean-Paul, évidemment ? Dès notre plus jeune âge. L’enfant, le très jeune enfant, déjà, déteste la nouveauté. Il veut toujours qu’on lui raconte la même histoire pour s’endormir paisiblement, et gare si on omet un épisode ou si on veut écourter le dénouement. Nous nous construisons tous par la répétition. Notre façon de conjurer l’angoisse représentée par l’inconnu. Ce qui diffère nous trouble. (On toque.) Entrez.
ZINEB, passant juste la tête par la porte. Rudi… (Voyant Franck .) Bonjour monsieur.
RUDOLPH. C’est Franck.
ZINEB, idem. Franck ? C’est vous ? C’est vous que M. Zambô veut voir ? Il faudrait que l’on vous prévienne de deux ou trois choses.
RUDOLPH. Zambino s’en chargera sûrement. Tu voulais ?
ZINEB, idem. Que tu fasses ton choix pour la couleur.
RUDOLPH. J’arrive.
ZINEB, idem. Bienvenue Franck. À bientôt. (Elle referme la porte.)
RUDOLPH. Zineb, notre intendante. N’ai jamais pu mettre Jean-Paul au Kirch. Vous êtes contre le clonage ?
FRANCK. Quelle est votre fonction ici ?
RUDOLPH. Je fais un peu de tout. Je seconde du mieux que je peux mon vieil ami Zambô. Vingt-sept ans d’analyse. Ça crée des liens. Et puis on ouvre une succursale en Suisse. Entreprise prometteuse. Si ça vous tente. Ah oui, j’oubliais. La clinique possède une trentaine d’appartements qu’elle peut louer à ses employés un prix très attractif. Ils sont situés entre la rue de Marignan et l’avenue Matignon. Autrement dit, à deux pas. On ne sait jamais. Les urgences ne sont pas rares. Vous connaissez Jenny ?
FRANCK. Jenny ?
RUDOLPH. Vous savez, cette belle blonde plantureuse qui présente la météo ?
FRANCK. Ah, oui…
RUDOLPH. Que pensez-vous de sa poitrine ? De ses joues ? De son menton, de ses lèvres ?
FRANCK. J’avoue que je n’ai jamais…
RUDOLPH. Tout ça, c’est nous. Travail d’orfèvre. Enfin, c’est nous, c’est Goldmann, pour être précis. Vous le verrez tout à l’heure. Beau boulot, vraiment. Eh bien, l’autre jour, qui voit-on arriver en catastrophe, la lèvre explosée ? Vous n’avez pas idée, son compagnon la bat, une histoire sinistre… On a appelé Goldmann fissa, car la demoiselle devait être en studio le soir même. Goldmann a un petit duplex très bien rue Bayard, heureusement. Dites-moi, répondez sans réfléchir, comme ça, c’est entre nous, à bâtons rompus, si je vous dis « miroir », à quoi pensez-vous ?
FRANCK. Je ne sais vraiment pas…
RUDOLPH. Sans réfléchir.
FRANCK. Je ne sais pas… maquillage.
RUDOLPH, notant, surpris. Maquillage ?
FRANCK. Ce n’était pas ce qu’il fallait répondre ?
ANA, entrant. Bonjour, je suppose que vous êtes Franck ?
FRANCK. Passez à mon bureau demain. Je crois que nous avons besoin d’un entretien. (Il sort.)
ANA, se présentant. Ana Panesco, infirmière en chef. Zambino est ici.
FRANCK. Zambino ?
ANA. Le filleul de M. Zambô. Presque son fils. Son fils adoptif. Directeur technique. (Lui tendant la main .) On m’a dit qui vous êtes. Bienvenue dans la maison, Franck. (Posant un journal sur le bureau.) Vous avez vu ce qu’ils ont trouvé Pont de l’Alma ? Quelle horreur ! Tout près d’ici en plus…
FRANCK. Vous ressemblez à … celle qui m’a accueilli…
ANA. Myriam ?
FRANCK. Oui. Non. La deuxième…
ANA. Kerstin ? On me l’a déjà dit. Vous ne vous êtes pas rasé ce matin ?
FRANCK. Non… je… j’étais en retard…
ANA. Cela vous arrive-t-il souvent ?
FRANCK. Pardon ?
ANA. Ne pas vous raser ? C’est fréquent ?
FRANCK. Fréquent, non, mais j’avoue que parfois…
ANA. Notre établissement possède aujourd’hui un certain standing. Nous avons la belle tâche d’améliorer l’image de nos patients, l’image et finalement l’estime. Si on y réfléchit bien, nous sommes des vendeurs d’amour. C’est pourquoi M. Zambô exige de nous une tenue impeccable. Et nous mettons tous un point d’honneur à respecter cette exigence. Ceci explique peut-être pourquoi vous avez pu percevoir une ressemblance entre certains d’entre nous. Mais plus qu’une apparence physique, ce qui nous lie est une certaine idée de la démocratie esthétique.
FRANCK. Démocratie esthétique ?
ANA. En aristocratie, seuls ceux qui sont bien nés disposent de toute la liberté nécessaire. Les autres ? Qu’ils s’estiment heureux s’ils parviennent à racler les fonds de poubelle. Or, n’était-ce pas la situation que nous connaissions voici peu ? Une jeune fille avait-elle le bonheur de naître les cheveux blonds, une taille de guêpe et la poitrine avantageuse ? Toutes les portes s’ouvraient devant elle. Une autre avait-elle le malheur d’hériter d’une chevelure grasse, de rondeurs déformantes et de seins dégoulinants ? Toutes les issues lui étaient condamnées. Heureusement, depuis maintenant trente-cinq ans, grâce à M. Zambô, les choses ont changé. La beauté s’est démocratisée, le laid disparaît un peu plus chaque jour car chacun et chacune peut désormais accéder aux formes les plus pures, aux visages les plus avenants, aux corps les plus attrayants. Chacun et chacune. Pour peu qu’il y mette le prix. Bien entendu, cette dernière condition est tout à fait regrettable. L’État devra répondre de cette discrimination insupportable. Nos juristes font le siège du ministère de la santé depuis des années pour obtenir la prise en charge des opérations de chirurgie esthétique. Nous sommes prêts d’aboutir. Et alors vous verrez. Ce ne seront plus quatre bâtiments qu’il nous faudra, mais douze, quinze, dix-huit. Une cité entière. « Apollonia ». Le projet secret de M. Zambô. Gianfranco a dessiné les plans. Gianfranco, vous savez, l’architecte du nouvel aéroport ouest ? Il a tout dessiné. Fluidité des lignes, équilibre de l’ensemble, à l’image de ceux qui quitteront la cité pour un avenir meilleur.
GOLDMANN, entrant. Chère Ana, toujours aussi loquace. (Bas, à elle .) Qu’est-ce qui te prend de tout lui déballer comme ça ? Pas encore signé son contrat. (Haut .) On t’attend d’urgence à l’accueil. (Ana sort. Goldmann tend la main .) Bonjour, Goldmann. Bienvenue chez nous. On aura souvent l’occasion de travailler ensemble. Au fait : mes félicitations ! Tu dois avoir fait forte impression sur Zambô pour qu’il veuille te recevoir dès aujourd’hui. Il est vrai qu’on n’anesthésie jamais assez bien les gens. Franck, c’est ça ?
FRANCK. Oui, c’est ça.
GOLDMANN. Tu ne t’es pas rasé ce matin ?
FRANCK. Euh… non, je…
GOLDMANN. Évite. Zambô n’aime pas ça. Et il a raison. Après tout nous sommes une publicité vivante pour la boîte, non ? Et puis comment conseiller les patients sur leur image si la nôtre n’est pas irréprochable, tu es d’accord ? À propos, tu sais qui est sorti ce matin ? Lécuyer !
FRANCK. Le député ?
GOLDMANN. Veut reconquérir son siège. Pas gagné vu le contexte. Alors j’ai sorti le grand jeu : réalignement dentaire, lissage facial et implantation capillaire massive. Si avec ça il n’est pas réélu au premier tour, je rends mon bistouri. (Voyant le journal posé par Ana.) Pourquoi a-t-elle mis ça là ?
FRANCK. Je ne sais pas, quelque chose, Pont de l’Alma… (Prenant le journal et regardant la photo de la une.) Qu’est-ce que c’est ?
GOLDMANN. Rien, rien…
FRANCK. Un cachalot ? Dans la Seine ?
GOLDMANN. Oui… je crois… ce matin, à l’aube, ils ont trouvé, échoué sur le quai, Pont de l’Alma, une sorte de… de… on ne sait pas encore très bien. Ils ont transporté ce truc pour examen au muséum d’histoire naturelle.
ANA, rentrant. Ah ! mon journal ! Vous avez vu, incroyable, non ? Les passants, ceux qui l’ont découvert, ont été absolument terrorisés. (Regardant la photo.) Une sorte de méduse… non, de pieuvre ou de… vous savez, le calmar géant de Vingt mille lieues sous les mers ? Quelque chose comme ça, mais sans queue ni tête, gris-rose, gluant, puant, énorme, six ou sept mètres de long.
GOLDMANN, bas à Ana. Tais-toi.
FRANCK, regardant la une. Plutôt une sorte de raie. C’est ça. Une raie géante. Avec des tentacules.
ANA. Vraiment immonde. D’où ça peut venir ? J’imagine que ce genre d’horreur ne vit que dans les profondeurs de l’océan. Comment est-elle arrivée jusqu’ici ? Peut-être y en a-t-il d’autres ailleurs ? On se promène tranquillement au bord de l’eau sans savoir, sans se douter qu’en dessous, tout proche, un monstre informe fraye au creux du lit boueux de la rivière, frôlant la lie du cours d’eau, la terre, les ordures…
GOLDMANN. Ana, laisse-nous. Nous avons des choses importantes à voir ensemble.
ANA, sortant. Bien, bien…
GOLDMANN, jetant un œil à Franck. Un peu de ventre.
FRANCK. La gourmandise, un des sept péchés capitaux.
GOLDMANN. Tu ne manges pas trop gras, trop salé, trop sucré ?
FRANCK. Non, je ne pense pas.
GOLDMANN. Cinq fruits ou légumes par jour ?
FRANCK. Souvent, souvent…
GOLDMANN. Au moins trente minutes d’activité physique modérée quotidienne ?
FRANCK. Je n’en mettrais pas ma main à couper.
GOLDMANN. Tu fumes trop. Ça se voit. Teint gris. Quelque chose de très bien, très rapide, très léger : un rafraîchissement de l’épiderme. Je peux te le faire, si tu veux. L’histoire d’une heure. À peine. Trois quarts d’heure.
FRANCK. Pourquoi pas ?
GOLDMANN. Très bien. (Il sort un bip, appuie dessus.) Tant qu’on y est, on règle son compte à ce ventre ? (Il tend à Franck une longue blouse blanche. Franck l’enfile.)
FRANCK. Je ne sais pas.
GOLDMANN. Une lipo, ça peut se faire simultanément au rafraîchissement. Du coup, pas de perte de temps. Tu verras, cet été, à Biarritz, tu me remercieras.
FRANCK. Va pour la lipo.
GOLDMANN. Bon choix. (Regardant sa montre.) On a juste le temps. Comme ça tu seras parfait pour ton entretien avec Zambô.
SUZIE, entrant. Oui ?
GOLDMANN. Occupez-vous de Franck.
SUZIE. Ah ! c’est vous ? (Lui tendant la main .) Bienvenue chez nous. Je suis Suzie, l’assistante du docteur Goldmann. (À Goldmann .) Zambino est là. (Elle donne des bandelettes à Goldmann et ressort.)
GOLDMANN, commençant à mettre des bandelettes autour du visage de Franck. Il patientera. Fils à papa ou non.
FRANCK. C’est vraiment le fils de M. Zambô, alors ?
GOLDMANN. Pour ainsi dire. Fécondation in vitro. Je te raconterai.
SUZIE, revenant avec un fauteuil roulant. La voiture de monsieur est avancée.
GOLDMANN. Le quatre est libre ?
SUZIE. Oui, pourquoi ? Vous voulez le réinitialiser maintenant ?
GOLDMANN. Puisque je suis là. Zambô sera content. (Il termine son ouvrage. Le visage de Franck est maintenant entièrement recouvert de bandelettes.) Assieds-toi. (Ils font asseoir Franck dans le fauteuil.) En route. Suzie, Suzanne est libre ?
SUZIE. Non.
GOLDMANN. Suzette ?
SUZIE. Non plus. Mais Suzon n’a rien.
GOLDMANN, donnant un papier à Suzie. Parfait. Reste ici. Parle à Zambino. Ça ne peut plus continuer comme ça. (Il sort en poussant Franck dans le fauteuil.)
SUZIE, seule, lisant. « Cher Zambino, nous, salariés de la clinique « Apollon », nous nous adressons à vous pour que vous portiez notre parole auprès de M. Zambô. Ce matin encore, on a retrouvé une créature dans la Seine, à quelques mètres seulement de l’évacuation des eaux usées de notre établissement. Va-t-on attendre que les journalistes fassent le lien entre cette créature et les poissons bicéphales que l’on a pêchés voici 9 mois ? Les anguilles sans yeux que des touristes ont repérées il y a 1 an déjà ? Va-t-on attendre que les pouvoirs publics s’intéressent à ce que nous rejetons dans le fleuve quotidiennement ? Aux les produits non déclarés que nous stockons dans nos chambres froides ? Par conséquent nous vous demandons de peser de tout votre poids pour que M. Zambô prenne la mesure de la situation et débatte avec le conseil d’administration de toutes les solutions susceptibles d’optimiser l’élimination de nos déchets. »
Doucement, la porte s’ouvre et Zambino entre. C’est un homme vêtu d’un imperméable dont le col est relevé, d’un chapeau et de lunettes noires. Il marche péniblement à l’aide d’une béquille.
SUZIE. Ah… M. Zambino. (Un temps.) Comment allez-vous ? (Un temps.) Franck est en réinitialisation. (Zambino lui donne une enveloppe.) Pour Franck ? Je lui donnerai. (Elle lui remet le papier qu’elle vient de lire.) Pour M. Zambô, si vous pouviez… (Elle bipe.) Goldmann. Vous m’excusez ? (Elle regarde Zambino sortir lentement.)
VOIX DE GOLDMANN. Suzie ! Dépêche-toi, je dois y aller ! Mon squash !
SUZIE, sortant. Voilà ! (Elle revient avec le fauteuil dans lequel on retrouve Franck, toujours sous les bandelettes.) Ça a été ? Zambino vient de passer. Une enveloppe pour vous. Je vous la lis ? (Franck opine du chef. Suzie décachète l’enveloppe.) Un fac-simile de New York. (Elle lit .) « Cher Franck, bienvenue parmi nous. Je ne peux vous recevoir aujourd’hui. La première de ‘Tosca’ au Metropolitan m’oblige à quitter Paris ce soir. Nous nous reverrons bientôt. Prenez vos marques dans notre grande famille. Nul doute qu’à mon retour je vous retrouverai transformé. Signé : Zambô. » (À Franck .) On y va ? (Franck opine encore du chef. Suzie enlève les bandages. Elle tend un miroir à Franck.) Alors ?
FRANCK. Merci. (Franck se retourne. Il a le même visage que Goldmann, que Rudolf, que Jean-Paul.)
SUZIE. Maintenant tu fais vraiment partie de la famille.
*
* *
FIN
DE
FACSIMILE
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