Adultère et conséquences 6F/4H



Et si la technologie pouvait mettre tout le monde dans un profond sommeil ?

Accordez-nous moins d’une heure de lecture et plongez votre public dans une comédie de situation explosive et rythmée (même si vous avez peu de moyens).

Avant de vous en dire plus, on a 3 questions rapides à vous poser :
🆘 Vous en avez assez des comédies qui misent tout sur les jeux de mots et autres mots d’auteur ?
🆘 Vous ne supportez plus les pièces qui traînent en longueur et perdent le spectateur en chemin ?
🆘 Vous faites partie de ceux qui détestent les comédies où les personnages manquent de relief ?

Si vous avez répondu oui à au moins deux questions, alors lisez vite ce qui suit !

Voici le résumé d’Adultère et conséquences : 
Le docteur Marianeau, croyant sa femme en déplacement, décide de découcher. Mais une grève surprise à la SNCF ramène Madame plus tôt que prévu. Entre malentendus et révélations explosives, le cabinet devient le théâtre de situations rocambolesques où les personnages, tour à tour coupables ou victimes, tentent d’échapper à leurs propres pièges.

En accédant au texte intégral de Adultère et Conséquences, vous obtiendrez un fichier PDF de 106 pages maximum pour un poids ultra-réduit de 639 Ko, téléchargeable sur votre ordinateur, votre tablette, votre téléphone, et imprimable sur n’importe quel support. La mise en page vous permettra de noter sur le texte toutes les indications et notes de régie que vous jugerez utiles.

Avec Adultère et Conséquences vous découvrirez :

✅ Une comédie rythmée et hilarante : Grâce à ses quiproquos bien ficelés et son énergie, cette pièce garantit un spectacle captivant pour votre public
✅ Des rôles variés et flexibles : La distribution s’adapte facilement à vos effectifs (de 10 à 13 personnages), rendant la pièce malléable 
✅ Un décor simple : Un simple cabinet médical, ce qui facilite la mise en scène et réduit les coûts pour votre compagnie
✅ Un thème intemporel : L’adultère et les quiproquos qui en découlent trouvent toujours un écho auprès du public, en assurant des éclats de rire.
✅ Des personnages hauts en couleur : Chaque interprète aura l’opportunité de démontrer son potentiel à travers des situations proposant des enjeux forts

Ces dernières années, la pièce a été jouée de nombreuses fois : 

🎭 La Compagnie Leitmotiv, Gironde, 2017

🎭 La Compagnie Courant d’Art, Yvelines, 2021

🎭 Amicale Laïque du Pouligou, Loire-Atlantique, 2022

🎭 Association Dunkerquoise Retraite Active, Nord, 2021-2022

🎭 CMPJM Les Démasqués, Loiret, 2023

🎭 Troupe Saint-André d’Ornay, Vendée, 2023

🎭 Amicale Laïque Flora Tristan, Vendée, 2023

🎭 Le Pâté en Troupe, Pyrénées-Atlantiques, 2022-2023

🎭 Centre Culturel de Beloeil, Québec, 2023

🎭 École Intrusion, Rhône, 2023-2024

Intéressé(e) ? Téléchargez gratuitement le texte intégral d’Adultère et Conséquences et laissez votre public succomber au charme de ce vaudeville irrésistible !

Attention : déconseillé aux spectateurs réfractaires aux quiproquos et aux situations absurdes à la Feydeau !



Adultère et conséquences est le fruit d’une commande initiée par Maxence Geley, de la Compagnie Leitmotiv, Bordeaux. La commande a été passée en août 2017 et la pièce a été livrée en octobre 2017. Elle été créée le 9 juin 2018 au Théâtre Le Victoire, à Bordeaux.

La création de la pièce, à Bordeaux.

Pour l’écriture de la pièce, nous avons repris des situations de Tailleur pour Dames et Le Dindon de Georges Feydeau, nous les avons mixées ensemble pour obtenir un vaudeville neuf.

Depuis, c’est une de nos pièces les plus jouées, en France et à l’International.

Voici quelques exemples parmi les dernières représentations :

  • École Intrusion, juin 2023, Gleize, Rhône
  • Théâtre des Deux Rives, avril 2023, Beloeil, Quebec, Canada
  • Amicale Laïque Flora Tristan, février-mars 2023, La Roche-sur-Yon, Vendée
  • La Troupe de Saint-André d’Ornay, février 2023, Nesmy, Vendée
  • CMPJM Les Démasqués, janvier-février 2023, Ingré, Loiret
  • Le Pâté en Troupe, novembre 2022, janvier, mars, avril 2023, Biarritz, Bayonne, Bassussary, Larressore, Pyrénées-Atlantiques

Deux vidéos de la pièce sont à ce jour disponibles.

Il vous est possible de consulter une vidéo intégrale de la production de l’Amicale Laïque Flora Tristan, mise en ligne le 24 mars 2023.

Vous pouvez aussi regarder une vidéo partielle de la production de l’atelier théâtre du Papillon de Lune, captée le 15 février 2020, lors d’une représentation au Théâtre Illustré de Bessan, Hérault.

Voici quelques affiches et visuels de différentes productions.

Texte intégral d’Adultère et conséquences version 6F/4H à lire ou à imprimer

Personnages

Berthiersecrétaire de Marianeau.

De Marcydirectrice de la Clinique Saint-Bernard.

Aliciapatiente de Marianeau

Laurencefemme de Marianeau.

Marianeaupsychiatre.

Bourrassolami des Marianeau

Samanthamaîtresse de Marianeau.

Montagnacpère de Laurence.

Yvonnemère de Laurence.

Brightamant d’Alicia, mari de Samantha.

Le décor

L’action se déroule dans le cabinet du docteur Marianeau, psychiatre. La pièce est partagée en deux par un paravent : d’un côté un divan avec un fauteuil dont le praticien se sert pour ses consultations ; de l’autre côté du paravent, un bureau avec deux fauteuils. Sur le divan, une couverture. Sur le bureau, en plus du nécessaire, un bouton relié à un fil. Il y a trois portes : de chaque côté du paravent, deux portes donnent sur le couloir permettant d’accéder au logement du docteur ainsi qu’à la salle d’attente et une troisième porte, placée côté bureau, mène à une salle d’eau attenante au cabinet.

Acte I.

Scène 1. Berthier, seule.

Berthier, seule dans le cabinet, est au téléphone.

Berthier. — Mais puisque je vous dis que le docteur va combler son découvert ! (On frappe à la porte du côté de la salle d’attente.) Grâce à quoi ? Eh bien grâce au prêt que vous allez lui accorder. (On frappe de nouveau.) Comment ça, « c’est une honte ! » ? Vous devriez être contente : il vous devait dix mille, il vous devra bientôt vingt-cinq mille ! Ça, c’est ce que j’appelle un bon client ! (On refrappe à la porte.) Ah non, vous ne pouvez pas. Vous ne pouvez pas nous refuser ce crédit, c’est impossible. Mais parce que dans « Crédit commercial de Paris » il y a crédit, chère madame. Il y a aussi commercial, c’est vrai, maintenant que vous me le dites… Le docteur a mis au point un appareil… je ne peux pas encore vous en parler, mais ça va être… oh lala ça va être… Dès qu’il arrive, il vous rappelle et il vous explique. C’est ça, je vous remercie, au revoir chère madame, et toutes mes amitiés au service recouvrement et contentieux. (Elle raccroche.)

De Marcy entre.

Scène 2. Berthier, De Marcy puis Alicia.

Berthier. — Oh ! Mme de Marcy !

De Marcy. — Bonjour Berthier. Je suis pressée. Où est Marianeau ?

Berthier— Il n’est pas là. 

De Marcy. — Il n’est pas là ?

Berthier, à part. — Il est sorti hier soir, quand je quittais mon service, ce petit polisson. Il n’est toujours pas rentré. Sa femme s’inquiète. 

De Marcy. — Marianeau découche ? 

Berthier, riant faux. — Mais non… mais non…

De Marcy. — Que les choses soient claires, si nous devions faire affaire ensemble… J’attache une grande importance à certaines valeurs et je n’admettrai en aucun cas que Marianeau s’amuse à…

Berthier, mentant avec le sourire. — Le docteur est là !

De Marcy. — Faudrait savoir. Il est là ou il est pas là ?

Berthier. — Mais il est là !

De Marcy. — Une explication claire, c’est dans vos cordes ?

Berthier. — Evidemment. Mme de Marcy, nous connaissons vos principes et comme je vous l’ai dit au téléphone, le docteur Marianeau est fils de catholique, petit-fils de catholique, catholique lui-même, baptisé, catéchisé, confirmé, reconfirmé, certifié, garanti 100% catholique, alors j’aime autant vous dire qu’ici on ne plaisante pas avec le domicile conjugal. (Pataugeant ) Pour vous dire la vérité le docteur a passé toute la nuit à baiser/à Béziers… tout ça parce… parce que… parce qu’il voulait ramoner un maximum/ramener un maximum de fellations/d’informations… sur… sur… sur la découverte d’un confrère. Il est revenu un peu tard mais il arrive. En attendant, je vais vous présenter le Sleep-fast.

De Marcy. — Tout de même.

Alicia, paraissant. — Excusez-moi, j’ai rendez-vous avec le docteur et je…

Berthier. — Vous avez rendez-vous ? Mais certainement ! Le docteur ne va pas tarder. Avant la consultation, il vous a prescrit un traitement préliminaire.

Alicia. — Un traitement ?

Berthier. — C’est sans douleur et ça va vous apporter une vraie détente. (Prenant un petit boîtier.) Tout d’abord, permettez-moi d’insister sur la confidentialité de cet entretien. Le brevet est déposé mais la discrétion reste de mise. Bien. Auparavant, l’hypnose était réservée à un cercle restreint d’initiés. Pour placer un sujet en transe, il fallait soit un don, soit une solide formation. Avec Sleep-fast, hypnotiser son prochain devient à la portée de n’importe qui. J’active Sleep-fast, et je dirige le capteur vers le sujet. (Elle oriente le boitier vers Alicia.)

Alicia— Moi ? Mais qu’est-ce que vous allez me faire ?

Berthier. — Rassurez-vous, vous ne sentirez rien.

Alicia— Je ne suis pas d’accord ! 

Berthier. — Ce qu’il y a de pratique, avec Sleep-fast, c’est qu’on peut justement se passer de votre accord ! Quand je dirai le mot « macaroni », vous tomberez dans un sommeil profond et vous ne sentirez plus rien. 

De Marcy. — Pourquoi macaroni ?

Berthier. — Ce mot ou un autre, aucune importance. (À Alicia ) À présent, je place le bouton sur la position « sleep ». Attention… Macaroni ! (Soudain, Alicia s’immobilise totalement quoique les yeux grand ouverts.)

De Marcy. — Qu’est-ce qui lui arrive ? 

Berthier. — Elle dort !  

De Marcy. — Elle dort ?

Berthier. — Profondément. Elle est dans un état d’hypnose parfaite. Appelez-la, vous verrez. 

De Marcy. — Madame !… Madame ? … Ohé !… C’est pourtant vrai. 

Berthier. — Elle est devenue insensible à toute douleur. (Elle pince Alicia qui demeure de marbre.)

De Marcy. — Un pincement, c’est une chose ; une opération, c’en est une autre. 

Berthier. — Ce n’est qu’une démonstration. Le docteur a réalisé de nombreuses expériences qui prouvent l’efficacité du Sleep-fast. 

De Marcy. — Mais comment cela fonctionne-t-il ? 

Berthier. — Une histoire d’ondes électro magnétiques, mais ne me demandez pas le détail. Le docteur vous expliquera ça dès qu’il sera rentré euh… dès qu’il aura fini son petit-déjeuner ! Bien, nous allons maintenant sortir le sujet de sa transe, tout simplement en tournant le bouton en position « on ». (Elle s’exécute. Alicia redevient mobile mais semble hallucinée.)

Alicia, comme une somnambule, chantant et dansant doucement. — « Je t’ai rencontré simplement, et tu n’as rien fait pour chercher à me plaire ».

De Marcy. — Qu’est-ce qu’elle a ?

Berthier. — C’est un état transitoire quasi-somnambulique qui permet au sujet de passer de la transe à la veille. 

Alicia, poursuivant. — « Je t’aime pourtant d’un amour ardent ». (Elle se réveille soudain.) Qu’est-ce qui m’arrive ?

Berthier. — Vous avez dormi. 

Alicia. — Moi ?  

Berthier. — Oui !

De Marcy. — Vous nous avez entendues ?

Alicia. — Non.  

De Marcy. — Vous avez senti quelque chose ?

Alicia. — Non.  

Berthier. — Asseyez-vous. 

De Marcy. — C’est extraordinaire ! Berthier, vous savez que nous sommes en concurrence avec la Clinique Saint-Antoine ?

Berthier. — Saint-Bernard contre Saint-Antoine, une lutte ancestrale.

De Marcy. — Mais amicale ! N’empêche, ça me ferait plaisir de leur damer le pion, à ces putains de Jésuites ! (Elle se signe, penaude.) Dieu me pardonne… Vous imaginez les retombées financières de votre petite machine dans notre établissement ? Grâce au Sleep-fast… Plus besoin du service anesthésie ! L’amputation d’une jambe ? Sleep-fast. L’ablation d’un rein ? Sleep-fast. Une opération à cœur ouvert ? Sleep-fast.

Berthier. — Sleep-fast, reposez-vous sur lui !

De Marcy. — Bien, bien, bien… Je vais laisser à Marianeau le temps de finir son petit-déjeuner et je reviens dans un moment. En arrivant, j’ai vu dans une brocante une belle promo sur un lot de crucifix ! (Se dirigeant vers la sortie ) En attendant, dites-lui que je suis passée. 

Berthier, la raccompagnant. — A qui ?

De Marcy. — Eh bien, au docteur ! (Ayant soudain un doute.) Il est là ? 

Berthier. — Mais bien sûr ! Il est là, il est là ! (De Marcy sort. À Berthier ) Mais il est où ?  Découcher ! Cette nuit, justement, la veille d’un rendez-vous si important ! 

Alicia. — Il faut le comprendre, c’est un homme que j’aime/qui aime sa liberté… (Elle est gênée de son lapsus.) 

Berthier. — Je vous suggère d’aller un moment en salle d’attente. 

Alicia. — Encore ?

Berthier. — Comment « Encore » ? Une patiente, ça patiente ! Autre chose : dans le couloir, à côté de la porte, il y a un panneau. Sur ce panneau est inscrit : « Lorsque la petite lumière est rouge, n’entrez sous aucun prétexte, le docteur est en consultation. » Vous ne l’aviez pas vue ?

Alicia. — Le panneau ?

Berthier. — La lumière ! 

Alicia. — Il n’y avait pas de lumière ! 

Berthier. — Pas de lumière ?

Alicia. — Pas de lumière !

Berthier. — Zut, l’ampoule est grillée…

Alicia sort alors que Laurence entre.

Scène 3. Berthier, Laurence.

Laurence, entrant. — Toujours pas là ? 

Berthier. — Bonjour Mme Marianeau…

Laurence. — Oui… bonjour Berthier. Vous n’avez pas vu mon mari ?

Berthier. — Votre ? Non. Non, non…

Laurence. — Mais que se passe-t-il ? 

Berthier. — Ne vous inquiétez pas…

Laurence. — Ah non ! Pas de ça, je vous en prie ! Je pars hier soir pour Pau visiter trois jours ma grande tante Elisabeth, mon mari m’affirme qu’il va se coucher sans dîner avec un tilleul et La Revue de psychiatrie moderne ; arrivée à la gare, j’apprends qu’une grève paralyse tous les trains depuis 19h00 précises, je reviens ici et je ne trouve personne ! J’ai cherché à le joindre toute la nuit, sans résultat. Si dans cinq minutes je n’ai pas de ses nouvelles, j’appelle la police ! (Elle sort par une des portes couloir.)

Berthier, ironique. — Je crois qu’elle commence à l’apprécier. 

Scène 4. Berthier, Marianeau.

Lentement Marianeau entre par une des portes donnant sur le couloir. Il est vêtu d’un smoking froissé, nœud papillon défait, les cheveux en bataille, la mine déconfite, encombré de cotillons et de serpentins. 

Berthier. — Oh !… Docteur !

Marianeau, baillant. — Remettez-vous Berthier, ce n’est que moi…

Berthier. — Vous avez passé la nuit dehors ?

Marianeau. — Oui. Enfin non ! Enfin oui ! Enfin, ça vous regarde ? Vous êtes déjà là ?

Berthier. — Il est neuf heures quarante-cinq. 

Marianeau. — Si tard ? Comme le temps file, en votre compagnie…

Berthier. — Le temps file encore plus vite quand on a rendez-vous avec Marie-Thérèse de Marcy, directrice de la Clinique Saint-Bernard. 

Marianeau. — Oh nom de dieu ! 

Berthier. — Je vous conseille désormais d’éviter cette expression avec Mme de Marcy…

Marianeau. — Elle arrive à quelle heure ?

Berthier. — Elle est partie il y a cinq minutes. 

Marianeau. — Cinq minutes ? Mais… oh non !…

Berthier. — Elle est emballée par Sleep-fast.

Marianeau. — Vous lui avez fait une présentation ? Oh Berthier ! Je ne sais pas ce que je ferais sans vous… Comment vous remercier ?

Berthier, allusive. — Docteur… vous le savez bien ! …

Marianeau. — Ah non Berthier ! Vous n’allez pas remettre ça ?

Berthier. — J’aime les séducteurs…

Marianeau. — Vous m’êtes indispensable ! On ne va pas tout gâcher avec une histoire de …

Berthier. — On peut très bien concilier amour et travail !

Marianeau. — J’ai déjà assez d’emmerdes comme ça…

Berthier, piquée. — Ah c’est comme ça que vous me voyez ? Une emmerde ?

Marianeau. — Ce n’est pas ce que je voulais dire…

Berthier, à part. — Mon petit père… tu perds rien pour attendre… Je te veux et je t’aurai ! (Haut ) Par contre, la banque a encore appelé, il faut absolument que vous…

Marianeau. — Oui, oui, je sais, je sais… Mais si Saint-Bernard m’achète Sleep-fast, ça va m’ouvrir tout le marché catholique ! Il ne reste plus qu’à convaincre Michel de m’avancer les fonds, et ce sera la fortune…

Berthier. — Vous devriez aller voir votre femme.

Marianeau. — Ma femme ?

Berthier. — Elle n’a pas fermé l’œil de la nuit. 

Marianeau. — Ma femme est là ? Mais… Mais… Elle devait aller passer trois jours à Pau.

Berthier. — Votre femme n’a pas pu partir. Grève de la SNCF. 

Marianeau. — Une grève ?

Berthier. — Depuis hier soir 19h00. 

Marianeau. — 19h00 ?

Berthier. — Ah docteur, à la SNCF on ne plaisante pas avec les horaires. Les grèves commencent toujours à l’heure ! 

Berthier sort.

  Scène 5. Marianeau, seul.

Marianeau. — Alors là… si la SNCF se met à faire grève, c’est la fin de tout ! De toute façon, je ne pouvais pas passer cette nuit sans elle ! Notre anniversaire, déjà trois semaines qu’on s’est rencontrés, ça se fête ! (Consultant son téléphone.) Un texto. C’est elle ! … (Lisant ) « Merci pour cette nuit torride et inoubliable » Cette petite diablesse fait vraiment de moi ce qu’elle veut…

  Scène 6. Marianeau, Laurence.

Laurence, entrant. — Ah ! Tu es là. 

Marianeau. — Oui ! Mais… toi aussi ? 

Laurence. — Manifestement. 

Marianeau, mal à l’aise et cherchant quoi dire. — C’est vraiment sensas’ que tu sois là, Laurence… mais tu ne devais pas partir pour Pau ?

Laurence. — Grève des trains. 

Marianeau. — Ah oui… Quel emmerdement !… Enfin… je veux dire… quel dommage…

Laurence. — Où as-tu passé la nuit ?

Marianeau. — Hein ?

Laurence. — Où as-tu passé la nuit ?

Marianeau. — Oui, je ne suis pas sourd, où j’ai passé la… Ah mais je ne t’ai pas envoyé un texto ?

Laurence. — Non. 

Marianeau. — Je ne t’ai pas envoyé un texto pour te dire que j’allais chez Bourrassol ? 

Laurence. — Bourrassol ?

Marianeau. — Tu te souviens, ça fait des mois qu’on n’avait plus de nouvelles de Bourrassol. Eh bien je sais moi, maintenant, pourquoi on n’avait plus de nouvelles. Il est très malade, Bourrassol. 

Laurence, incrédule. — Ah ! Et tu y as passé la nuit ? 

Marianeau. — Eh ben oui ! Tu n’imagines pas l’état dans lequel il est, Bourrassol.

Laurence, narquoise. — Vraiment ?

Marianeau. — J’ai dû le veiller. 

Laurence. — En smoking ? Avec serpentins et cotillons ?

Marianeau, s’enlisant. — En smoking, oui… euh non !… Enfin, c’est à dire… oui, oui, en smoking ! Écoute, Bourrassol est dans un tel état que la moindre émotion le tuerait ! Alors pour atténuer la gravité de la situation, on a organisé une petite soirée chez lui, avec des confrères… Une sorte de consultation médicale collective, si tu préfères… une consultation en smoking… on a bu, on a dansé, toujours pour atténuer la gravité de la… Et tout en dansant… mine de rien… (Chantant et dansant ) « C’est le cancer du pancréas, il en mourra quoi qu’on y fasse » (Bis.) On a ri ! Psychologiquement, on ne pouvait pas lui annoncer de manière directe. 

Laurence. — Donc, il est perdu ?

Marianeau, catégorique. — Perdu ! J’ai même commandé son cercueil. 

  Scène 7. Les mêmes, Bourrassol.

Berthier, ouvrant une porte et annonçant. — M. Bourrassol. 

Marianeau. — Hein ?

Bourrassol, entrant. — Salut François, ça fait une paye !

Marianeau, à part. — Mais d’où il sort, lui ? (Courant à Bourrassol, bas ) Taisez-vous ! Vous êtes malade !

Bourrassol. — Moi ? Mais pas du tout !

Laurence. — M. Bourrassol, quelle surprise ! Vous allez bien ?

Bourrassol. — Ça peut aller. 

Marianeau, à Laurence. — Oui, ça peut aller, bien sûr, ça peut aller, c’est toujours ce qu’on dit, mais c’est pas fameux, crois-moi, c’est mauvais, c’est même très préoccupant, en fait c’est irrémédiable !… (Bas, à Bourrassol ) Taisez-vous, je vous dis que vous êtes malade !

Laurence. — Mais pourquoi veux-tu que M. Bourrassol soit malade, puisqu’il te dit lui-même…

Marianeau. — Il ne sait pas tout ! Il n’est pas médecin. Je te dis qu’il est condamné !

Bourrassol. — Moi, je suis condamné ?

Marianeau. — Eh bah oui, eh bah oui, eh bah oui… Simplement on a préféré vous cacher la gravité de la situation ! (À part )Mais qu’il en crève ! qu’il en crève !

Bourrassol. — C’est vrai que ces derniers temps je me sens un peu patraque…

Marianeau, à Laurence, triomphant. — Tu vois ! Il se sent patraque ! 

Laurence, à Bourrassol. — C’est même pour ça que mon mari a passé la nuit à votre chevet. 

Marianeau, à part. — Oh non !…

Bourrassol. — Il a passé la nuit à mon chevet, lui ?

Marianeau. — Évidemment ! Vous ne vous en souvenez pas ? (À Laurence ) Laisse, Laurence, tu vois bien que cet homme nage en plein délire ! (Bas à Bourrassol ) Mais vous allez la boucler ? 

Bourrassol, à part. — Mais qu’est-ce qui m’arrive ?

Laurence, à part. — J’avais des soupçons mais maintenant j’en suis certaine, il me trompe ! (Haut ). Au fait, tu as parlé à mon père pour le prêt ?

Marianeau. — Il est censé passer tout à l’heure.

Laurence, à part. — Moi vivante, cet argent, tu ne l’auras pas ! (Elle sort.)

Marianeau, la suivant. — Laurence, pas de blague… ce prêt est très important pour le développement de Sleep-fast

  Scène 8. Marianeau, Bourrassol

Marianeau, à Bourrassol. — Bien ! On peut savoir ce que vous faites ici ? 

Bourrassol. — En fait, j’étais venu pour… Mais ça n’a plus d’importance. Alors, docteur… dites-moi la vérité… je suis foutu ? 

Marianeau. — Hein ?

Bourrassol. — Il me reste combien de temps ? Un mois ? 

Marianeau. — Mais non ! 

Bourrassol. — Moins ? Quinze jours ? 

Marianeau. — Écoutez, c’est trop long…

Bourrassol. — Trop long ? Je vais claquer demain ou après-demain, c’est ça ?

Marianeau. — Mais non ! C’est trop long à vous expliquer, mais vous êtes arrivé, et j’ai dû, pour les besoins de la situation…

Bourrassol. — Docteur, arrêtez de me prendre pour un idiot ! Je sais que vous êtes très copain avec le docteur Petypon, mon généraliste…

Marianeau. — Écoutez, Bourrassol, vous êtes en forme, en pleine forme !

Bourrassol. — Assez de mensonges ! Il m’a fait faire des examens la semaine dernière. Qu’est-ce qu’il vous a dit, hein ? Qu’est-ce qu’il vous a dit, Petypon ?

Marianeau. — Mais rien, rien du tout, je vous assure !

Bourrassol. — Ces derniers temps j’étais fatigué, c’est vrai, je croyais que c’était à cause de… Mais il y a autre chose, hein ? 

Marianeau. — Il n’y a rien !

Bourrassol. — C’est quoi ? Le poumon ? La prostate ? Ah non je sais… C’est le colon ! 

Marianeau. — Ni le colon, ni la prostate, ni…

Bourrassol. — Si, c’est le colon, je le sens ! J’adore le saucisson à l’ail…

Marianeau, sortant. — Écoutez, Bourrassol, vous n’avez rien, vous m’entendez, strictement rien ! 

  Scène 9. Bourrassol, seul.

Bourrassol. — « Vous n’avez rien », tu parles ! Quitté par ma femme après une journée de mariage, perdu, allant à gauche, à droite, maintenant malade… Qu’est-ce qu’il me reste ? … Finissons-en. (Il fouille dans les tiroirs du bureau, il en sort un tube de cachets.) C’est comme ça, la vie… Ça commence comme une comédie, on croit qu’on va bien s’amuser, qu’on va bien rire… ah ah ah, et ça finit par un massacre. Adieu, mesdames et messieurs, le clown vous tire sa révérence… Monde de merde. (Il avale d’un trait tous les cachets.) Et voilà ! Il n’y a plus qu’à attendre. Alors attendons, oui attendons, attendons que ça arrive, que ça arrive, oui, que ça arrive, mais qu’est-ce qui m’arrive, là ? qu’est-ce qui m’arrive ? Mais qu’est-ce qui ? Mais qu’est-ce que ? Quoi ? Hein ? Mais… mais… (Lisant les inscriptions sur le tube.) « Maxi-Boost, comprimés énergisants, prototype hors vente commerce, vitamine C, caféine, taurine. » Putain que ça donne la pêche, ce truc ! Wouah ! Je crois que je vais aller faire un petit footing ! 

Il sort vivement par une des portes tandis qu’entre Berthier par l’autre. 

  Scène 10. Berthier, Alicia.

Berthier. — Il faudrait que je sache si… Personne ? (Alors que Alicia passe la tête par la porte.) Oui ?

Alicia. — Le docteur n’est toujours pas là ?

Berthier. — Non madame. 

Alicia. — C’est embêtant ! J’avais rendez-vous il y a déjà…

Berthier. — Repassez dans cinq minutes. 

Alicia. — Heureusement que c’est le meilleur psychiatre de toute la ville, sinon… (Elle disparaît)

  Scène 11. Berthier, Marianeau, puis Samantha puis Laurence.

Marianeau, entrant et cherchant sa femme. — Mais où est-elle passée ?

Berthier. — Docteur !

Marianeau. — Vous m’avez fait peur.

Berthier. — Allez, vous pouvez me le dire : qu’est-ce que vous leur trouvez à toutes ces femmes ? 

Marianeau, soudain inquiet et appuyant sur le bouton du bureau. — Berthier, nous en avons déjà parlé, vous êtes charmante…

Berthier. — (Elle commence à se dévêtir.) Ce matin, en arrivant, je me disais que j’étais vraiment bien, chez vous. 

Marianeau, la regardant s’effeuiller, de plus en plus inquiet. — Qu’est-ce que vous faites ?

Berthier, s’animant à mesure que ses vêtements tombent à terre. — Peu à peu, j’ai compris. Compris que j’étais faite pour vous !

Marianeau, à part. — Ça y est. (Haut ) Berthier il va falloir vous raisonner.

Berthier, poursuivant son effeuillage. — J’ai déjà raisonné, docteur ! Vous croyez à un coup de tête ? Vous vous trompez. Tout cela est mûrement réfléchi. Je vous vois chaque jour depuis quatre ans. Je vous connais parfaitement, je sais par cœur votre façon de parler, de penser, vos manies… Aujourd’hui c’est une femme nouvelle qui vous parle. Je sens que c’est le moment et je ne crains plus de vous le dire : docteur, je vous veux ! 

Marianeau, gagné par la panique mais tentant de ne rien laisser paraitre. — Berthier, vous êtes en pleine confusion des sentiments. Nous allons travailler là-dessus et…

Berthier, suggestive, le prenant dans ses bras. — Oh oui docteur ! Travaillons là-dessus, travaillons ensemble, mais travaillons dur !

Marianeau, la faisant asseoir sur le divan. — Berthier, nous allons reprendre nos esprits et commencer par une séance d’associations libres…

Berthier, débridée, attirant Marianeau à côté d’elle et l’allongeant sur le divan. — J’adore les associations libres ! À condition qu’elles soient libres, mais très libres, les associations…

Marianeau, sous l’emprise de Berthier. — Berthier, je vais être contraint d’appeler…

Samantha, off, frappant à l’une des portes. — Excusez-moi ? 

Marianeau et Berthier s’immobilisent.

Marianeau. — On a frappé ! 

Samantha, même jeu. — Excusez-moi ? Docteur ?

Marianeau, d’une voix qu’il essaie de rendre normale — Oui ?

Samantha, même jeu. — Vous êtes là ?

Marianeau, même jeu. — Un instant…

Samantha, entrant. — Oui, un instant ! 

Marianeau, bondissant du divan et se plaçant dans le prolongement du paravent, pour que Samantha ne puisse pas voir Berthier étendue sur le sofa. — Samantha ! 

Samantha, allant à lui. — François !

Marianeau, effondré mais essayant de le masquer. — Samie ! 

Samantha, très gaie. — Françouille !

Marianeau, même jeu. — Samouille ! (Bas, à Berthier ) Cachez-vous ! 

Berthier. — Où ça ?

Samantha. — Je n’ai pas pu résister…

Marianeau, cherchant quoi dire mais ne trouvant pas. — Samouille !

Samantha. — Françouille ! 

Marianeau, bas, à Berthier. — La couverture !

Berthier, toujours sur le divan, tire la couverture sur elle et se cache du mieux qu’elle peut.  

Samantha. — En me réveillant, je me suis dit : je passe l’embrasser !

Marianeau, faux jeton. — Mais quelle bonne idée ! Je me disais justement : si seulement elle pouvait avoir envie de passer m’embrasser ! …

Samantha. — Tu vois, toi et moi on est hyper connectés !

Marianeau, totalement affolé et ne trouvant rien de mieux. — Samouille !

Samantha. — C’est tout ce que tu as à me dire ?

Marianeau, après un temps où il cherche une amabilité. — C’est vraiment sensas’ que tu sois là, Sam… Mais c’est un peu risqué. 

Samantha. — Risqué ?

Marianeau. — Quelqu’un t’a vue ?

Samantha. — Rassure-toi, je ne suis pas passée par la salle d’attente, je suis venue directement. 

Marianeau. — Mais ma femme peut entrer à tout moment. 

Samantha. — Tu habites ici ?

Marianeau. — Eh oui !

Samantha. — Excitant… 

Marianeau. — Si tu veux, oui… Mais, tu n’as pas vu le panneau, dans le couloir ?

Samantha. — À propos de l’interdiction d’entrer si la lumière rouge est allumée ? 

Marianeau. — Oui. 

Samantha. — Je l’ai vu. Mais la lumière était éteinte, alors…

Marianeau. — Éteinte ? 

Samantha. — Éteinte.

Marianeau. — L’ampoule est grillée.

Samantha. — Comme moi.

Marianeau. — Pardon ?

Samantha. — Notre nuit m’a totalement grillée, carbonisée, atomisée ! 

Marianeau. — Ah ?

Samantha. — Alors j’ai voulu être près de toi…

Marianeau. — Mais ma chérie, j’ai mon travail, j’ai mes patientes, je ne peux pas me permettre…

Samantha, le faisant asseoir avec elle sur le divan. — Rien qu’un instant…

Marianeau, la relevant. — C’est impossible ! (Bas, à Berthier ) Barrez-vous !

Berthier, sous la couverture. — Où ça ?

Samantha. — Qu’est-ce que tu dis ?

Marianeau. — Je disais, c’est impossible !…

Samantha, le rasseyant avec elle sur le divan. — S’il te plaît ! En plus, ça concerne ton travail ! 

Marianeau, la relevant. — Qu’est-ce que tu racontes ? (Bas, à Berthier ) En dessous ! 

Samantha. — Pardon ?

Marianeau, alors que Berthier, toujours cachée par la couverture, passe en dessous du divan. — Je disais : tu m’étonnes, Sam, tu m’étonnes, tu m’étonnes, tu m’étonnes…

Samantha, le faisant rasseoir avec elle sur le divan maintenant libéré. — Je t’assure, je ne dis pas ça pour trouver un prétexte. 

Berthier, sous le divan. — Mais c’est plein de poussière ! 

Samantha. — Pourquoi tu parles de poussière ?

Marianeau, pris de court. — Pourquoi je parle de ? … Mais parce que… Mais parce que… j’avais donné des ordres clairs à la bonne et… (Désignant la pièce.) Regarde-moi ce travail ! 

Samantha. — Ça va s’arranger.

Marianeau, jouant le patron sévère. — Il y a intérêt ! 

Berthier, sous le divan. — Atchoum ! 

Samantha. — À tes souhaits.

Berthier. — Merci. 

Samantha. — Je t’en prie. (Sortant un mouchoir.)  Tiens. 

Marianeau. — Ça va aller. 

Samantha. — Comme tu veux. (En voulant ranger son mouchoir, elle le fait tomber devant le divan.) Zut ! Où est-ce que je l’ai fait tomber… C’est sous le divan ! (Elle se baisse et de sa main, fouille en dessous du divan.)

Berthier, à part. — Oh non !

Marianeau, arrêtant le mouvement de Samantha. — C’est pas grave ! C’est pas grave !

Samantha. — Mais il est là !…

Marianeau, l’ayant relevée et la voyant se baisser à nouveau. — Mais on s’en moque ! C’est juste un mouchoir ! On le ramassera plus tard. 

Samantha. — Comme tu veux. 

Berthier, ironique. — Dommage, ça m’aurait fait de la compagnie !

Marianeau, ayant peine à cacher sa nervosité. — Bon alors, qu’est-ce qui t’amène ? 

Samantha. — Tu n’as pas l’air très content de me voir. 

Marianeau, se contenant. — Moi pas content de te voir ? Eh ben alors ! Eh ben alors ! Ah ! Alors là… (Cherchant quoi dire.)  C’est vraiment sensas’ que tu sois là, Sam… Justement, je voulais te proposer un dîner aux chandelles.

Samantha, dont les yeux s’éclairent. — Un dîner aux chandelles ?

Marianeau. — Oui, mais là je suis pressé. Alors dis-moi pour quoi tu es venue. 

Samantha. — Pour une consultation. 

Marianeau. — Une consultation ? 

Berthier, à part. — Mais je vais rester là combien de temps, moi ?

Marianeau. — D’accord, mais rapide ! (Se levant.) Je vais me laver les mains. Viens avec moi…

Samantha. — Pourquoi ?

Marianeau. — On sera si bien dans la salle d’eau…

Samantha. — Non, je t’attends ici. 

Marianeau, revenant s’asseoir à contre coeur. — C’est dommage, vraiment dommage, une si belle salle d’eau, crois-moi, elle vaut le détour cette salle d’eau, quand je pense que je la fais visiter le dimanche… Je connais des personnes qui viennent ici uniquement pour voir cette salle d’eau !

Samantha. — Comme qui ? Berthier ? 

Berthier. — Elle me connaît ?

Marianeau, se décomposant. — Qui ? 

Samantha. — Berthier. C’est bien son nom ? Ta secrétaire ?

Marianeau. — Euh oui…

Samantha. — Tu as l’air gêné. Il y a quelque chose entre vous ?

Marianeau. — Quelque chose entre moi et ? … Ah ! Laisse-moi rire ! Excuse-moi, mais c’est pas le même standing !

Berthier, sortant la tête d’un côté du divan et donnant des coups sur le matelas. — Non mais oh ! Là-haut ! 

Samantha. — Bien entendu ! De toute façon, c’est pas une fille pour toi. C’est vrai qu’elle a un joli visage…

Marianeau, trop heureux du compliment, tapotant le divan de la main droite pour attirer l’attention de Berthier. — Mais c’est vrai, ça ! Elle a un joli visage ! 

Berthier, lui prenant le poignet et le secouant à le faire presque tomber du divan. — Merci du compliment !

Marianeau, perdant l’équilibre. — Aaaah !

Samantha, le rattrapant par le mollet. — Qu’est-ce que tu as ?

Marianeau, se remettant droit. — C’est rien, c’est le matelas qui rissole ! C’est le problème, matelas bio à base d’huile végétale de soja, dès qu’il fait un peu chaud… ça rissole…

Samantha, haussant les épaules, se relevant. — Qu’est-ce que tu racontes ?

Pendant ce temps, Marianeau en profite pour envoyer un coup à Berthier, qui est alors à quatre pattes prête à rentrer sous le divan. 

Berthier, que le choc aplatit à terre. — Oh !

Samanthase retournant au cri de Berthier. — Quoi ?

Marianeau, ayant repris sa pose initiale, le plus calmement du monde. — Rien ! J’ai fait oh.  

Samantha. — Dis donc, cette Berthier, qu’est-ce que tu m’as dit déjà, une frustrée, c’est ça ?

Berthier, à part. — Bravo !

Samantha. — Ce dont elle a besoin, c’est d’un amant ! 

Berthier, à part. — Nous sommes d’accord !

Samantha. — Mais c’est pas demain la veille qu’elle va en trouver un !

Berthier, à part. — Je dois vraiment rester là à entendre ça ?

À partir de ce moment, Berthier, tout doucement, tire la couverture à elle, en dessous du divan.

Marianeau, alors que Samantha manipule le variateur pour produire une ambiance plus sombre. — Qu’est-ce que tu fais ?

Samantha. — J’ai besoin d’obscurité. Vois-tu chéri, j’ai passé une nuit extraordinaire. 

Marianeau, attendri. — Samouille !

Samantha. — Si tu veux. Mais c’est quand je suis rentrée que ça s’est gâté. Mon mari ronflait à poings fermés, évidemment. Et moi, dès que j’ai sombré dans le sommeil, j’ai fait cauchemars sur cauchemars. (Voyant que la couverture disparaît sous le divan.) Tiens, la couverture est tombée. 

Marianeau. — C’est pas grave…

Samantha. — Bref… je voulais t’en parler à toi parce que tu es spécialiste de l’interprétation des rêves mais… toute la nuit j’ai rêvé que mon mari me poursuivait. À chaque fois que j’ouvrais une porte, il était là et pendant ce temps, les objets autour de moi s’animaient, bougeaient, dansaient et moi eh bien… j’étais pétrifiée, chosifiée ! (Apercevant soudain la couverture sous laquelle se trouve Berthier qui, par petits bons, se dirige vers une des portes donnant sur le couloir et poussant un cri strident et long.) Aaaaah ! 

Marianeau. — Qu’est-ce qui se passe ? 

Samantha. — Là ! … là ! … Ta couverture qui marche ! 

Marianeau, à part. — Mais c’est Berthier ! Qu’est-ce qu’elle fabrique, elle est malade ! (Haut, jouant l’innocent ) Où ça ? Je ne vois rien…

Samantha. — C’est mon cauchemar qui revient ! Dis-moi, François, dis-moi la vérité, tu crois que je suis en train de devenir folle ? 

Marianeau. — Mais non, c’est normal ça, c’est très normal… c’est une couverture en sphaigne expansée ! C’est vivant, ces petites bêtes là. Et la sphaigne, au printemps, eh ben faut qu’elle s’aère ! 

Samantha, alors que la couverture a bondi, ouvert une porte et disparu. — Elle est partie ! 

Marianeau. — Tu vois ! Elle va rejoindre les autres couvertures en sphaigne expansée et puis elles iront ensemble dans la montagne bramer toute la nuit. C’est beau, le brame de la sphaigne expansée. 

Samantha, se déshabillant. — Oh Françouille, mon petit Françouille…

Marianeau. — Qu’est-ce que tu fais ?

Samantha, même jeu. — Je me mets à l’aise. 

Marianeau. — Mais enfin, ça ne va pas ?

Samantha, même jeu. — C’est la retombée du stress… J’ai envie de toi !

Marianeau. — Mais pas ici ! 

Samantha, même jeu. — Tu n’as qu’à mettre la petite lumière rouge. 

Marianeau. — Manifestement, elle n’est pas en état de marche. 

On toque à la porte. 

Laurenceoff. — François ? Je peux entrer ?

Marianeau. — Laurence ! Non ! (À Samantha, lui désignant la salle d’eau.) Va t’enfermer là !

Samantha s’enfuit dans la salle d’eau tandis que Marianeau sort.

Laurence, entrant, seule et voyant les vêtements de Berthier et Samantha. — Mais qu’est-ce que c’est que tout ça ? Oh… il fait ça ici… Mais… mais… elles sont plusieurs ? L’enfoiré !

Elle sort. 

  Scène 12. Samantha, puis Bright et Alicia

Samanthaouvrant doucement la porte de la salle d’eau. — François ? Personne ? Où sont mes vêtements ?

On entend soudain Bright, off, disant « Je ne veux pas le savoir ».

 Samanthaapercevant Bright, qui entre. — Mon mari !

Elle referme brusquement la porte de la salle d’eau alors qu’entrent Berthier et Alicia.

Bright. — Non, , non ! Cette fois-ci, je rentre avec toi ! Mais enfin, c’est  incroyable !

Aliciabas, à Bright. — Chéri, je t’en prie, pas de scandale…

Brightne décolérant pas. — Enfin tout de même ! Dix mois d’attente pour avoir un premier rendez-vous, et voilà que maintenant, il faut attendre une heure de plus ? Il a de la chance d’être le psychiatre le plus renommé de toute la ville, ce docteur Marianeau ! 

Alicia— Chéri, partons d’ici !

Bright. — Ah non, Lili ! J’ai eu assez de mal à obtenir un rendez-vous…

Alicia— Tu en reprendras un autre…

Bright. — Ça a déjà été très compliqué de te faire admettre que tu étais cleptomane, on ne va pas encore remettre…

Alicia, minimisant. — Cleptomane, cleptomane…

Bright. — Quoi, tu n’es pas cleptomane ?

Alicia— Je vais mieux tu sais, beaucoup mieux.

Bright. — Tu vas mieux ?

Alicia— On peut même dire que je suis guérie ! Ça fait des mois que je n’ai plus…

Bright, n’en croyant rien. — Guérie ? Toi, guérie ?

Alicia— Je sais que c’est surprenant, mais…

Bright. — Rends-moi mon portefeuille.

Alicia— Ton quoi ?

Bright. — Fais pas l’innocente…

Alicia, gênée, sortant un portefeuille et le donnant à Bright. — Excuse-moi, chéri ! C’est plus fort que moi ! 

Bright, la consolant. — T’inquiète pas, chérie, tu me fais les poches quand tu veux…

Alicia, sortant, entrainée par Bright, alors qu’entrent par une autre porte Laurence et Montagnac. — Elle ne se rend pas compte de la chance qu’elle a, ta femme. 

Bright. — Je ne te le fais pas dire !

  Scène 13. Laurence, Montagnac.

Laurence. — On va bien voir ce qu’il va répondre ! Où est-il passé ?

Montagnac. — Tu es dans un état… Que se passe-t-il ?

Laurence. — C’est François.

Montagnac. — Quoi, François ?

Laurence. — Je sais pas comment te dire ça, papa…

Montagnac. — Arrête de tourner autour du pot.

Laurence. — Il me trompe.

Montagnac. — Non, tu te trompes… 

Laurence. — Je te dis qu’il me trompe.

Montagnac. — Tu es certaine que tu ne te trompes pas ?

Laurence. — Certaine, il me trompe !

Montagnac. — Il sait ?

Laurence. — Quoi ?

Montagnac. — Il sait que tu sais ?

Laurence. — Non. Il ne sait pas. Mais s’il sait que tu sais, ce sera autre chose. 

Montagnac. — Non, ce sera la même chose, car s’il sait que je sais alors il sait que tu sais et il sait que je sais que tu sais ! Sinon, comment aurais-je su, si toi tu ne savais pas ? 

Laurence. — Si tu veux papa, si tu veux… Je ne te demande qu’une chose : ne lui prête pas l’argent qu’il te demande. 

Montagnac. — Mais Laurence, si je ne lui prête pas cet argent, François sera en très grande difficulté…

Laurence. — Tant mieux !

Montagnac. — Mais tu en pâtiras !

Laurence. — Je m’en fous !

Montagnac. — Je te le redis : tu en pâtiras !

Laurence. — Eh bien je pâtirai euh… je partirai ! Terminé, Marianeau !

Montagnac. — Très bien, alors il est où, ton mari ?

Laurenceamorçant une sortie. — On va finir par le trouver !

Ils sortent par une porte alors que Marianeau rentre par une autre. 

  Scène 14. Marianeau, Samantha, puis Montagnac, puis Laurence, off.

Marianeau. — Elle a fait venir son père ! Mais qu’est-ce qui lui prend ? …

Samanthaoff, derrière la porte de la salle d’eau. — François ?

Marianeauprenant peur. — Ah ! (Se remettant, bas ) Je l’avais oubliée, celle-là… (Haut ) Oui, Samie…

Samanthasortant de la salle d’eau, en tenue légère. — Oh Fanfan, j’ai eu si peur, cette couverture vivante…

Marianeau. — Ne t’inquiète pas, c’est fini…

Samantha. — Où étais-tu ?

Marianeau. — Eh bien j’étais justement en train de chercher Berth… euh… la couverture ! 

Samantha. — La couverture ?

Marianeau. — Eh oui. C’est ma conception de la vie, un point c’est tout. Un peu vieille France peut-être, mais que veux-tu, on ne se refait pas ! Un homme digne de ce nom ne recule jamais, pas même devant une couverture ! 

Samantha, se pendant à son cou. — Quel courage, Fanfan ! Dis donc, tu sais qui j’ai vu ? Mon mari ! 

Marianeau. — Ton mari ? Qu’est-ce qu’il fait là ? Il sait pour nous deux ?

Samantha, embrassant Marianeau. — Penses-tu !

Marianeau, essayant de prendre du champ. — Alors il a peut-être pris rendez-vous ! Ce serait un comble… Vous portez le même nom ? Bright ?

Samantha, même jeu que précédemment. — Évidemment puisqu’on est mariés !

Marianeau, tentant de s’échapper. — Eh bien il ne me reste plus qu’à demander à Berthier si un M. Bright est arrivé…

Samantha, même jeu que précédemment. — Laisse M. Bright tranquille et occupe-toi de Mme Bright !

Marianeau, essayant de défaire l’étreinte de Samantha. — Non, écoute, Sam, c’est vraiment pas le moment, on peut entrer à tout instant ! Surtout si ton mari…

Samantha, tenant Marianeau fermement. — Justement !

Marianeau, même jeu. — Justement quoi ? 

Samantha, même jeu. — Ça donne un peu de piquant à la situation ! …

Marianeau, même jeu. — Vraiment, je t’assure, la situation est assez piquante comme ça…

Samantha, essayant de l’embrasser. — Mon chéri, voyons, détends-toi ! …

Marianeau, même jeu. — Mais non… Mais non…

Montagnac ouvre une porte et contemple la scène avec effarement. 

Samantha, même jeu. — Mais si !  Mais si ! Mais si !

Soudain, Marianeau et Samantha s’aperçoivent de la présence de Montagnac. 

Samantha et Marianeau, un cri strident. — Ah ! (Samantha essaie de se cacher derrière Marianeau.)

Marianeau, voulant être aimable mais ne faisant que chevroter. — Michel ! …

Montagnac, furieux de ce qu’il vient de voir. — François ! …

Marianeau, même jeu. — Michel ! …

Montagnac, même jeu. — C’est tout ce que tu as à dire ?

Marianeau, cherchant quoi répondre. — C’est vraiment sensas’ que tu sois là, Michel…

Montagnac, même jeu. — Je vois que tu ne t’embêtes pas ! 

Marianeau, faisant semblant d’être choqué. — Quoi ? Ah mais… Mais qu’est-ce que tu vas encore t’imaginer ? 

Montagnac. — Ah non, pas de ça avec moi ! 

Marianeau, avec aplomb. — Eh bien quoi ? Je suis avec madame, une patiente ! (Avec un air entendu, à Samantha ) Allons madame, confirmez à monsieur que vous êtes ma patiente. 

Montagnac. — Hein ? Dans cette tenue ?

Marianeau. — Oui, et alors ?

Montagnac. — Tu es psychiatre que je sache, pas gynéco !

Marianeau. — Je ne vois pas le rapport…

Montagnac. — Tu ne vas pas me dire que le traitement de madame impose qu’elle se déshabille ?

Marianeau. — Mais enfin, tais-toi ! (Bas, à Montagnac ) Tu ne vois pas que tu la gênes ?

Montagnac. — Tu veux peut-être que je m’excuse ?

Marianeau, bas. — Ce serait peut-être une bonne idée.

Montagnac. — Et puis quoi, encore ?

Marianeau, bas. — Enfin, tu n’as pas compris ? Je romps le secret médical, mais c’est à contrecœur… Tu n’as pas compris que cette fille est une pauvre névrosée.

Montagnac, bas. — Pour te dire la vérité, je l’ai vu au premier coup d’œil !

Marianeau, bas. — Il s’agit d’une psychopathe notoire. 

Montagnac, bas, effrayé. — Mais qu’est-ce qu’elle a ?

Marianeau, bas. — Enduophobie.

Montagnac, bas. — Qu’est-ce que c’est ?

Marianeau, bas. — Peur maladive des vêtements !

Montagnac, bas. — Non !

Marianeau, bas. — Si !

Montagnac, bas. — Quelle horreur !

Marianeau, bas. — Elle ne supporte pas d’être habillée plus de quelques heures. Après, c’est trop dur pour elle, elle enlève tout !

Montagnac, bas. — Tout ?

Marianeau, bas. — Tout !

Montagnac, bas. — Mais tout… tout, tout ?

Marianeau, bas. — Tout tout !

Montagnac, bas. — Non !

Marianeau, bas. — Si !

Montagnac, bas, intéressé cependant. — Quelle horreur ! …

Marianeau, bas. — Justement, quand tu arrivais, j’essayai de la raisonner…

Montagnac, bas. — Oh ! Et moi qui suis entré comme ça ! Mais la petite lumière était éteinte, alors j’ai cru…

Marianeau, à part. — Cette ampoule grillée va m’emmerder jusqu’à la fin de la journée…

Montagnac. — Toutes mes excuses, madame ! Veuillez pardonner cette intrusion. Et comptez sur ma discrétion !

Samantha, tentant tant bien que mal de cacher sa demi nudité. — Merci, monsieur, vous êtes bien aimable. 

Marianeau, raccompagnant Montagnac. — Au fait, Michel, je peux toujours compter sur toi pour le prêt ?

Montagnac. — Bien sûr ! Mais il faut que tu parles à Laurence, elle s’imagine que…

Marianeau. — Oui, je sais, c’est un malentendu ! 

Montagnac, retournant sa veste. — C’est ce que je me tue à lui dire ! (Coup d’œil à Samantha ) Au revoir, cher madame ! Enchanté, positivement ! 

Montagnac sort.

Samantha. — Tu lui as dit quoi ?

Marianeau. — Aucune importance ! Rhabille-toi, vite.

Samantha. — Où sont mes vêtements ?

Marianeau. — Je ne sais pas… 

Samantha. — Je les avais mis là !

Marianeau. — Ils n’y sont plus ?

Samantha. — Mais qu’est-ce que je vais faire ?

Montagnac, off. — Calme-toi !

Marianeau. — C’est Michel ! 

Laurence, off. — Il t’a retourné comme une crêpe !

Marianeau. — C’est ma femme ! 

Il entraîne Samantha dans la salle d’eau. 

  Scène 15. Laurence, Montagnac, puis Yvonne.

Montagnac, entrant. — Il est avec une patiente ! Où sont-ils passés ?

Laurence, entrant. — Une patiente, et tu as gobé ça ? Mais où a-t-il encore disparu ? 

Montagnac. — C’est curieux, effectivement ! 

Laurence. — Avec toi, il a pu noyer le poisson, mais avec maman, ça va être une autre limonade !

Montagnac, soudain inquiet. — Ta mère vient ? 

Laurence. — Évidemment ! Comme j’ai d’abord eu ta messagerie, je l’ai appelée tout de suite après.

Montagnac. — Ah ! … Bon, eh bien, je vais y aller …

Laurence. — Comment ça, tu vas y aller ? On s’est pas encore expliqués, avec François ! 

Montagnac. — Oui, mais là, il faut vraiment que j’y aille…

Laurence. — Tu veux pas la voir ? Qu’est-ce qui passe ? Vous vous êtes encore disputés ?

Montagnac. — Pas du tout ! Qu’est-ce que tu vas… D’ailleurs passez dîner à la maison un de ces soirs avec François, ça nous fera plaisir…

Laurence. — Qu’est-ce que tu racontes, je vais divorcer !

Montagnac. — Tu sais, on accuse parfois sans preuves, alors…

Yvonne, entrant. — Oh ma chérie ! Je suis venue dès que j’ai pu : j’étais en plein bridge. Que se passe-t-il ?

Laurence. — François me trompe !

Yvonne— Quelle ordure !

Montagnac. — On nage en plein vaudeville.

Yvonne, avec un sous-entendu mauvais. — Attention, il y a des vaudevilles qui finissent mal…

Montagnac— Jamais !

Yvonne— Les vaudevilles finissent toujours bien ?

Montagnac— Les vaudevilles ne finissent jamais.

Yvonne— Comment ça ?

Montagnac— Comme je te le dis. 

Yvonne— Chaque vaudeville a son dénouement !

Montagnac— Pour la forme, par convention, par politesse, uniquement ! Mais le vaudeville, c’est une force qui va, un désir, un désir, tu entends Yvonne, un désir incontrôlable, inexplicable, un désir qui contamine tous les personnages et les pousse à une dépense physique effrénée !

Yvonne, acide. — Je vois que tu maîtrises le sujet.

Montagnac, lyrique. — Alors oui, l’auteur écrit un dénouement, bien sûr, parce que le public veut une fin à l’histoire, mais je vais te dire, le vrai vaudeville, le vaudeville pur, le vaudeville ultime, ce serait celui qui s’arrêterait au beau milieu d’une scène, comme ça, d’un coup, soudainement, arbitrairement, abruptement, hop ! rideau ! fini ! terminé ! Car la vérité c’est que rien ni personne ne peut arrêter le vaudeville ! C’est un tourbillon d’énergie qui irradie les comédiens, qui irradie le public, et en cela, je n’ai pas honte de le dire, dussè-je être démis de mes fonctions par le Conseil National des Universités, il est nécessaire à nos vies !

  Scène 16. Les mêmes, De Marcy.

De Marcy, entrant. — Docteur ? Docteur, vous êtes là ?

Laurence et Yvonne, ensemble. — Non, il n’est pas là ! 

De Marcy, dévisageant tout le monde. — Messieurs dames… (À part ) Il y en a du monde ici. Peut-être une psychanalyse collective… (À Berthier ) Dites donc, Berthier, je n’ai pas toute la journée. 

Laurence, sortant. — Eh bien allons le chercher !

Yvonne, idem. — Oui, allons le chercher !

De Marcy, idem. — Très bien, allons le chercher !

Montagnac, idem. — D’accord, allons le chercher !

  Scène 17. Laurence, Yvonne.

Laurence, arrêtant Yvonne alors que De Marcy et Montagnac poursuivent leur sortie. — Que se passe-t-il ?

Yvonne, jouant l’étonnée. — De quoi parles-tu ?

Laurence— Maman, je ne suis plus une enfant… Il y a encore de l’électricité entre toi et papa…

Yvonne— Que veux-tu… Ce ne sont plus des soupçons que j’ai mais des quasi-certitudes !

Laurence— Ne me dis pas que ?…

Yvonne— Si, ton père me trompe !

Laurence— Les hommes sont vraiment, vraiment…

Yvonne— Oh oui, tu l’as dit ! Ils sont vraiment… vraiment…

Laurence— Alors que nous, les femmes, on est tellement moins, mais tellement moins…

Yvonne— Tout à fait ! Malgré ce que les féministes veulent nous faire croire, entre les hommes et nous il y a comme un… comme un…

Laurence— Je dirais plutôt une espèce de… comme une grande… une grande…

Yvonne— Exactement ! Tu m’enlèves les mots de la bouche !

Laurence— Et papa, Tu l’as pris sur le fait ?

Yvonne— Eh non !

Laurence— Une de ses étudiantes ?

Yvonne— Je n’en sais rien !

Laurence— Tu me parlais de quasi-certitudes ?

Yvonne— Il est tout le temps sur son téléphone, quand je viens près de lui, il le range immédiatement, il a toujours des réunions tardives, sur lesquelles il reste très évasif…

Laurence— Eh bien, maman, aussi vrai que je me déferai de François, nous mettrons les choses au clair concernant papa !

Elles sortent alors que Marianeau entre avec prudence.

  Scène 18. Marianeau, Samantha et Berthier.

Marianeau, avançant dans la pièce. — Personne !

Samantha, toujours en tenue légère, restant en retrait dans la salle d’eau. — Mes vêtements !

Marianeau, cherchant. — Où ils sont ?

Samantha— J’en sais rien !

Berthier, toujours sous une couverture, entrant alors que Samantha referme la porte de la salle d’eau. — Où sont mes vêtements ?

Marianeau, cherchant toujours les vêtements de Samantha. — Euh… ben… euh… je ne sais pas… mais… (Regardant Berthier.) ça vous va très bien ! 

Berthier, son visage s’éclaire. — Vraiment ?

Marianeau— Mais oui ! C’est très… très dans le goût antique…

Berthier— Dans le goût antique ? Une couverture ? On serait plutôt dans le style inuit.

Marianeau— Inuit par la matière mais antique par le jeté !

Berthier, soudain lascive. — J’adore l’Antiquité, les toges, les banquets, les orgies…

Marianeau, prenant peur et reculant. — Eh bien… vous vous rajoutez une petite épingle là et le tour sera joué !

Berthier— Une épingle ?

Marianeau— Mais oui ! Au fond du couloir, c’est l’atelier de couture de Laurence, tout de suite sur la droite, il y a une boîte d’épingles.

Berthier, souriante. — Et avec l’épingle, ce sera encore mieux ?

Marianeau— Mais oui, encore mieux !

Berthier, définitivement amoureuse. — En ce cas, je vais et je reviens !

Elle sort alors que Bourrassol arrive, essoufflé et en nage.

  Scène 19. Marianeau, Bourrassol, Samantha off.

Bourrassol— J’ai battu tous mes records…

Marianeau— Bourrassol ? Mais qu’est-ce que vous faites là ? 

Bourrassol— J’ai terminé mon petit footing ! Je suis lessivé… d’ailleurs, vous n’auriez pas une canne où quelque chose comme ça, je crois que je me suis fait une tendinite… 

Marianeau— Dans le porte-parapluies, peut-être…

On tambourine à la porte de la salle d’eau. Puis on entend Samantha crier « François ». 

Bourrassol— On vous appelle.

Marianeau— Moi ? Non ! 

Samantha, off. — François ! 

Bourrassol— Vous entendez ? 

Marianeau— C’est moi. 

Bourrassol— C’est vous ?

Marianeau— Quand je me parle tout seul, je m’appelle toujours par mon prénom ! Une manie. Dites-moi, Bourrassol, vous savez que vous êtes comme un frère pour moi ?

Bourrassol— C’est vrai ? Que ça me fait plaisir ce que vous me dites…

Marianeau, faux jeton. — Je suis sincère. Alors montez au premier, deuxième à gauche, c’est la salle de bain, et sur la patère au-dessus du panier à linge, vous trouverez ma sortie de bain. Vous la prendrez, et vous l’apporterez. 

Bourrassol— Je vous demande pardon ?

Marianeau— Vous la prendrez, et vous l’apporterez. 

Bourrassol— C’est vrai ? Oh merci mon cher ! (Il embrasse Marianeau.) C’est vraiment attentionné de votre part ! (Il sort, guilleret.)

Marianeau, seul, à part. — Je ne vois pas en quoi je suis attentionné de lui demander ma sortie de bain…

  Scène 20. Marianeau, Berthier, De Marcy, puis Laurence et Yvonne.

Berthier, entrant, suivie de De Marcy. — Je ne comprends vraiment pas… (Voyant Marianeau ) Ave Docteur ! Alors, comment me trouvez-vous ? (Elle défile pour lui montrer sa robe-couverture.)

Marianeau— Très bien.

De marcy— Très original. Où avez-vous trouvé ça ?

Berthier, avec fantaisie. — C’est une robe couverture de chez Sofa !

De marcy— Ça vous va à ravir.

Berthier— Vous avez vu l’épingle ?

De marcy— Ah ! Qu’est-ce que c’est ?

Berthier— Une Mante religieuse.

De marcy— Tiens…

Berthier— C’est un conseil du docteur ! Il me connaît si bien… (Regardant Marianeau avec gourmandise ) Je me sens très Agrippine…

Marianeau— Dites-moi, Berthier, est-ce que quelqu’un du nom de Bright a pris rendez-vous ce matin ?

Berthier— Non. Par contre une certaine Mme Lorenzo patiente depuis un moment et il y a…

De marcy— Eh bien Marianeau, on se cache ? 

Marianeau— Madame de Marcy… 

Berthier, bas. — Dites-lui quelque chose !…

Marianeau— C’est vraiment sensas’ que vous soyez là, Madame de Marcy…

Berthier, bas. — Vous auriez pu trouver mieux…

De marcy— Ne perdons pas de temps ! Berthier m’a montré votre Sleep-fast. C’est épatant ! 

Marianeau— Vous me flattez…

De marcy— Je vais vous parler franchement. Je compte vous en commander cinq. 

Marianeau— Cinq ? Mais c’est… Mais c’est…

De marcy— Oui, mais attention ! Notre clientèle, vous le savez, vient chercher à Saint-Bernard la guérison du corps mais aussi la guérison de l’âme…

Marianeau— Bien entendu !  Mais permettez-moi de vous dire que je suis fils de catholique, petit-fils de catholique, catholique moi-même…

De marcy— Je sais… je sais… Mais depuis que je suis entrée ici j’ai perçu comme une atmosphère de discorde, de trouble… Permettez cette question personnelle : entre vous et votre femme, tout va bien ?

Marianeau, béat. — J’évite de le crier sur les toits pour ne pas faire de jaloux, mais nous vivons un bonheur sans nuage. (Laurence déboule justement dans la pièce. À Laurence ) Ah ! Ma chérie ! 

Laurence, hors d’elle. — Espèce de salopard ! (De Marcy est consternée.)

Berthier, tentant de minimiser l’incident, à de Marcy. — Un léger malentendu…

Marianeau, à Laurence. — Qu’est-ce qui te prend ?

Laurence— Tu as le culot de me poser la question ? Tu perds rien pour attendre ! (Elle sort.)

Berthier, même jeu que précédemment, à de Marcy, tandis qu’entre Berthier avec un paquet d’enveloppes. — Je peux vous affirmer que tout le monde adore le docteur…

Yvonne, déboulant. —Vous, vous êtes un vrai fumier ! (Elle envoie valser toutes les enveloppes qui sont sur le bureau et ressort alors qu’entre Bourrassol en sortie de bain, s’aidant d’une canne pour marcher, et alors que de Marcy est de plus en plus consternée.)

  Scène 21. Berthier, De Marcy, Marianeau, puis Bourrassol, puis Bright.

Berthier, tentant de récupérer l’irrécupérable. — C’est une expression rurale… Vous savez qu’à la campagne, le fumier est un symbole très positif : la fertilisation des champs, les semailles… (L’entraînant vers la sortie.) Écoutez, le docteur va vous recevoir dans un moment, je vous propose un petit rafraîchissement qui…

De marcy, en colère. — Vous savez, je ne suis pas complètement aveugle… je vois bien qu’il se passe ici des choses… des choses… pas très catholiques !

Bourrassol, entrant et tâtant le moelleux du tissu de la sortie de bain.  — On est bien là-dedans !

Marianeau— Alors surtout, ne vous gênez pas ! Vous avez mis ma sortie de bain ?

Bourrassol, ne comprenant pas. — Enfin, François, vous m’avez demandé de la porter, moi, je la porte ! 

Marianeau— C’est la meilleure ! (Avec ironie, tandis que Bright entre, à Bourrassol.) Monsieur n’a besoin de rien d’autre ? Monsieur ne voudrait-il pas que j’aille lui servir un Four Roses avec des glaçons ?

Bourrassol, comme un coq en pâte. — Avec plaisir, François !  

Marianeau, excédé, apercevant Bright, soudain inquiet. — Monsieur ne serait-il pas M. Bright ?

Bright, sidéré. — Comment le savez-vous ?

Marianeau, gêné. — Eh bien… Vous avez rendez-vous ?

Bright— Pas moi, ma femme ! Je l’accompagne. 

Marianeau, sidéré à son tour. — Votre femme ?

Bright, gêné à son tour. — Enfin, pas exactement… disons, mon amie… Mme Lorenzo

Marianeau, perdu. — Ah… Votre… Et… monsieur n’a besoin de rien ?

Bright, laissant va veste à Marianeau. — Merci mon brave, laissez-nous. (À Bourrassol ) Docteur, bonjour. 

Bourrassol, ne comprenant pas la méprise. — Bonjour…

Marianeau, à part, ahuri. — Hein ? ah ! Alors là…

Bright, à Bourrassol. — Je suis avec ma femme… enfin… avec mon amie… C’est elle qui a rendez-vous… Mais…

Marianeau, bas, à travers la porte de la salle d’eau. — Ne sors pas ! Grand danger, je répète, grand danger ! (Il sort avec la veste de Bright.)

  Scène 22. Bourrassol, Bright.

Bright— Mais puisque je suis là, je voulais vous demander : dernièrement, lors d’un dîner de famille, j’ai voulu dire à ma mère « passe-moi le sel », et à la place je lui ai dit : « T’as gâché ma vie, salope ». Qu’est-ce que vous en pensez ?

Bourrassol— « T’as gâché ma vie… » ?

Bright— « Salope ». 

Bourrassol— Salope ?

Bright— Salope, oui. 

Bourrassol, pensif. — Ah ! …

Bright— C’est grave ?

Bourrassol— Non, pas du tout. Vous avez fait ce qu’on appelle un lapsus

Bright— Oui, je sais…

Bourrassol— Le lapsus est une phrase ou un mot que nous prononçons alors que nous voulons dire autre chose. 

Bright— Je connaissais la définition du lapsus, merci.

Bourrassol, piqué. — Vous me demandez, n’est-ce pas, alors moi je vous réponds ! 

Bright— Ne vous fâchez pas…

Bourrassol— La prochaine fois, ne venez pas me consulter… Vous voulez un conseil, oui ou non ?

Bright— Oui, oui…

Bourrassol— Bien. Alors pour éviter ce lapsus désagréable, moi je vous recommande, à chaque fois que vous voyez votre mère, de commencer par lui dire « T’as gâché ma vie, salope ». Comme ça, c’est dit, c’est fait, la tentation n’existe plus, et vous pourrez parler d’autre chose. 

Bright— À chaque fois que je la vois ? « T’as gâché ma vie… »

Bourrassol— Salope.

Bright— Mais enfin, docteur !

Bourrassol— Je ne suis pas le docteur. 

Bright— Pas docteur ?

Bourrassol— Mais je suis un intime de la famille. Presque un frère. 

Bright, à part. — Mais alors à qui ai-je donné ma veste ? 

Il sort.

***

Fin de l’acte I.

Acte II.

  Scène 1. Bourrassol, puis Montagnac.

Bourrassol, seul, lit une revue.

Bourrassol— Enfin une nouvelle intéressante. « Clinique psychiatrique Saint-Mathurin : pour une névrose guérie, deux psychoses offertes ». Faudra que j’en parle à ce monsieur qui fait des lapsus…

Entre Montagnac.

Bourrassol, voyant Montagnac. — Michou !

Montagnac— Boubou !

Bourrassol— Qu’est-ce que tu fais là ?

Montagnac, bas. — Chut ! On ne se connaît pas, ma femme est ici…

Bourrassol— Justement, je voulais te dire… notre histoire… ça a été une erreur… je me sentais seul et…

Montagnac— Moi aussi… Quittons-nous bons amis. 

Bourrassol— On aura au moins su se donner un peu de tendresse, l’espace de quelques semaines…

Montagnac, gêné, voulant le faire taire. — Mais oui, mais oui…

Bourrassol— Sacré Michou… (Bourrassol carresse gentiment les cheveux de Montagnac.)

  Scène 2. Les mêmes, plus Yvonne et Marianeau, puis Berthier et De Marcy.

Yvonne, entrant et voyant la scène, alors que Marianeau entre par une autre porte, tenant à la main une nouvelle sortie de bain et la veste de Bright. — J’en étais sûre ! Me faire ça à moi ! Tout est fini entre nous !

Elle sort.

Montagnac— Mais non, Yvonne, reviens ! Je vais t’expliquer !

Il la suit.

Marianeau, à Bourrassol, posant la sortie de bain et la veste. — Je ne savais pas pour vous et Michel…

Bourrassol— Docteur, ne vous méprenez pas… (On tape à la porte de la salle d’eau.)

Marianeau, à Bourrassol. — Assez ! (On tape de nouveau, avec des cris d’impatience.) Une seconde ! ça arrive ! (Devant les regards ahuris de Bourrassol.) C’est rien… C’est mon chien… Bref… je ne vous explique pas dans le détail parce que… 

Bourrassol— Et mon bourbon ?

Marianeau— Hein ?

Bourrassol— Ben oui, mon Four Roses avec des glaçons ?

Marianeau, agacé. — Vous, ça va bien ?

Bourrassol, se méprenant. — Oui, ça va bien, merci !

Berthier, entrant, suivie de De Marcy. — Ah ! Voilà le docteur ! 

Marianeau, à Bourrassol. — Allez en salle d’attente ! 

De Marcy— Est-il possible d’avoir enfin un entretien ? 

Marianeau— Bien entendu ! (Accompagnant Bourrassol, qui oublie la canne, vers la sortie.) Nous avons besoin de discuter seuls. (Bas, à Berthier ) Où sont ma femme et ses parents ?

Berthier, bas. — Ils appellent l’avocat de votre belle-mère. 

Marianeau, bas. — Pourquoi ?

Bourrassol, très galant. — C’est toujours plus simple 

Berthier, bas. — Flagrant délit d’adultère !

Marianeau, bas. — Flagrant délit d’a…

  Scène 3. Marianeau, Berthier, De Marcy puis Bright, puis Samantha.

De Marcy— Où est le machin ?

Berthier— Le machin ?

De Marcy— Le bidule. 

Berthier, fouillant ses poches. — Ah le truc !

De Marcy— Oui, le chose, là…

Marianeau— Le Sleep-fast !

Berthier, sortant le boîtier. — Le voilà !

De Marcy, prenant le boîtier. — Marianeau, j’irai droit au but. Que vous couchiez avec Pauline, Pierrette ou Jacqueline, c’est contraire à tous mes principes, mais je veux bien oublier tout ça. Et vous savez pourquoi ? Parce que votre invention est géniale. Mais je vous préviens : ne poussez pas le bouchon trop loin ! Vous en voulez combien ?

Marianeau— Combien ?  De femmes ?

Berthier, riant faux. — Il plaisante ! 

De Marcy, se contenant. — Combien pour le Sleep-fast ?

Marianeau— Huit mille cinq cents quatre-vingt douze. 

De Marcy— TTC ?

Marianeau— Non, hors taxes ! Dix mille trois cents dix et quarante centimes TTC. 

De Marcy— Vous vous mouchez pas du coude !

Marianeau— Il est unique. 

De Marcy— Je vous en prends cinq. 

Marianeau, jubilant. — Cinq ? Mais…

De Marcy— Vous pouvez me livrer dans quinze jours ?

Marianeau, dont le sourire se fige. — Quinze jours ? Euh… oui…

Berthier, bas. — Vous avez le prêt de Monsieur Montagnac ?

Marianeau, bas. — C’est tout comme !

Mouvements d’impatience dans la salle d’eau. 

De Marcy— Vous avez entendu ?

Marianeau, faux jeton. — Non…

De Marcy— Marianeau, je suis de moins en moins convaincue par ce que je vois dans cette maison, mais force est de reconnaître l’ingéniosité de appareil… Par ailleurs, je pense que nos fidèles, enfin nos clients, enfin nos patients seront fiers de savoir qu’ils sont entre les mains d’une technologie développée par un médecin de haut niveau, catholique, qui plus est, et à défaut d’être fidèle aux principes de l’Église, officiellement baptisé, catéchisé, confirmé, reconfirmé… 

Bright, entrant. — Ah ! C’est bien vous le docteur ?

Marianeau, à part. — Ah non ! Le mari de Samantha… (À Bright.) Le docteur, mais… oui, bien sûr M. Bright.

Bright— J’aurais voulu récupérer ma veste !…

Marianeau— Pardon ?

Soudain les mouvements d’impatience dans la salle d’eau reprennent. Cette fois-ci, des objets se brisent. De Marcy et Bright sont surpris.

Marianeau, feignant de parler à un chien à travers la cloison de la porte de la salle d’eau. — Oh ! ça suffit, Nesquick ! Non mais… Ah !  Mais !… (À De Marcy et Bright.) C’est mon Caniche… (Parlant à travers la cloison pour tenter d’informer Samantha.)Gentil, Nesquick, pas bouger, on se calme, parce que le papa il est revenu, le papa ! Avec une dame qu’elle a une belle cli-cli-ni-nique, et un môssieur sympa tout plein qui s’appelle môssieur Bri-Bright… Alors gentil, pas bouger, on se calme !… (À De Marcy et Bright.) C’est fou ce qu’il est intelligent. Il comprend tout ce que je lui dis… (Soudain, la porte de la salle d’eau s’ouvre, laissant paraître Samantha, furieuse et en tenue légère, l’espace d’une demi-seconde. Affolé, Marianeau lui jette alors le peignoir qu’il vient d’apporter et lui crie ) Attention, ton mari ! (Devant l’ahurissement de Berthier, De Marcy et Bright, qui n’ont pas vu Samantha, il poursuit en dansant avec la canne et en chantant, façon comédie musicale ) Attention ton mariii tigidi, attention ton mariii !

Berthier, emmenant De Marcy par le bras. — Il prépare un numéro pour le gala de la psychiatrie ! On va le laisser continuer, venez, je vais préparer le contrat du Sleep-fast. 

Berthier et De Marcy sortent.

  Scène 4. Marianeau, Bright.

Bright, à Marianeau. — Je peux dire à ma femme d’entrer ?

Marianeau, ahuri. — Hein ?

Bright— Je peux dire à ma femme, enfin… à mon amie de venir ?

Marianeau— Votre amie ?

Bright— Oui.

Marianeau, souriant. — Je vois… vous êtes de ceux qui jouez sur tous les tableaux…

Bright— Pourquoi dites-vous ça ?

Marianeau— D’un côté une épouse, de l’autre côté une amie…

Bright— Comment le savez-vous ?

Marianeau— Pardon ?

Bright— Comment savez-vous que je suis aussi marié ?

Marianeau, pris en faute. — Eh bien c’est que… c’est que… j’ai supposé…

Bright— Vous avez supposé ?

Marianeau, bredouillant. — Dès que je vous ai vu, je me suis dit « celui-là, il a une tête à être à être marié » … alors quand vous m’avez parlé de votre « amie », j’ai pensé que vous deviez courir plus d’un lièvre à la fois…

Bright, soupçonneux. — Et vous avez compris tout ça rien qu’en me voyant ?

Marianeau, pataugeant. — Exact… mais vous savez… je n’ai aucun mérite… ce sont des vieux restes de mes cours de… de… de physiognomonie…

Bright— Vos cours de quoi ?

Marianeau, retrouvant de l’aplomb. — Physiognomonie.

Bright— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Marianeau— La science qui permet de déterminer les caractéristiques psychologiques d’un individu à partir de sa physionomie, de son visage. 

Bright— Intéressant… Ainsi, quand vous me regardez, qu’est-ce que vous voyez ?

Marianeau— Permettez…. (Prenant la tête de Bright entre ses mains.) Eh bien… je vois quelqu’un… quelqu’un qui fait passer sa liberté avant tout… n’est-ce pas ?

Bright— C’est juste ! Dix ans que je suis marié, dix ans que j’ai maîtresses sur maîtresses. 

On entend à côté un bruit de vaisselle cassée.

Bright— Qu’est-ce que c’est ?

Marianeau— Encore Nesquick !

Bright— Nesquick ?

Marianeau— Mon Caniche ! (À travers la porte ) Couché, Nesquick ! (Avec intention ) De toute façon, Nesquick, tu ne peux pas sortir maintenant ! (Nouveau bruit de vaisselle cassée.) Ah non ! Faut pas exagérer ! Alors maintenant tu arrêtes ou le dîner aux chandelles que je t’ai promis, tu peux t’asseoir dessus !

Bright, regardant Marianeau de travers. — Vous emmenez votre Caniche dîner aux chandelles ?

Marianeau, inventant. — Eh bien oui, qu’est-ce que vous voulez ? C’est un chien pour qui j’ai beaucoup d’affection… un chien qui m’a soutenu dans des moments très difficiles, alors oui, je l’emmène dîner aux chandelles ! Ça vous gêne ?

Bright, battant en retraite. — Mais non, mais non…

Marianeau, montant sur ses grands chevaux. — Non mais c’est vrai ! J’ai quand même le droit d’emmener dîner mon Caniche aux chandelles ! Vous, vous trompez bien votre femme !

Bright— Oui, enfin, si on pouvait éviter que ça se sache…

Marianeau— Mais oui, au fait ? Si votre femme l’apprenait ? Elle n’aurait plus qu’à vous rendre la pareille !

Bright, sûr de lui. — Impossible.

Marianeau, moqueur. — Non ?

Bright— Ça fait dix ans que je fais ça. On ne me la fait pas, à moi. Les ficelles, je les connais toutes !

Marianeau, rieur. — Ah vous ? …

Bright— Toutes ! Je ne suis pas comme tous ces imbéciles de mari… (Riant.) J’en ai connu un qui accompagnait sa femme à tous nos rendez-vous ! Elle disait qu’elle montait voir sa vieille mère grabataire et démente… C’était moi la vieille mère grabataire et démente ! Et le mari attendait en bas…

Marianeau, lui tapant sur l’épaule. — Ah ce mari… quelle stupidité…

Bright— D’ailleurs Samantha n’essaierait même pas. Elle sait très bien qu’en cas de flagrant délit, je n’hésiterais pas…

Marianeau, soudain inquiet. — Vous viendriez demander des explications à son amant, c’est ça ?

Bright— Ah non ! Je déteste ce genre de situation, ça me gêne affreusement… (Marianeau pousse un soupir de soulagement.)Mais j’ai un revolver dans ma table de nuit.

Marianeau, de nouveau inquiet. — Vous tueriez votre femme ?

Bright, souriant. — Mais non… je ne chargerais pas mon arme… je le sortirais, je le ferais briller, juste pour rappeler à ma femme que je l’ai…

Marianeau, poussant un nouveau soupir de soulagement. — C’est malin, ça…

Bright, effaçant son sourire. — Par contre, son mec, lui, il y aurait droit ! (S’enflammant ) Je garderais mon flingue toujours avec moi, bien chargé, et à chaque fois que je le verrais, je lui tirerais une bastos dans la gueule, à cette pourriture ! Je finirais bien par le tuer.

Marianeau, à part. — Ce type est dangereux…

Bright, revenant à ses moutons. — Donc, je peux dire à mon amie de venir ?

Marianeau— Euh… oui ! oui, oui… (Ouvrant la porte de la salle d’eau alors que Bright sort.)

Samantha, en peignoir. — Je vais étouffer ! Alors, ce salaud me trompe ?

Marianeau— Tu ne vas quand même pas lui jeter la pierre ?

Samantha, outrée. — Moi, j’ai de très bonnes raisons de le tromper, mais pas lui !

Marianeau— Bien sûr, bien sûr… Sors par la porte de service et ne te fais pas remarquer ! 

Samantha sort alors qu’entre Alicia.

  Scène 5. Marianeau, Alicia.

Marianeau— Mme Lorenzo, c’est ça ?

Alicia, reconnaissant Marianeau. — Biloute ?

Marianeau, reconnaissant Alicia. — Craquotte ?

Alicia— Les hasards de la vie ! 

Marianeau— On en a fait, des soirées…

Alicia— Tu faisais ta médecine… On avait quoi ? 

Marianeau— 18-19, à tout casser !

Alicia— Tu te souviens de notre chanson ?

Marianeau— Notre chanson ?

Alicia, chantant et dansant, air des « Démons de minuit ». — 

C’est jeudi
Demain vendredi
Après weekend


J’ai besoin 

De prendre ta main
J’ai trop la haine


Mais je sais

Que je peux compter 

Sur ta présence


Car notre duo il dépote
Biloute et Craquotte

On s’déhanche dans toutes les gargotes
Nous, Biloute et Craquotte !
On entraine tous nos compatriotes
Nous, Biloute et Craquotte !

Parlé : Sacré Biloute ! 

Marianeau, gêné. — S’il te plaît, ne m’appelle plus comme ça ! Maintenant, je suis un psychiatre renommé…

Alicia— Excuse-moi, mais je ne te connaissais que sous ce nom-là, tout le monde t’appelait comme ça… 

Marianeau— Appelle-moi François, c’est mon prénom.

Alicia— Eh bien si tu n’es plus Biloute, moi je ne suis plus Craquotte. Je suis Mme Lorenzo.

Marianeau— Et tu viens me consulter ?

Alicia— Oui, j’ai quelques tendances cleptomanes…

Marianeau, incrédule. — Non ?

Alicia, sortant un magazine de sa poche. — Tiens, je t’ai piqué ça dans la salle d’attente…

Marianeau— Ça alors… Et tu t’es fixée ?

Alicia— Je me suis mariée. 

Marianeau— Ah ?

Alicia— Oui, oh… avec un imbécile de première ! Après un jour de lune de miel, je l’ai lâché pour un trader. Et puis j’en ai eu assez, alors…

Marianeau— Alors tu as mis le grappin sur Bright ?

Alicia— Voilà ! Il paraît que sa femme est une plaie !

Marianeau, faisant bonne figure. — Non ?

Alicia— Si ! Une vraie pile, nerveuse, le genre hystérique ! Il veut divorcer et il me parle de mariage. On verra… Mais ça me fait plaisir de te voir ! 

Elle le prend dans ses bras alors qu’entre Samantha.

  Scène 6. Les mêmes, Samantha

Samantha— Je n’ai pas pu partir, il y a un monde fou dans ton cabinet, ce matin… (Voyant Alicia enlacer Marianeau.) Ah d’accord… Ah j’ai compris… Ah c’est pour ça que tu voulais que je parte… Tu en vois une autre, c’est ça ?

Alicia, à Marianeau. — Qui est-ce ?

Marianeau, bas. — Une patiente… enduophobie, ne fais pas attention… (À Samantha ) Je t’en prie… j’ai déjà assez d’emmerdements comme ça ! Tu vas rentrer chez toi gentiment et je t’appelle ce soir… 

Samantha— Pourquoi tu me traites comme ça ? (Désignant Alicia ) C’est ta nouvelle conquête ?

Alicia, bondissant. — Hein ? Ah mais madame, je vous en prie ! Je suis une patiente, je viens consulter !

Samantha— Ah non ! Celle-là, faut pas me la faire !

Alicia— Je vous demande pardon ?

Marianeau— Mais Sam, je t’assure…

Samantha— J’aurais jamais cru ça de toi !

Alicia— Dis donc, Biloute, quand on reçoit sa poule dans son propre cabinet, la première chose est d’éviter à ses patientes des affronts de ce style !

Samantha, outrée. — Une poule ? Moi, une poule ?

Marianeau— Elle ne parle pas de toi ! …

Alicia, montant sur ses grands chevaux. — Je suis une femme respectable ! Monsieur est mon docteur !

Samantha— Ben voyons !

Alicia, hors d’elle. — Absolument ! Et la preuve, c’est que je suis venue avec mon mari ! 

Samantha, riant jaune. — Votre mari ? Je serais bien curieuse de le voir ! 

Alicia, très énervée. — Mais vous allez être servie, il m’a accompagnée à ma consultation ! 

Marianeau, dépassé par les événements. — Oh non ! Oh non ! Oh non ! 

Alicia— D’ailleurs j’ai reconnu son pas ! Il arrive…

  Scène 7. Les mêmes, Bright, puis Laurence, Yvonne, Montagnac, Bourrassol.

Alicia, alors que Bright entre. — Viens ici, toi ! Voici une dame qui ne veut pas croire que tu es mon mari !

Bright— Où est cette folle ? (Reconnaissant Samantha.)  Ma femme ! 

Samantha, explosant. — Mon mari !

Marianeau— Ça va chier !

Samantha, à Bright. — Tu l’emporteras pas au paradis ! (Elle sort vite.)

Bright, sortant à la poursuite de sa femme. — Samantha ! Samantha ! 

Alicia, se trouvant mal. — Ah l’ordure ! C’est comme ça qu’il prend soin de moi… 

Évanouie, elle tombe dans les bras de Marianeau alors qu’entrent Laurence suivie d’ Yvonne et Montagnac.

Marianeau— Elle fait un malaise ! Appelez les pompiers ! 

Yvonne, à Montagnac. — Ne me touche pas !

Montagnac— Yvonne ! Je te dis que j’étais perdu et que cette liaison est terminée !

Laurence, un papier à la main. — Soit il me signe cette convention, soit je vais le faire cracher jusqu’à… 

Marianeau— Ah non ! Ma femme !

Laurence, voyant Alicia dans les bras de Marianeau. — Alors là, c’est le bouquet ! Maintenant, tu ne te caches même plus !

Marianeau— Mais non, Laurence, je vais t’expliquer ! 

Laurence— On s’expliquera au tribunal ! (Elle sort vite suivie d’ Yvonne et de Montagnac.) 

Marianeau, alors que Bourrassol entre. — Au tribunal, mais qu’est-ce que tu racontes ?

Bourrassol— Dites donc, François, je ne voudrais pas abuser, mais si vous aviez…

Marianeau, passant Alicia à Bourrassol. — Ah ! Vous tombez bien ! Tenez, gardez-moi ça au chaud une minute… (Ressortant )Laurence ! Laurence ! 

Bourrassol— Mais qu’est-ce que c’est ? (Reconnaissant Alicia ) Ma femme ! (Il l’embrasse.)

Alicia, se réveillant au contact du baiser. — Mon mari ! Il m’a retrouvée, l’enfoiré ! (Elle le gifle, puis sort. Bourrassol, ahuri, s’étale par terre.)

  Scène 8. Tous.

Berthier, entrant, suivie de De Marcy, un papier à la main. — Ça y est ! Le contrat est prêt ! Mais où est le docteur ? 

Laurence, entrant, des valises à la main, suivie de Yvonne et Montagnac. — Cette fois-ci, je m’en vais ! Il ne me reverra plus !

De Marcy— Qu’est-ce qu’elle dit ?

Montagnac, à Yvonne. — Yvonne, pardonne-moi !

Yvonne— Jamais ! Je t’invite à mettre les voiles, et n’oublie pas la vapeur !

Samantha, entrant poursuivie par Bright. — Non, je ne veux rien entendre ! 

Bright— Ah tu ?… Au fait…explique-moi ta tenue !

Samantha— Mais c’est… C’est pour mon traitement !

Bright— Tu es une patiente du docteur ?

Samantha— Exactement !

Bright— Et tu veux que j’avale ça ? 

Samantha— Ne retourne pas la situation ! C’est toi qui arrives ici en te présentant comme le mari de cette garce !

Bright, sortant de ses gonds. — Mais depuis quand on se fout à poil chez son psy ?

De Marcy, ulcérée. — Ah mon Dieu, c’en est trop !

Marianeau, entrant. — Laurence !

De marcy, le boîtier à la main. — Docteur !

Marianeau, à Laurence. — Écoute-moi !

Laurence— Une, ça ne te suffit pas ? Une seule maîtresse, c’est trop peu ? Il t’en faut combien, obsédé !

De marcy— Cette fois-ci, c’est terminé !

Alicia, entrant et cherchant Bright. — Chouchou ?

Bourrassol— Te revoilà ! Mais pourquoi m’as-tu laissé tomber comme une vieille chaussette ??

De marcy, tendant le boîtier à Marianeau. — Reprenez ça, nous ne faisons plus affaire ensemble ! Suppôt de Satan !

Berthier— Mme De Marcy, je vous en prie !

Laurence— Adieu ! On se revoit devant le juge. Ça va être un massacre ! 

Montagnac, à Marianeau. — Le fric que je devais te prêter, tu peux toujours crever !

Marianeau— Mais enfin, Michel, qu’est-ce qui te prend ?

Samantha— Tu me trompes ! 

Bright— Toi aussi ! 

Alicia— Dis-lui que tu veux divorcer !

Samantha— Quoi ?

Bright— Je n’ai jamais dit ça… 

Alicia— Hein ?

Bourrassol— Ma chérie, pourquoi m’as-tu laissé ?

Alicia— Ah toi, ne me touche pas !

De marcy, posant le boîtier sur le bureau. — Puisque vous ne voulez pas…

Berthier, s’emparant du boîtier. — Vous l’aurez voulu ! J’active le Sleep-fast. Je place le capteur vers le sujet… (Elle manipule le boîtier tandis que tout le monde parle en même temps, hurle et court dans le cabinet.) Mais ne bougez pas comme ça ! … Quand je dirai « macaroni », vous tomberez dans un sommeil profond ! Je place le boîtier en position « sleep ». Mais… Restez un peu en place… Je n’arrive pas à viser… (Elle suit Marianeau avec le capteur mais ce dernier se faufile entre les groupes.) Attention… « Macaroni » ! (À cet instant, tout le monde, à l ‘exception de Bright, se fige et devient une statue. Surprise, Berthier regarde tous les autres, immobiles, dans le silence qui vient d’envahir le cabinet.) Une hypnose collective… Ça fait du bien. 

Bright, à part. — Que se passe-t-il ? 

Berthier— On se croirait au musée Grévin. (Elle circule entre les personnes, toutes figées dans le vif de l’action.) Ou plutôt le musée de l’adultère. Et de ses conséquences. 

Bright, à part.  — C’est la secrétaire ! Elle ne m’a pas vu. (Haut ) Dites donc vous, vous m’expliquez ce qui se passe ? 

Berthier— Ils sont endormis. Hypnose. (Donnant à Bright le boîtier.) Sleep-Fast, invention du docteur Marianeau. Pour défiger le sujet hypnotisé, vous n’avez qu’à diriger le capteur vers lui et tourner le bouton de la position « sleep » à la position « on ». 

Bright.  — Intéressant… (À part ) Même si, visiblement, ça n’a pas marché sur moi…

Berthier, à part. — Mais au fait ? C’est peut-être une belle opportunité qui s’offre à moi ? (Elle sort.)

  Scène 9. Tous moins Berthier.

Bright, dirigeant le capteur vers Marianeau.  — Donc, je tourne le bouton sur la position « on ». Voilà ! 

Marianeau, se défigeant et chantant.  — « Pour un flirt, avec toi, je ferais n’importe quoi… pour un flirt… avec toi… » Mais… qu’est-ce qui m’arrive ? (Regardant autour de lui.) Ils sont tous passés au Sleep-fast ! Où est Berthier ?

Bright, donnant le boîtier à Marianeau. — Elle vient de sortir.

Marianeau, comprenant.  — Ah ! C’est elle qui nous a… M. Bright, puisque vous êtes là, je tenais à vous réaffirmer que votre femme…

Bright.  — Docteur, épargnez-vous de nouveaux mensonges. Nous sommes entre hommes. J’ai négligé Samantha, alors elle s’est tournée vers vous. Quoi de plus naturel ? Mais… je suis prêt à oublier ma maîtresse et à former de nouveau un vrai couple avec mon épouse légitime. 

Marianeau.  — C’est vrai ?  (À part ) Ainsi, je pourrais me débarrasser de cette hystérique… 

Bright.  — Mais à condition que vous la rendiez… disons… plus ardente…

Marianeau.  — Plus ardente ? Vous voulez dire qu’avec vous elle n’était pas ? … Voilà qui m’étonne !

Bright.  — Docteur, vous seriez aimable de m’épargner les détails…

Marianeau.  — Excusez-moi !

Bright.  — Avec Samantha, vous n’avez pas connu ce poison qui mine le couple. 

Marianeau.  — Lequel ?

Bright.  — L’habitude !

Marianeau.  — Nous allons remédier à cela. (Pointant le boîtier vers Samantha.) Samantha, lorsque tu te réveilleras, tu redeviendras folle amoureuse de ton mari et tu m’oublieras illico… Eh voilà, il suffit maintenant de pousser le bouton sur « on ». 

Samantha, se défigeant et chantant.  — « Mon histoire c’est l’histoire d’un amour… Ma complainte est la complainte de deux cœurs… » (Voyant Bright.) Oh ! Mon chéri, rentrons à la maison !

Bright.  — Tu pourrais quand même dire au revoir au docteur !

Samantha, à Marianeau, très froide.  — Monsieur ! (À Bright, l’empoignant vigoureusement.) Vite, mon chéri, j’ai envie d’être près de toi !

Bright et Samantha sortent vite. 

  Scène 10. Marineau, Laurence, De Marcy, Alicia, Montagnac, Yvonne, Alicia, Bourrassol, puis Berthier puis Bright.

Marianeau.  — Je crois que les applications du Sleep-fast sont finalement bien plus nombreuses que ce que je croyais… Bon… Cependant, assez joué… les laisser dans ce coma plus longtemps pourrait être dangereux… Nous allons définitivement réveiller tout ce petit monde… Mais auparavant, j’ai une petite idée… (Il dirige le boîtier vers Montagnac.)

Montagnacse défigeant et chantant.  — « Ce soir je serais la plus belle pour aller danser… danser ! Pour évincer toutes celles que tu as aimées… aimées ! » (Voyant Marianeau ) Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

Marianeau.  — Je t’ai hypnotisé ! Avec ça ! L’invention dont je t’ai parlé… le Sleep-Fast !

Montagnac.  — Incroyable…

Marianeau.  — Au fait, je ne savais pas : bravo ! Toi aussi tu fais des infidélités à ton épouse ! Tu as un amant : Bourrassol !

Montagnacrectifiant. — J’avais…

Marianeau. — Ne te fatigue pas, j’ai tout compris. C’est Yvonne qui doit être contente…

Montagnac. — Ne m’en parle pas ! 

Marianeau.  — Elle pourrait tout oublier… grâce au Sleep-Fast 

Montagnac.— C’est vrai ? Ah ! François, tu me sauves la vie ! 

Marianeau.  — À une condition : donne-moi l’argent pour financer cette avancée technologique !

Montagnacsortant son chéquier.  — Combien ?

Marianeau.  — Disons 100 000… pour commencer… 

Montagnacsignant sans tergiverser.  — Tu sais que j’ai toujours cru en ton génie ! Je ne mets pas l’ordre ! Quant à Laurence, elle s’en remettra, ce n’est qu’une femme, après tout…

Marianeau, s’approchant d’Yvonne.  — Yvonne… dans quelques instants tu vas te réveiller… tu ne soupçonneras plus jamais ton mari d’infidélité… 

Marianeau manipule le boîtier. Tout le monde se défige. Chacun chantant pendant quelques instants une chanson d’amour, comme rêvant tout éveillé… Puis, chacun se réveille véritablement et reprend peu à peu conscience. 

Yvonneapercevant Montagnac.  — Ah te voilà ! Je suis contente de te voir. Je te présente mes excuses… J’ai été sottement jalouse… 

Tous les deux sortent.

Laurenceà Marianeau.  — Je  n’aurai pas la naïveté de ma mère. Jamais tu ne me reverras ! 

Marianeau.  — Laurence, je t’en prie !

Laurence.  — Je veux que les choses aillent vite et je ne veux plus entendre parler de toi. 

Marianeau, désespéré.  — C’est vrai ?

Laurence.  — Alors je te laisse le cabinet et je m’en vais !

Marianeau, soulagé.  — Ah bon, là, je suis d’accord…

Laurence sort en fulminant.

Bourrassol, prenant Alicia par le bras.  — Ma chérie, je suis si content de te revoir. Je ne te poserai aucune question. L’important est que nous soyons tous les deux réunis. Viens, je vais te montrer notre pavillon. Nous avons un jardin de 14 m2, toutes les chaines de la TNT et un McDo juste à côté !

Alicia, au désespoir.  — Mais comment ai-je pu refuser tant de bonheur ?…

Bourrassol sort en emportant Alicia qui traîne des pieds, alors que Berthier rentre.

De Marcy, retrouvant sa colère.  — Malgré mon étourdissement, je n’ai rien oublié ! C’en est trop ! je m’en vais…

Marianeau, la retenant.  — Mme De Marcy, c’est un affreux malentendu…

Berthier, bas, à Marianeau.  — J’ai la solution. Jouez le jeu… (Haut ) Mme De Marcy, vous voulez partir, très bien, je vous donne votre manteau. 

De Marcy.  — Dépêchez-vous !

Bright rentre.

Berthier, faisant semblant de recevoir un appel.  — Un instant, je vous prie… (Faisant semblant de répondre.) Oui ? (À Marianeau ) C’est Saint-Antoine !

De Marcy. — La clinique Saint-Antoine ? La concurrence ?

Berthier, faisant semblant de parler à un interlocuteur.  — Mais, évidemment, nous serons ravis de vous fournir ces cinquante Sleep-Fast !

De Marcy.  — Ils vous commandent cinquante Sleep-Fast ?

Berthier, faisant semblant de raccrocher.  — À bientôt ! C’est un plaisir de faire affaire avec vous !

De Marcy.  — C’étaient ces putains de Jésuites de Saint-Antoine ?

Berthier.  — Vous vous rendez compte ? Ils veulent cinquante Sleep-Fast !

De Marcy.  — Je ne savais pas que vous étiez en discussion avec eux…

Berthier.  — De toute façon, Mme de Marcy, cela ne vous intéresse plus, puisque vous ne voulez plus faire affaire avec nous…

De Marcy.  — Attendez ! Vous ne pouvez pas fournir mes concurrents directs ! Ils vont faire des bénéfices énormes et Saint-Bernard va couler ! Bien… alors, je suis prête à faire une croix sur tous mes principes… Moi aussi je vous commande cinquante Sleep-Fast. Mais vous ne donnez rien à Saint-Antoine !

Berthier.  — Ce ne serait pas très régulier, d’autant qu’ils viennent de nous faire une commande ferme…

De Marcy.  — Je vous en commande cent !

Berthier.  — En ce cas les choses sont différentes, n’est-ce pas docteur ? Venez, Mme de Marcy, nous allons passer dans mon bureau pour établir le contrat.

Elle sort, emmenée par Berthier à qui Marianeau fait un clin d’œil. 

  Scène 11 – Scène finale. Marineau, Bright, puis Berthier.

Bright.  — Excusez-moi, docteur, je reviens parce que vous ne m’avez toujours pas redonné ma veste !

Marianeau.  — Votre ? … Ah ! Oui… la voilà ! (Il désigne la veste de Bright posée sur une chaise.)

Bright, remettant sa veste.  — Dites donc, vous l’avez bien eue, la vieille !

Marianeau.  — La vieille ? 

Bright.  — De Marcy !

Marianeau.  — Vous avez entendu ?

Bright.  — Cent exemplaires de votre Sleep-Fast !

Marianeau, satisfait.  — C’est ce que j’appelle une vente…

Bright.  — C’est beaucoup, pour une invention qui n’est pas fiable.

Marianeau, fâché.  — Pas fiable ? Mon Sleep-Fast ? M. Bright, je vous en prie !

Bright.  — Je ne dis que la vérité, il n’a pas marché sur moi.

Marianeau.  — Ah bon ?

Bright.  — Berthier a réussi à hypnotiser tout le monde, sauf moi ! 

Marianeau.  — Mais cela veut dire que certains patients résistent à l’effet hypnotique de la machine ! C’est affreux ! M. Bright, il faut absolument que vous reveniez afin que je puisse réaliser sur vous des essais ! 

Bright.  — Volontiers ! Si c’est pour la science. 

Marianeau, soulagé.  — N’est-ce pas ?

Bright.  — À condition que cela soit rémunéré ! 

Marianeau, résigné.  — Combien voulez-vous ?

Bright.  — Disons 100 000… pour commencer…

Marianeau, lui donnant le chèque de Montagnac.  — Vous mettrez vous-même l’ordre…

Bright.  — Je vois que ma femme, en jetant son dévolu sur vous, avait misé sur un vrai gentleman ! Avec ça, je vais pouvoir m’acheter plusieurs nouvelles vestes !

Il sort alors que rentre Berthier. 

Marianeau, trifouillant le boîtier.  — Mais qu’est-ce qui a pu se passer ?

Berthier, ayant revêtu un tablier de cuisine. — ça y est ! De Marcy a signé le contrat, Françouille ! Vous permettez que je vous appelle Françouille ?

Marianeau, démoralisé.  — Je vous en prie, faites comme chez vous…

Berthier. — J’ai fait réchauffer une boîte de macaronis !

Soudain, Marianeau se fige.

Berthier. — Docteur ? Docteur ? Ah il est… (Au public ) Vous savez quoi ? Je vais le laisser comme ça, c’est encore dans cet état qu’il est le plus à son avantage ! Et surtout, tellement plus coopératif ! (À Marianeau ) Françouille, va donc mettre la table dans la salle à manger ! (Marianeau s’exécute.) Ah, Françouille ! (Marianeau s’arrête.) Après, tu seras gentil de me passer l’aspirateur de la cave au grenier ! (Marianeau, toujours hypnotisé, s’incline en guise d’acquiescement et sort. Au public ) Vous aussi, passez au couple 3.0 et achetez Sleep-Fast ! En vente à la caisse en sortant, à emporter ou livré en 3 jours ouvrés, paiement possible en plusieurs mensualités ! 

***

FIN 

d’Adultère

et conséquences

version 6F/4H

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Écrivez-nous : contact@rivoireetcartier.com


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